Tribune Juive

 Pierre Lurçat : « Jusqu’à la Victoire ». Chronique de deux ans de guerre contre le Hamas. Par Yves Mamou

« La première leçon des terribles évènements du 7 octobre est que la frontière d’Israël se situe là où vivent et habitent des juifs » écrit Pierre Lurçat, essayiste, avocat, éditeur dans son dernier livre intitulé « Jusqu’à la victoire ! La plus longue guerre d’Israël[1] ». Cette phrase en apparence anodine, écrite en 2023, devient explosive si on la juxtapose au massacre de décembre 2025, à Bondi Beach (Sydney, Australie) où 15 juifs ont été assassinés par des islamistes pakistanais. Rien n’est plus éloigné d’Israël que l’Australie. Mais pour les islamistes, Israël est partout où sont les juifs.

Sarah Halimi et Mireille Knoll odieusement assassinées et torturées par des islamistes, à Paris, en 2017 pour l’une et en 2018 pour l’autre… s’inscrivent dans la même lignée meurtrière que le kibboutz Béeri ou Bondi Beach.

La haine des juifs est un invariant historique. Au VIIème siècle, pour punir les tribus juives d’Arabie qui refusent de se convertir, Mahomet leur tend un guet-apens à Khaybar, extermine les hommes et met les femmes en esclavage. Les Gazaouis qui ont déferlé sur le sud d’Israël le 7 octobre 2023 ne criaient pas seulement « Allahou Akbar, » ils criaient aussi « Khaybar, Khaybar, ya yahud ! Jaish Muhammad soufa yaʿoud !  » (« Khaybar, Khaybar, oh Juifs ! L’armée de Mahomet reviendra ! »).

Dans la mémoire musulmane, les juifs assassinés à Khaybar en 628 (oui, vous avez bien lu, en 628) par l’armée de Mahomet, ne sont jamais devenus un épisode historique poussiéreux et pétrifié. Dans leurs cervelles fanatisées, l’évènement est aussi vivant aujourd’hui qu’il l’était en 628.

L’un des mérites principaux de l’ouvrage de Pierre Lurçat est de rappeler que pour les dingues islamistes-palestinistes, le temps ne passe pas. Khaybar, Béeri, Bondi Beach, Mireille Knoll, Sarah Halimi… c’est le djihad. Et il faut le prendre au sérieux, dit Pierre Lurçat.

L’auteur de « Jusqu’à la victoire » ne le dissèque pas sur un mode « rationnel », genre « je vais vous expliquer la vie ». Il ne tente pas non plus, d’apaiser (p 61) les islamistes comme le grand rabbin de France, Haïm Korsia, qui adore « apaiser » les tensions. Il n’y a pas de tensions à apaiser, affirme Pierre Lurçat, car ce même recteur, souriant sur la photographie, tient en arabe à ses ouailles un discours qui a peu à voir avec la concorde entre les peuples.

Face au djihad, Pierre Lurçat pense que la riposte ne saurait être exclusivement militaire. Elle se situe aussi dans le renforcement de la tradition juive. Quand Tsahal commence à encercler Gaza, l’auteur remarque (P63-64) que les médias israéliens sont remplis du mot hébreu « Ketour », qui signifie « encerclement ». Mais Ketour signifie également « couronne ». Quel rapport entre encercler et couronner ? Évident, mon cher Watson, les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre ont représenté une « profanation du Nom divin ». L’encerclement de Gaza, le « ketour », est donc à la fois une opération militaire mais aussi la « Couronne qu’il faut rétablir, celle de la royauté d’Israël et celle de la royauté divine, du « Dieu des armées » qui guide nos soldats et leur donne la victoire ».

Lurçat débloque et mélange tout ?

Non. Il situe le conflit au bon endroit, celui d’une « guerre de civilisation » (p 66). Une guerre qui remonte à la nuit des temps, entre l’islam et Israël.

Le Hamas parle aux musulmans le langage du djihad, et les musulmans le reçoivent cinq sur cinq. Tous les musulmans ne sont pas djihadistes, mais tous connaissent et comprennent le hadith qui fait parler les pierres.  « Ô musulman ! Un juif est caché derrière moi, viens le tuer ! » dit la pierre.  Lurçat, lui, rappelle que la justice française a condamné un imam qui justifiait le meurtre des juifs au nom du hadith des pierres. Mais pourquoi me condamner puisque « c’est le récit de ce qui va se passer à la fin des temps » (p 66), a plaidé l’imam. C’est ainsi que pensent les islamistes.

Pour vaincre cet islam conquérant, il ne suffit pas aux Israéliens de disposer de services de renseignements efficaces ou d’équiper leur armées des dernières trouvailles technologiques. Il leur faut aussi réhabiter leurs traditions, dit Lurçat. On se bat d’autant plus efficacement qu’on fait corps avec la terre et l’histoire de cette terre.

Pierre Lurçat pense ainsi qu’Israël doit recouvrer sa souveraineté sur le Mont du Temple à Jérusalem. L’avoir cédé aux imams de Jordanie en 1967 fut une erreur plus grave encore que le retrait de Gaza en 2005. Récupérer le Mont du Temple serait, selon Lurçat, le seul moyen de montrer aux musulmans qu’Israël est en Israël pour rester en Israël. Lurçat n’évoque même pas le rugissement de colère qui surgirait du monde musulman si le Waqf jordanien perdait la main sur le Mont du Temple. Mais il estime que cette extension de l’autorité d’Israël sur un lieu identitaire stratégique « libèrerait » les musulmans. Il leur signifierait que « Jérusalem est hors de portée de leurs aspirations de faire renaitre un hypothétique Califat et que leur seul choix est d’accepter la coexistence pacifique avec un Israël fort et souverain » (p 68).

Il faut aussi dire un mot de la magnifique préface de Jacques Dewitte sur la « Conceptsia ». Depuis des années, Lurçat dénonce cet étrange aveuglement des élites israéliennes – élus de gauche et même de droite, armée, renseignement civil et militaire – qui s’obstinent à croire que les islamistes pensent « comme nous ». L’ « incompréhensible échec à anticiper l’attaque (du 7 octobre) et à y réagir tout de suite n’était pas dû à des causes matérielles et techniques, mais à une déficience d’un autre ordre, à une dimension complexe incluant la sphère des idées, des idéaux et des représentations », remarque Dewitte dans sa préface. Cette obstination aveugle des élites laïques israéliennes à ne pas voir la réalité islamique, à ne pas chercher à la comprendre, à lui appliquer des schémas mentaux inopérants, font tout l’intérêt de l’ouvrage de Pierre Lurçat.

Tout y est expliqué en détail.

« Jusqu’à la Victoire » n’est pas seulement un regard lucide sur deux années de guerre contre le Hamas. C’est aussi un avertissement : on ne peut s’obstiner à vivre au Moyen Orient, au cœur du monde arabe, si on ne fait pas l’effort de comprendre comme pensent les arabes, dit Lurçat. Mais on décryptera d’autant mieux la psyché islamique que l’on saura soi-même qui on est.

L’universalisme laïc n’est pas le bon outil pour survivre au Moyen Orient.

Yves Mamou

Jusqu’à la victoire ! La plus longue guerre d’Israël, Chroniques 2023-2025. Pierre Lurçat, Éditions de l’Eléphant, 318 pages, 2025

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[1] Pierre Lurçat, « Jusqu’à la victoire, la plus longue guerre d’Israël », Éditions de l’éléphant, 318 pages, 2025

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