
Contexte:
Selon l’analyste israélien Yoni Ben Menachem — ancien directeur de « La Voix d’Israël », spécialiste des affaires arabes et chercheur au Jerusalem Center for Public Affairs —, l’Égypte du président Abdel Fattah al-Sissi est engagée dans une montée en puissance militaire accélérée, susceptible de préparer le terrain à une confrontation future avec Israël.
Cette alerte intervient dans un contexte régional explosif : guerre à Gaza, tensions avec le Hezbollah au Liban, repositionnement stratégique de l’Iran, et fragilité croissante du régime jordanien.
« L’Égypte construit sa puissance militaire »
“L’Égypte, explique Ben Menachem, s’occupe activement de la construction de sa puissance militaire.
Elle investit dans les armements les plus modernes du monde.”
L’expert rappelle que, malgré le traité de paix de Camp David (1979), l’armée égyptienne n’a jamais cessé de se renforcer.
Elle est aujourd’hui la plus importante du monde arabe, bénéficiant de coopérations militaires discrètes avec plusieurs puissances occidentales et asiatiques — France, Russie, Chine — qui lui fournissent avions, blindés et systèmes de défense avancés.
Une paix fragile dans le Sinaï
“L’Égypte a respecté l’accord de paix dans le Sinaï, mais elle reste vigilante.
Elle prépare ses forces à tout scénario, y compris celui d’un affrontement avec Israël.”
Depuis la montée des groupes djihadistes affiliés à Daech, le Sinaï est redevenu une zone instable.
L’armée égyptienne y déploie d’importants moyens — parfois au-delà des limites prévues par Camp David — avec l’accord tacite d’Israël et des États-Unis.
Mais pour Ben Menachem, ce renforcement ne vise pas seulement le terrorisme : il sert aussi à maintenir une dissuasion stratégique vis-à-vis d’Israël.
Le rôle ambigu du Caire face au Hamas
“L’Égypte a fait partie de toute l’évolution du Hamas depuis 2007 jusqu’à octobre 2023.”
Ben Menachem accuse Le Caire d’avoir joué un double jeu :
tout en se posant en médiateur, l’Égypte aurait toléré — voire facilité — le renforcement du Hamas via les tunnels de Rafah, permettant au mouvement islamiste de consolider ses capacités militaires.
Selon l’analyste, Le Caire utilise le Hamas comme levier diplomatique :
- pour peser sur Israël,
- et pour affirmer auprès de Washington et de Bruxelles son rôle de “stabilisateur régional” incontournable.
Une position de plus en plus stratégique
Depuis octobre 2023, l’Égypte adopte une posture de prudence calculée, protégeant sa frontière tout en contrôlant le flux des réfugiés palestiniens.
Mais pour Ben Menachem, cette neutralité apparente cache une préparation à long terme :
“L’Égypte observe Israël. Elle étudie ses faiblesses, son comportement, et prépare son armée à un scénario futur.”
L’objectif du Caire ne serait pas une guerre idéologique, mais une restauration de puissance régionale, face à l’Iran, à la Turquie et à Israël.
« Qu’ils soient pragmatiques aujourd’hui n’empêche pas qu’ils se préparent »
“Oui, les Égyptiens sont pragmatiques aujourd’hui. Mais leur pragmatisme n’exclut pas la préparation à une confrontation. Ce serait une erreur stratégique pour Israël d’ignorer cela.”
Analyse
L’avertissement de Ben Menachem réactive un vieux réflexe stratégique : malgré quarante-six ans de paix, la méfiance militaire entre Jérusalem et Le Caire n’a jamais totalement disparu. Les deux pays coopèrent ponctuellement contre le terrorisme, mais leurs doctrines de défense restent orientées l’une contre l’autre. “L’Égypte n’est pas une ennemie, mais elle n’est plus un simple partenaire de paix. C’est une puissance régionale indépendante, avec sa propre lecture de l’avenir.”
À retenir
✅ L’Égypte modernise rapidement son armée avec l’aide de puissances étrangères.
✅ Le traité du Sinaï reste respecté, mais le Caire déploie plus de forces qu’autorisé.
✅ L’Égypte entretient un rôle ambigu avec le Hamas.
✅ Le pays se prépare à tout scénario, y compris un affrontement avec Israël.
✅ Israël doit anticiper une Égypte forte, pragmatique mais prête.
Source
🎙️ Déclaration de Yoni Ben Menachem, analyste et ancien directeur de la radio publique israélienne (Kol Israel)
Transmis par David Germon, Jérusalem