Tribune Juive

Liberté d’Expression : Faut-il enfermer l’Europe et les États-Unis dans le même sac ? Par Yves Mamou

Progressistes européens et nationalistes américains font de l’information un enjeu stratégique. Mais pas de la même manière.

Emmanuel Macron et Donald Trump se battent tous deux contre les fake news. Mais pas de la même manière. Le président Macron laisse une France en ruines – « la démographie, l’économie, les finances publiques, l’ordre public et jusqu’aux institutions de la Ve République s’effondrent » écrit l’économiste Nicolas Baverez -, mais il ne veut pas que les Français le sachent. Alors, il invente un « label » qui récompenserait les médias qui ne font pas leur métier et stigmatiserait ceux qui pointent son exécrable bilan – le groupe de presse Bolloré notamment.

Donald Trump, lui, vient de mettre en place une base de données publique pour recenser les mensonges et fautes professionnelles des journalistes de l’establishment. Le Washington Post accuse Pete Hegseth, ministre de la Guerre, d’avoir ordonné de « tuer tout le monde » lors d’une opération de lutte contre les narcoterroristes ? Le quotidien de Washington a menti, peut-on lire sur cette base de données. « Le Washington Post a publié un mensonge non fondé pour discréditer les opérations antiterroristes du ministère de la Guerre. »

Au « panthéon des délinquants », aux côtés du Washington Post, la base de données de la Maison Blanche pointe CBSCNNMSNBC et quelques autres.

En Europe, la volonté de contrôler l’information ne date pas d’hier

Oui, l’Europe a montré un intérêt croissant pour le contrôle de l’information. En 2015, peu après avoir ouvert les frontières de l’Allemagne à 1,5 million de migrants du Moyen-Orient, Angela Merkel, chancelière d’Allemagne, s’était effrayée des réactions négatives de la population allemande. Elle avait alors exigé de Facebook qu’il « contrôle » les « messages de haine ». Autrement dit, qu’il les censure.

Merkel a fait école. En 2024, en Grande-Bretagne, Lucy Connolly, une nounou de 41 ans du centre de l’Angleterre, a été condamnée à 31 mois de prison pour avoir exprimé sur les réseaux sociaux, sa colère contre un migrant originaire d’Afrique qui venait d’assassiner trois fillettes de 6, 7 et 9 ans :

« Expulsion massive, tout de suite. Mettez le feu à tous ces foutus hôtels remplis de ces salauds, je m’en fiche. Tant qu’à faire, emmenez avec vous le gouvernement et les politiciens traîtres. Je suis malade de savoir ce que ces familles vont devoir endurer. Si ça fait de moi une raciste, tant pis », avait écrit Nancy Connolly sur X.

Elle avait effacé son message deux heures après, mais trop tard : il avait été partagé un millier de fois.

Le 1er décembre, le président français a publié sur les réseaux sociaux une vidéo hostile au journaliste Pascal Praud, présentateur de L’Heure des pros sur CNews, qui proposait que sa proposition de label porte désormais le nom de « Pravda ».

Le 14 février 2025, à Munich, J.D. Vance, vice-président des États-Unis, dans le cadre d’une conférence sur la sécurité, a dénoncé un recul de la liberté d’expression sur le Vieux Continent :

« Pour l’Europe, la menace qui m’inquiète le plus n’est pas la Russie, ni la Chine […]. Ce qui m’inquiète, c’est la menace de l’intérieur, le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales. »

J.D. Vance a évoqué l’annulation du premier tour de la présidentielle en Roumanie par la Cour constitutionnelle, la condamnation d’un activiste chrétien ayant brûlé un Coran en Suède, des descentes de police visant des citoyens soupçonnés de commentaires misogynes en Allemagne et une amende frappant un ancien militaire opposé à l’avortement au Royaume-Uni.

Le 5 décembre 2025, l’Union européenne a infligé une amende de 120 millions d’euros à X, au nom de la loi qui entend lutter contre la diffusion de contenus illégaux et dangereux en ligne. L’administration Trump a dénoncé une « censure ». C’est « une attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain par des gouvernements étrangers », a fustigé sur X le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio.

Et les États-Unis ?

Certains diront qu’aux États-Unis la situation n’est pas meilleure. La preuve : après le meurtre de Charlie Kirk, un proche de Donald Trump, en septembre dernier, la ministre de la Justice de l’administration Trump, Pam Bondi, a annoncé vouloir s’en prendre « aux discours de haine ». Le tollé a été tel – le « discours haineux » est autorisé par le Premier amendement de la Constitution des États-Unis – que Pam Bondi a rétropédalé.

The Free Press a jugé avec humour qu’il existait au moins un point sur lequel pro et anti-Trump étaient d’accord : la ministre de la Justice n’avait « aucune idée de ce dont elle parlait ».

Le 4 décembre, The New York Times a déposé une plainte contre le Pentagone, pour faire annuler les nouvelles règles imposées par le secrétaire à la Guerre Pete Hegseth, qui ont conduit à l’expulsion de la plupart des grands médias des conférences de presse du ministère.

Le 5 décembre, l’administration Trump a officialisé son refus d’accorder des visas aux personnes issues de la high-tech ayant un passé professionnel dans la « modération des contenus », notamment sur les réseaux sociaux.

Trump-Macron : Kif Kif Bourricot ?

La tentation est grande de mettre Européens et Américains dans le même sac, puis de pleurer sur la liberté d’expression. Mais rien ne serait plus faux.

L’Europe et les États-Unis sont dans une situation diamétralement inverse.

  1. Aux États-Unis : Trump s’oppose à un establishment culturel progressiste qui enrage d’avoir été dépossédé du pouvoir politique depuis son élection à la Maison Blanche.
    L’immense majorité des « parlants professionnels » (chaînes de télévision, radios, grands journaux, Hollywood, universités) adhère à une culture progressiste érigée en norme politique : lutter contre l’immigration illégale serait, selon eux, raciste ; démanteler le système DEI (Diversité, Égalité, Inclusion) serait raciste aussi; défendre la nation américaine serait du chauvinisme, lequel comme chacun sait (sic) mène au nazisme.
  2. En Europe : avec Macron, Scholz, Sánchez, etc., l’establishment culturel est au pouvoir.
    Les élites culturelles, académiques et médiatiques européennes appartiennent au camp libéral-progressiste qui est au pouvoir. Elles approuvent et justifient la politique de frontières ouvertes et l’immigration musulmane de masse qui en découle. Le multiculturalisme serait à les écouter, le meilleur moyen de casser le nationalisme qui mène mécaniquement à l’instauration du nazisme (sic). L’immigration de masse serait une « richesse » et la dissolution des nations au sein d’une structure bureaucratique non élue (l’Union européenne), serait le prix à payer pour une plus grande liberté.
  3. Conclusion : Trump et les Macron européens agissent en miroir.
    • En Europe : les élites progressistes croient que cadenasser la liberté d’expression protège le peuple de lui-même.
    • Aux États-Unis : les nationalistes pensent que les élites culturelles mentent au peuple – et sont un frein à sa liberté.

Les Européens veulent que le peuple n’entende que la parole officielle ; les nationalistes américains réclament que leur parole politique cesse d’être délégitimée par les élites culturelles.

Rien d’étonnant que la liberté d’expression soit devenue un champ de bataille.

© Yves Mamou

Source: mamou

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