Introduction
Un discours explosif prononcé à Haïfa par le juge Itzhak Amit (juge à la Cour suprême d’Israël) a ravivé l’un des conflits institutionnels les plus graves de ces dernières années : la lutte de pouvoir entre l’exécutif et l’appareil judiciaire.
Le Professeur Moshe Cohen-Elia (spécialiste du droit public) décrypte l’escalade et révèle les tensions internes qui fragilisent aujourd’hui la justice israélienne.
1. Le coup de tonnerre d’Itzhak Amit
Amit accuse le ministre de la Justice Yariv Levin (responsable des réformes judiciaires) et le gouvernement de mener une décennie d’attaques systématiques contre la justice.
Selon lui :
les attaques contre les juges sont coordonnées,
l’indépendance judiciaire est menacée,
les réformes passées ont créé des failles profondes difficiles à réparer.
2. Cohen-Elia : un discours « extrême » et révélateur de panique interne
Pour Cohen-Elia :
« Le discours d’Amit est extrême. Il ne traite pas des véritables enjeux constitutionnels, mais d’un réflexe de protection interne. »
Il regrette que la Cour suprême évite des sujets centraux :
séparation des pouvoirs,
droits civiques,
équilibre démocratique.
Selon lui, l’institution se concentre essentiellement sur sa propre défense.
3. Un système qui se referme sur lui-même
Cohen-Elia décrit une dynamique interne regroupant plusieurs acteurs influents :
Shabak (sécurité intérieure),
Patsarit (פצ »רית : Procureure militaire en chef),
Conseiller juridique du gouvernement,
plusieurs juges de la Cour suprême.
Ce groupe, affirme-t-il, produit un effet de domination interne, orchestre une mobilisation défensive et tente de regagner le contrôle du récit public.
4. Le point le plus explosif : le téléphone de la Patsarit
Le Professeur évoque l’information circulant publiquement selon laquelle :
Le téléphone de la Patsarit contiendrait des échanges avec un juge “très haut placé”.
Il précise :
qu’il ne peut pas confirmer l’existence ou le contenu de ces messages,
mais comprend que cette hypothèse pourrait expliquer le stress et la réactivité inhabituelle observée au sommet du système judiciaire.
Cette affaire ajoute une couche de pression à un moment déjà critique.
5. La lutte de pouvoir interne à la Cour
Selon Cohen-Elia, Amit tente activement de conserver la main sur plusieurs dossiers :
composition des formations,
renvois d’audiences,
décisions procédurales cruciales.
Les tensions seraient palpables avec d’autres juges influents :
Khaled Kaboub,
Yechiel Wilner,
David Mintz
(tous juges à la Cour suprême, chacun représentant une sensibilité juridique différente).
Cohen-Elia y voit une fracture interne inédite.
6. L’enjeu central : le droit du ministre d’enquêter
La question fondamentale :
Le ministre de la Justice peut-il, oui ou non, intervenir dans ou initier des enquêtes visant des autorités judiciaires ou sécuritaires ?
Selon Cohen-Elia :
Amit craint une réponse qui réduirait la sphère d’autonomie de la haute hiérarchie judiciaire,
et cherche à garder l’avantage, malgré une majorité interne parfois fragile.
7. Une ambiance d’hystérie et de peur
Cohen-Elia décrit un climat marqué par :
la pression institutionnelle,
la peur de pertes de contrôle,
des réactions nerveuses,
des fissures internes visibles.
Même au sein de la Cour suprême, des voix critiques existent déjà, notamment celle du juge Noam Solberg, qui a ouvertement affirmé que le système judiciaire doit être réformé.
8. Responsabilité partagée
Le professeur insiste sur un point essentiel :
« La crise n’est pas le résultat d’un seul acteur. Elle provient de dérives accumulées, de réformes contestées et d’une absence de mécanismes d’auto-correction. »
Il rappelle également que la Cour possède un pouvoir théorique problématique :
refuser des recours en invoquant sa “liberté judiciaire”, ce qui peut équivaloir à un contournement du contrôle démocratique.
Conclusion : Une institution au bord de la rupture
Cette affaire révèle :
une justice inquiète,
un gouvernement déterminé,
une Patsarit au cœur d’un scandale non résolu,
des alliances internes fragilisées,
une confiance publique plus basse que jamais.
Pour Cohen-Elia :
« La vérité finira par sortir. Mais la pression actuelle est immense, et le système fonctionne aujourd’hui à la limite de ses capacités. »
© David Germon

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