« … car nous surveillons les signaux du feu de Lakish selon tous les signaux que mon seigneur m’a donnés, car nous ne voyons pas les signaux d’Azéka. … »*

Quand j’ai appris la mort d’Ari Fuld, je ne le connaissais pas. Il a été assassiné par un fanatique antijuif en Judée et Samarie le 16 septembre 2018**, le jour de mon anniversaire.
La première chose que j’ai faite, c’est chercher des photos de lui sur Internet. Je suis tombé sur celle postée ci-dessus. Son visage m’a plu. Toujours à la recherche de figures héroïques, j’y ai vu un héros.
Ensuite, j’ai voulu savoir qui il était, au-delà de mes impressions. Mes impressions ne m’ont pas trompé. Ari Fuld était un héros. Il a consacré une bonne partie de sa vie à soutenir et défendre Israël, et c’était un réserviste, à aider des gens avec une détermination constante. Donc, en plus d’être un héros, il était bon. La bonté étant l’une des plus grandes qualités humaines avec le courage. Il vivait en Judée et Samarie. Pour moi, les gens qui vivent en Judée et Samarie sont forcément des héros. Il faut être un héros pour vouloir vivre dans un endroit où autant de gens ne veulent qu’une seule chose : vous exterminer. « … « Il est mort comme il a vécu : en héros altruiste qui voulait aider et protéger les autres », a écrit Sarri Singer, victime du terrorisme en Israël et fondatrice de Strength to Strength, une association qui rassemble les victimes du terrorisme, dans une tribune publiée par le Jewish News britannique. « Après avoir été poignardé dans le dos par un terroriste, son premier réflexe a été de neutraliser la menace et de s’assurer que tout le monde était en sécurité. » …»
Ari Fuld défendait avec vigueur l’idée que les Juifs de Judée et Samarie devaient rester là, que c’était leur place, leur terre. Certains en Israël critiquent ce type de comportement, y voyant un fanatisme, et le mettant parfois sur un même plan critique que le fanatisme arabe. Chose odieuse. Il n’y a aucun fanatisme à affirmer que la Judée et Samarie est juive, puisqu’elle l’est, ni à défendre cette idée et à vouloir y vivre une vie juive.
Judée / ְיהּוָדה (yehuda) est à l’origine le nom du royaume de Juda, issu des tribus d’Israël, qui occupait la partie sud. Le nom vient de Yehuda, fils de Jacob (Israël), dont la tribu a donné son nom à cette région.
Samarie / ׁשְֹמרֹון (Shomron), nom qui désigne la région au nord de la Judée, qui correspondait au territoire du royaume d’Israël (royaume du Nord). Le nom vient de la ville de Samarie, qui était la capitale de ce royaume, fondée vers le début du 9ᵉ siècle avant Jésus-Christ, autour de 880-875 av. J.-C.
C’est le roi Omri, un des rois du royaume d’Israël (royaume du Nord), qui a établi cette nouvelle capitale. Avant cela, la capitale était Tirza, mais Omri a construit Samarie comme une ville fortifiée et administrative, qui est rapidement devenue le centre politique du royaume d’Israël jusqu’à sa chute en 722 av. J.-C., quand les Assyriens ont conquis la région.
Samarie date d’environ 2 900 ans !
Elle existe encore comme site archéologique, se trouvant dans le village actuel de Sebastiya, près de Naplouse.
Ari Fuld s’inscrivait donc dans une histoire réelle, celle que beaucoup d’antisionistes ne connaissent pas, ne veulent pas connaître, ou veulent faire disparaître.
Mais il y a des gens comme Ari Fuld qui leur font front, non pas comme des dragons, mais comme ayant été envoyés du passé juif pour dire : la Judée et Samarie est Juive et elle doit le rester.
Ça n’est pas une fantasmagorie, c’est lié à une réalité historique, à une identité, pensée, récits, mémoire, héritages, traditions.
