Époustouflant ! Et surprenant ? On ne s’attendait pas à ce livre de Denis Olivennes sur ce sujet. On le croyait éloigné du judaïsme.
Voilà qu’il vient de publier, non pas un livre, mais un dictionnaire !(1). Ouah ! Et pourquoi pas tout simplement un livre ? « Non », dit-il, « pour moi, être juif ne se demande pas. Être Français, en revanche, est un honneur. Plutôt que d’écrire un essai, je me suis lancé dans cette promenade subjective, à travers portraits, histoires, lieux, livres, chansons, films. Le lecteur y rencontrera au hasard, et par exemple, Rachi, Sarah Bernhardt, Léon Blum ou Barbara, mais aussi des convertis comme Nostradamus, Montaigne ou Proust. Et encore d’illustres Français qui aimèrent les Juifs : Abélard, Pascal, Péguy, Charles de Gaulle… Il se promènera à Rouen, Narbonne, Évian et Vichy ou rue des Rosiers à Paris, et découvrira également la synagogue de la Victoire, les vieux cimetières juifs d’Alsace ou la figure de “la belle juive dans l’imaginaire national ».
Pour montrer l’extraordinaire diversité des figures du judaïsme français et son incroyable enracinement, Denis Olivennes a donc choisi le format du dictionnaire. « Comment alors évoquer les cinq familles du judaïsme français venues de Provence, d’Alsace-Lorraine, du Sud-Ouest, d’Afrique du Nord, d’Europe de l’Est ? » poursuit-il. « La diversité des engagements politiques, depuis la droite conservatrice d’un Mandel jusqu’au communisme d’un Krasucki, en passant par le gaullisme de Schumann , le socialisme de Blum ou le radicalisme de Mendès France ? La variété des rapports avec la religion, depuis l’orthodoxie jusqu’à l’anticléricalisme en passant par la conversion au catholicisme ? Ou encore la profusion des destins – des généraux d’Empire comme le baron Wolf, de grands intellectuels comme Durkheim ou Aron, des financiers comme les Rothschild ou les Lazard, des industriels comme les frères Pereire, des écrivains comme André Maurois ou Joseph Kessel, des philosophes comme Bergson ou Jankélévitch… C’est une promenade gourmande et ludique, pas une somme ennuyeuse ».
Dans la préface de cet épais volume de 700 pages, Denis Olivennes évoque la montée de l’antisémitisme en France depuis le 7 octobre, mais avoue avoir préféré assembler un tendre cabinet de curiosités historiques plutôt que de publier un essai ou un pamphlet sur l’actualité récente.
Se concentrer sur les aspects les plus lumineux de cette si vieille relation entre la France et les juifs est un parti pris franc, mais sans illusion, et qui n’évacue pas l’inquiétude.
De A comme Pierre Abélard, poète, philosophe, théologien et défenseur des juifs dès le Moyen Âge, à Z comme Zadok Kahn, grand rabbin qui fut un soutien acharné d’Alfred Dreyfus et était vomi par l’extrême droite, le dictionnaire explore aussi bien les arts, les mythes culturels, les lieux que les grandes figures juives de France.
« Magnifique entrée sur le quartier de Belleville à Paris, où vivaient tant d’ashkénazes, où le yiddish était une langue courante, avant que les séfarades n’y débarquent sous l’œil méprisant de leurs prédécesseurs. Les pages sur « la belle juive, lascive, car orientale, séduisante, car parfaitement intégrée », décrypte ce cliché tenace de la littérature du XIXe siècle : cinéma, chanson, politique, banquier, résistant, gangster, ce dictionnaire foisonnant tient sa promesse, on y sent l’amour de Denis Olivennes, écho de l’amour des Juifs pour la France et de la France pour les juifs. Un bonheur de lecture et d’érudition.
© Alain Chouffan
(1))Dictionnaire amoureux des Juifs de France. Plon Editeur. Octobre 2025
