Les bras m’en tombent. Dimanche 21 Décembre.
Papa et le fiston sortent avec leur artillerie et font un carton sur des Juifs réunis sur une plage d’Australie. Je n’arrive toujours pas à y croire. Le meurtre d’innocents transmis par héritage d’un salaud à sa pourriture de fils. Ils sont combien comme ça dans la famille ? Y’en a d’autres ? Qu’est-ce que ça se dit, entre dégénérés, avant l’assaut ? La veille, au repas familial ? Ça parle ? En dehors des psalmodies liées à des textes remontant à plus de dix siècles (auxquels ils ne comprennent rien).
Je shoote un vieillard, je frétille de joie, j’allume une fillette, je suis au bord de l’orgasme, je réalise l’œuvre du Grand Machin Universel… Je suis béni d’être ainsi un rebut aux yeux de l’humanité. Non, moi, Parent Denis, le type qui ne tue pas pour des opinions, je ne parviens toujours pas à croire à ces déjections. Parce que ce n’est pas vrai ce qu’on avance souvent dans les officines gouvernementales, pour ne pas affoler Billancourt (la partie verte de Billancourt), pour ne pas choquer les banlieues, grand marché aux herbes et spiritueux, là où l’on dit que les assassins de masse ont des « problèmes psychiatriques ».
Les victimes, elles, sont juives et ce n’est ni un problème psychiatrique, ni une responsabilité collective. Les victimes sont mortes par surprise d’une mort indue. Pour autant qu’il y ait des morts dues. Par le caprice d’une filiation morbide et détestable qui tue par désoeuvrement de l’être. Non, ils ne sont pas fous. Ou alors leur fable collective les rend comme cela. Peut-être s’agit-il d’une autohypnose à force de lire les mêmes rates, sous et sur rates, à force de n’y comprendre goutte.
Je n’arrive pas à y croire. Ça donne envie de s’armer, contre toutes les préventions qu’on a pu avoir sur la chose. Ca donne envie de représailles, sentiment détestable, ça donne des colères effroyables, ça interjecte la part obscure de soi. C’est la guerre. On prend conscience de ce que ça nous fait, cette ivresse contagieuse qui transforme l’être en néant. Comment peut-on se solidariser avec cette engeance, émettre des « oui mais », vomir des « contextualisations » ? A ce stade d’exécutions antipodiques, les Juifs, et d’une manière générale les occidentaux, démocrates, laïcs et libres-penseurs, sont des victimes potentielles des enfouraillés à foulards, qui, par ironie, se disent eux mêmes victimes… Pauvres bêtes.
Les Juifs, mes Juifs, amis et enfants, moi leur goy, je me dis que s’ils avaient une planète quelque part dans une constellation lointaine, il se trouverait encore une bande de cosmonautes verdâtres pour aller akbarer là-bas et faire du carton au fusil laser. Faire la guerre aux Juifs, c’est comme une chasse à courre, l’attaque en meute sur les isolés, avec quelques chiens de post-trotskystes, éditorialistes dans la presse sociale démocrate ou professeurs de linguistique comparée. Des chiens chiens éditorialistes, des clébards professeurs, faut les voir courir à quatre pattes.
À la réflexion, l’akbaré ne fait pas la guerre. Il a simplement le goût du massacre, la passion de tuer les morts, c’est meilleur deux fois, il viole les morts aussi, au cas où. Ça fait profession d’abjection, et je ne comprends pas que dans leur confrérie il n’y ait pas un ras-le-bol, un rejet, un dégoût, une répudiation collective, non, juste un silence même pas honteux, une simple indifférence culturelle. À quelques exceptions notables, bien sûr, n’essentialisons pas, soyons encore un peu humanistes. Pour garder le goût de ce que cela fut.
© Denis Parent. in « Les bras m’en tombent. 21 décembre 2025
La Chronique de Denis Parent « Les bras m’en tombent », que tous ses lecteurs assimilent à ses humeurs, est née il y a trente ans dans « Studio Magazine », où l’auteur nous entretenait de cinéma.
