Tribune Juive

« Free Palestine, sales Juifs ! » : à Béziers, l’auteur d’injures antisémites condamné à de la prison

Maître Serfati et ses clients

Il a 25 ans. Il est marocain. Le voilà condamné à une peine de prison ainsi qu’à une interdiction de paraître près d’une synagogue, ce mardi 25 novembre, pour avoir, cet été, proféré des injures antisémites envers une famille juive dans les rues de Béziers.

Une décision qui pourrait faire jurisprudence

L’affaire a été jugée ce mardi 25 novembre à Béziers: le19 juillet dernier, jour de Chabbat, une famille juive de cinq personnes marchant au niveau de l’avenue Auguste-Albertini est agressée verbalement par un conducteur de voiture qui crie en les croisant : « Free Palestine, sales Juifs ! »

Le prévenu a dû répondre de ses actes à la barre du tribunal biterrois: « Je reconnais avoir crié « Free Palestine », mais absolument pas « sales juifs », a-t-il dit, ajoutant: « J’écoutais de la musique, j’ai crié ça et puis j’ai vu que des gens courraient après ma voiture. Et je me retrouve convoqué, deux mois après.
Mais jamais j’aurais pu dire une telle insulte, ce ne sont pas mes valeurs, ni ma nature ».

Durant ce procès, il aura fallu déterminer si l’insulte « Sales juifs » avait bien été prononcée, ou si seulement « Free Palestine » avait été vomi: « J’ai dit ça comme ça, je n’ai aucune idéologie politique. Je n’ai pas pu reconnaître qu’ils étaient juifs, je n’ai pas vu de kippa. Je ne savais pas que les Juifs portaient des chapeaux et des redingotes », a déclaré le prévenu, auquel le Président du tribunal rétorqua qu’il était « bien le seul à n’avoir pas vu Rabi Jacob »;

Ne voilà-t-il pas qu’il s’avère qu’à ses côtés dans la voiture, un autre homme, comparaissant libre, allait reconnaître avoir, lui, identifié la famille juive, menée par un dentiste reconnu parlant fluidement l’arabe, et étant le président de l’Association cultuelle israélite de Béziers.

L’avocat de la défense, Me Olivier Bance, questionna son client, lui demandant s’il avait déjà été traité de « sale arabe »: « Je ne compte pas le nombre de fois » , lui fut-il répondu, « et même de djihadiste ».

Le père de la famille injuriée prit alors la parole, expliquant au jeune homme qu’il était « extrêmement choquant de se balader pendant Chabbat, en costume traditionnel, et de voir quelqu’un en voiture proférer des insultes. Même « Free Palestine », c’est une insulte. C’est le nouveau « sale juif » », finit-il.

Dire « Free Palestine », ce n’est pas anodin, c’est du même niveau que « sale juif » ».

Défenseuse de la famille juive, Me Corine Serfati débuta sa plaidoirie en rappelant la gravité de la situation dans l’Hexagone: « Il n’y a pas un jour où il n’y a pas un acte antisémite qui est poursuivi en France. […] Mes clients n’ont commis que le délit de venir à Béziers pendant Chabbat. Dire « Free Palestine », ce n’est pas anodin, c’est du même niveau que « sale juif. […] Ce jeune homme n’est pas vindicatif, il est souriant, mais il a vite compris qu’il fallait avouer n’avoir dit que « Free Palestine. […] Cinq personnes se sont déplacées pour parler d’une insulte en plus. Vous devez savoir que ces mots ont une conséquence dramatique. Il faut que justice soit faite pour que ces actes antisémites reculent », asséna-t-elle.


Le coup de grâce, le moment salvateur de dignité, fut porté par le représentant du ministère public, René Scognamiglio, qui requit 12 mois de prison, dont huit ferme, une interdiction de contact et de paraître près d’une synagogue, ainsi que 5 000 € d’amende, avec exécution provisoire:

« C’est tout simplement insupportable, allez voir les images de la Shoah après avoir proféré ces insultes, allez voir les images du 7 octobre ! […] Personne n’est heureux ici de voir des
enfants mourir en Palestine. Les faits sont parfaitement caractérisés, j’aurais honte à votre place,
c’est indigne. Vous venez déranger les morts qui étaient en paix ».

La messe était dite.

Une jurisprudence qui pourrait faire date venait de se faire sous nos yeux, alors même que l’avocat de la défense, Me Olivier Bance, tentait l’argument éculé de la « liberté d’expression »: « J’ai eu envie d’hurler ma colère pendant la plaidoirie et les réquisitions. Est-ce qu’on est encore en France ? Ce pays de liberté d’expression et de laïcité ? Dire « Free Palestine » n’a rien à voir avec la religion, c’est critiquer un État occupant la Palestine. Cela ne renvoie pas à une réalitéJreligieuse. Ce n’est pas dire à bas les juifs ! Ce n’est qu’une opinion politique. Comme demander la libération de Boualem Sansal n’est pas être anti-musulman ou anti-algérien. […] Vous n’avez pas la preuve qu’il a dit « sales Juifs », seulement les déclarations des parties civiles, qui ne peuvent pas être prises comme des témoignages. Je pense que l’un d’entre eux a cru l’entendre car il s’est senti insulté avec « Free Palestine », il a ensuite convaincu les autres que c’était le cas. Il y a un doute évident donc vous relaxerez mon client, qui travaille et qui n’a aucune mention à son casier judiciaire ».

Le tribunal de Béziers suivit les réquisitions du ministère public.

Cette décision pourrait faire date : on ne connaît pas encore les motivations de cette dernière, mais il est possible que les juges n’aient retenu que l’usage de « FreePalestine » et de sa connotation pour caractériser l’injure publique.

Avec Maitre Corinne Serfati

Quitter la version mobile