Tribune Juive

« Par sa quête éperdue du pouvoir, Mélenchon a vendu son âme au diable » : Richard Malka publie sa plaidoirie anti-LFI

Paris le 27 novembre 2025. L'avocat Richard Malka pour la sortie de son nouveau livre " Passion antisemite " Photo Le Parisien / Arnaud Journois

Par Marion Mourgue et Thomas Poupeau

EXCLUSIF. Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, publie « Passion antisémite », sa plaidoirie au procès opposant LFI au philosophe Raphaël Enthoven. Cent pages pour condamner le « cynisme » de Jean-Luc Mélenchon et sa stratégie électorale qui fait le jeu, dit-il, de l’extrême droite.

Dans un sourire, Richard Malka avale un expresso puis soupire. « Je sais que je serai attaqué pour ce livre », glisse l’avocat de Charlie Hebdo, guetté d’un œil par le policier chargé de sa sécurité. Ce mercredi 3 décembre, il publie « Passion antisémite » chez Grasset. Le texte — « au mot près » — de sa plaidoirie dans le procès intenté par la France insoumise (LFI) à l’essayiste Raphaël Enthoven, lequel avait posté un message sur X qualifiant le parti de Jean-Luc Mélenchon de « passionnément antisémite ». Début novembre, son discours de 1h45 a convaincu le tribunal, qui a relaxé l’écrivain.

« On peut donc désormais dire que LFI est antisémite », souligne le défenseur de la liberté d’expression, qui a publié ces cent pages pour « que les gens ouvrent les yeux sur un antisémitisme devenu cool », en passant sous la bannière de la gauche radicale, plus seulement de l’extrême droite. Car pour Richard Malka — au vitriol sur Jean-Luc Mélenchon, déçu par celui qui fut, il n’y a pas si longtemps, « le héraut de la lutte contre la haine des juifs » — le combat en vaut la peine. « Derrière l’antisémitisme, juge-t-il, c’est la haine de la liberté d’expression, de la République et de la démocratie qui se tapit. »

Selon vous, il s’est joué plus qu’une histoire de tweets entre Raphaël Enthoven et LFI dans de procès. Vous dénoncez l’explosion d’un antisémitisme à gauche…

RICHARD MALKA. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, on assiste à la résurgence d’un antisémitisme qui n’est pas honteux. La haine des juifs a toujours été là, à l’extrême droite, mais pas assumée… Aujourd’hui, elle a migré vers la gauche radicale et est devenue cool et décomplexée. C’est un changement de monde, qui a des conséquences dans la réalité des juifs de France. Mais cela nous concerne tous. La haine des juifs, c’est une attaque contre la République.

Vous ciblez Jean-Luc Mélenchon en disant que « c’est lui qui a appuyé sur l’interrupteur » de cet antisémitisme. Estimant que quelque chose a évolué chez lui…

Il y a quelques années, il était l’un des plus acharnés à lutter contre l’antisémitisme. Il allait débusquer les moindres mots qu’on pouvait suspecter, là où peu de monde voyait un problème. Il est devenu ce qu’il haïssait.

Comment expliquez-vous cette bascule ?

Il y a de l’électoralisme, avec ces fameuses 600 000 voix qui lui ont manqué pour être au second tour de la présidentielle en 2022, et qu’on lui a conseillé d’aller chercher dans les quartiers populaires.

« Le tribunal ne dit pas que LFI est antisémite, mais que l’on peut dire que les Insoumis le sont. »

Richard Malka

Vous suggérez qu’il veut attirer les voix des musulmans ?

C’est clairement ce que LFI dit. Or, c’est tout aussi raciste, puisque c’est essentialiser les musulmans dans le rôle des antisémites… comme s’ils l’étaient naturellement ! On alimente les mauvaises passions de tous.

En résumé, selon vous, LFI est le principal danger pour les juifs de France ?

Les sondages le disent : les juifs sont 92 % à avoir peur de LFI. Le problème antisémite est dans cette gauche-là.

Mais est-ce que c’est ce qu’a validé le tribunal en déboutant LFI de ses poursuites contre Raphaël Enthoven ?