Ari Fuld n’était pas une antiquité. Mais un homme vivant, vivant dans la vie. Pas dans un livre, pas dans un manuscrit. C’était là et maintenant, tous les jours, avec une famille, des enfants, des amis, une femme, un travail. Une existence contemporaine.
Il a marché sur cette terre, il a senti ses odeurs, a vu sa lumière, ses couleurs. Cela n’était pas dans un ouvrage, un musée juif.
Il faisait partie du présent, et a été tué dans le présent.
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Il y a eu une présence juive continue en Judée et en Samarie sur plusieurs millénaires, même si cette présence a fluctué en intensité et en nombre selon les périodes historiques. Pendant l’Antiquité, Judée et Samarie étaient au cœur du royaume d’Israël et du royaume de Juda, avec une population majoritairement juive. Après la destruction du Second Temple en 70 apr. J.-C. et la révolte de Bar Kokhba en 135, beaucoup de Juifs furent dispersés, mais un noyau juif resta vivant sur place. Au fil des siècles, sous les dominations romaine, byzantine, arabe, croisée, ottomane, on trouve toujours des communautés juives — souvent petites, mais présentes. Même si des périodes de persécutions ou de difficultés ont pu réduire leur nombre, cette continuité est attestée par des fouilles archéologiques, des documents historiques, des traditions locales. Pendant l’occupation jordanienne (1948-1967)***, l’accès des Juifs à la Judée-Samarie était interdit, et la présence juive y avait quasiment disparu à cause de l’expulsion ou de la fuite des populations juives après la guerre de 1948. C’est donc une interruption importante de la présence juive en Cisjordanie. À partir de 1967, avec la guerre des Six Jours et la prise de contrôle de la Cisjordanie par Israël, une présence juive moderne a été réinstallée par les implantations (« colonies »), certaines revendiquant un lien historique millénaire à la terre.
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— Pour la petite histoire : J’ai un jour dormi au bord d’une route de Judée et Samarie, lors de mon premier séjour en Israël, que j’ai fait à vélo, dans ma tente. La police m’a réveillé au petit matin en me disant que c’était très dangereux de dormir là. Je ne le savais pas. Il me fallait un café chaud, alors je suis allé dans le village le plus proche, un village arabe. J’y ai vu des visages fermés, très sérieux, pas de sourire, rien d’aimable à première vue. J’ai senti chez les gens que je regardais une forte tension. J’ai pris mon café, et je suis parti. Rien ne me donnait envie de rester là. J’ai eu l’impression d’être dans un film de western, quand le protagoniste entre dans une petite ville pleine de bandits et passe par la rue principale. L’ami que j’allais rejoindre, vivant dans cette région, m’a confirmé — je crois bien qu’il m’a traité d’inconscient et a failli me disputer si mes souvenirs sont bons— que ce que j’avais fait aurait pu me coûter la vie. Le danger est bien réel en Judée et Samarie et les Juifs qui y vivent sont bien des gens héroïques.
© Nicolas Carras
Notes
*Lettre IV de Lakish.
**Murder of Ari Fuld : https://en.wikipedia.org/wiki/Murder_of_Ari_Fuld
***Entre 1948 et 1967, sous contrôle jordanien, il n’y avait plus de Juifs en Judée- Samarie. Les communautés juives historiques ont été vidées en 1948. Toutes les communautés juives de la région tombées sous contrôle jordanien ont été expulsées, tuées, forcées de fuir. À Hébron, plus aucun Juif après les massacres de 1929 puis l’expulsion finale en 1948. À Goush Etzion la communauté a été détruite et les survivants faits prisonniers. Dans la vieille ville de Jérusalem (quartier juif), les Juifs ont été expulsés, maisons détruites, synagogues dynamitées. Et le royaume de Jordanie a interdit tout retour juif. Après 1948 aucun Juif n’avait le droit d’entrer, aucun Juif ne pouvait résider en Judée-Samarie sous administration jordanienne, aucune présence juive communautaire n’a été tolérée.
Nicolas Carras est Créateur (vidéo – son – photo), artiste, poète