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Il fut un temps où Nicolas Sarkozy passait pour l’épouvantail de la République.
On voyait déjà les journaux saisis, les CRS dans les couloirs des rédactions, la France transformée en commissariat.
Résultat ? Le “fougueux” Sarkozy aura fait voter la QPC, donnant à tout citoyen le droit de contester la loi.
Et il confia à l’opposition la présidence des commissions parlementaires.
L’ogre d’hier avait donc, au fond, une âme de libéral.
Un autoritaire… émancipateur.
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Quand le pouvoir se fait sourire
Emmanuel Macron, lui, n’a pas besoin de crier. Il chuchote la liberté pendant qu’il l’attache avec un ruban tricolore.
Il ne censure pas : il labellise.
Il ne fait pas taire : il classe.
Il ne frappe pas : il note la conformité.
Dernière trouvaille : confier à Reporters Sans Frontières la mission de labelliser les “médias fiables” par le sceau JTI.
Une ONG au sourire moral, mais dont le logiciel idéologique est d’un seul bloc.
Ainsi, sous couvert de vérité, on fabrique la bonne presse — celle qui pense juste, vote bien et cite les mêmes trois sources.
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Service public, service unique
Le pluralisme audiovisuel, cette vieille exigence républicaine, est aujourd’hui sous perfusion.
Delphine Ernotte, reconduite pour un troisième mandat à France Télévisions, règne sur un royaume du consensus où le débat s’éteint dans la naphtaline des “valeurs”.
À la même heure, l’Arcom — cette nouvelle Inquisition douce — étrangle C8 et menace CNews, chaînes trop insolentes pour le goût du Château.
On n’interdit plus : on ne renouvelle pas la fréquence.
La censure devient procédurale ; on tue la parole par circulaire.
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De l’autorité au magistère moral
Sous Sarkozy, on se battait : le ton montait, la presse répondait, le peuple tranchait.
Sous Macron, on explique. Toujours.
On ne débat plus : on éduque.
Le pouvoir n’a plus d’adversaires, seulement des élèves récalcitrants.
Le chef de l’État ne gouverne plus des citoyens, mais des incompréhensions.
C’est la gouvernance pédagogique : celle qui ne dit pas “obéis”, mais “comprends-moi”.
Et pendant qu’on comprend, la décision est déjà prise.
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À quand la Maison des écrivains ?
On a commencé par trier les médias. On finira par trier les écrivains.
Il y aura les “contributeurs au vivre-ensemble” et les “nuisibles à la cohésion”.
Les uns seront invités sur France 5, les autres sur écoute administrative.
On ne brûlera plus les livres : on ne les diffusera pas.
Et, dans le silence climatisé des rédactions labellisées, on proclamera que la liberté n’a jamais été aussi grande.
Alors, se rend-il seulement compte de la portée de ses déclarations et de ses actes ?
C’est peut-être la question la plus charitable, la plus favorable.
Car si c’est conscient, c’est grave.
Mais si c’est inconscient, c’est pire encore : cela veut dire qu’en France, la servitude peut désormais se faire au nom de la vertu.
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Sous Sarkozy, on pouvait contester. Sous Macron, on doit être certifié.
© Paul Germon