Le tribunal ne dit pas que LFI est antisémite, mais que l’on peut dire que les Insoumis le sont, parce qu’il y a suffisamment d’éléments qui le justifient. C’est énorme pour un parti qui prétend être de gauche. Je n’ai d’ailleurs pas souvenir d’un parti politique qui poursuit des gens ayant critiqué leur ligne. Ils savent parfaitement ce qu’ils font car, précisément, Jean-Luc Mélenchon fut celui qui allait, il y a des années, débusquer l’antisémitisme chez les autres. Il sait ce que ces mots entraînent.

Richard Malka appelle les électeurs et militants LFI à ouvrir les yeux avant de s’engager dans un parti qui pourrait défendre des valeurs contraires aux leurs. LP/Arnaud Journois

Une douzaine de cadres LFI sont cités dans votre plaidoirie. Or, il y a 70 parlementaires, au moins 2 000 élus… Vous estimez que tout le parti pose problème…

Non, c’est pour cela que je veux alerter en m’adressant aux électeurs et aux militants LFI. Je sais que beaucoup sont insoupçonnables. Je voudrais qu’ils ouvrent les yeux, se disent qu’ils s’engagent dans un parti qui défend des valeurs contraires à celles qu’ils souhaitent défendre, sur l’antisémitisme et le rejet de la démocratie. Jean-Luc Mélenchon alimente par son discours un antisémitisme féroce. Qu’on puisse voter pour lui, c’est un motif de désespoir. C’est un poison pour notre société et la gauche en particulier.

C’est-à-dire ?

Jean-Luc Mélenchon est devenu la malédiction de la gauche. Elle n’accédera plus au pouvoir tant qu’elle n’aura pas résolu ce problème. Il n’est plus possible de s’associer avec cette personne ni avec son parti antisémite. Par sa quête éperdue du pouvoir, Mélenchon a vendu son âme au diable.

« Ce n’est pas toute la gauche qui est problématique, c’est bien LFI. »

Richard Malka

Alors, que dites-vous au reste de la gauche ?

Ils ont passé leur temps à dire qu’il vaut mieux perdre une élection que leur âme. Avec les municipales qui approchent, qu’ils se réveillent !

Récemment, un professeur de Lyon-2 a publié une liste de Français juifs, les qualifiant de génocidaires. Mélenchon a trouvé ce post « éclairant ».

Cela m’attriste et c’est inquiétant pour ce pays. Je voudrais que les gens se rendent compte. Certains sont déjà perdus, parce qu’ils sont entrés dans la secte… mais pas tous : je m’adresse à ceux qui ont un esprit critique. On a tous une responsabilité, chacun à son niveau, pour combattre l’antisémitisme. Moi, j’aurais fait ce que je pouvais !


Quand on lit ce livre, on en viendrait presque à oublier que, selon un récent sondage Ipsos, 52 % des sympathisants RN adhèrent à au moins six préjugés antisémites, c’est 15 points de plus que les Insoumis. Et que des dizaines de leurs candidats aux dernières législatives ont été épinglés pour des propos antisémites, racistes…

Je n’ai pas d’œillères. Et j’ai aussi écrit une bande dessinée sur ce sujet (« La Face crashée de Marine Le Pen », chez Grasset, 2017). Si l’on regarde ces sondages, effectivement les préjugés antisémites sont plus importants à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche… mais on n’est pas loin du moment où les tendances vont se croiser. C’est très inquiétant. Je note que c’est chez les écolos que ces clichés sont le moins partagés, donc ce n’est pas toute la gauche qui est problématique, c’est bien LFI.

Si l’élection avait lieu aujourd’hui, on pourrait avoir un affrontement entre Mélenchon et Bardella, lequel pense que Jean-Marie Le Pen n’était pas antisémite. Pour qui voteriez-vous ?

Mélenchon est le meilleur agent électoral de Bardella. Il condamne le pays à le mettre au pouvoir, tant lui-même est devenu un repoussoir ! Dans cette configuration de cauchemar, vous me demandez si je vais voter pour un parti antidémocratique, violent et antisémite… sous prétexte qu’il se dit de gauche ? Non, je mettrai un bulletin Charlie Hebdo.

Photos Le Parisien / Arnaud Journois

Source: Le Parisien

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