
Samedi
Lever à 6h 30
Journée importante, à la découverte d’un site aujourd’hui hautement couru et qui risque d’être très chargé.
En tout cas on le dit.
Et comme je déteste la foule mais que ma curiosité est indexée sur ma trouille, on y va.
Ablutions classiques, un léger maquillage, à mon âge le no make up a un air de cercueil, jeans, baskets, carte Navigo, en voiture Simone, le métro c’est pas fait pour les chiens .
Ni pour ceux qui détestent être amalgamés, mais après avoir pris un coup de sac à dos sur une épaule , et un coup de sac à main sur l’autre, je me faufile vers l’arrière de la rame, là un mec moins chanceux que d’autres croise mon regard, mes rides, me fait un signe, j’opine, il se lève, mille mercis monsieur, je le remercie avec effusion, je ne l’embrasse pas mais c’est tout comme, Hôtel de Ville , inutile de sortir, le métro t’amène direct au rayon outillage, quelle chance j’avais besoin d’un tournevis, mais bon ça attendra la prochaine visite , je presse le pas, le bonheur m’attend en haut, près du 7e ciel en fait.
Des panneaux indicateurs offrent un espace premium au rayon visé, j’arrive le coeur battant et là…
Là…
Ben là, rien.
Le rayon est vide en dehors d’ouvriers qui installent des étagères et de nouveaux rayonnages.
Je ne me décourage pas.
La marque a tout de même pris ses quartiers, et exhibe des…
Des quoi au fait ?
Des serpillières ?
Ben normalement cet article se trouve au rayon menage, nan?
Je regarde attentivement.
Ben ce sont bien des serpillières, pas d’erreur.
Malgré le grand panneau qui affiche un audacieux SHEIN, indiquant une occupation insolente des lieux, je cherche LE vêtement élégant, attrayant, bien coupé, hype, bon marché , revendiqué par la marque dans ses orgueilleuses publicités, je chausse mes lunettes roses offertes par Zoé, pasque t’es plus belle mamie avec des lunettes roses, tu fais moins vieille, et je m’approche tout près des cintres sur lesquels pendouillent de grossiers tas de laines tout pelucheux, j’arpente les allées ( pas très nombreuses), de pseudos pulls à perte de vue que même des vessies ne prendraient pas pour des lanternes, et là une onde de déception inonde toutes mes espérances passées.
Personne sur le site.
Apparemment un mot d’ordre a circulé:
N’y allez pas!!!!
Je fixe en même temps les étiquettes.
Ben dis donc!
Les impécunieux devront s’abstenir, car rie n’est n’est vraiment bon marché et la campagne low cost de la marque a pris un coup dans le positionnement.
Un coup et un coût aussi.
Car si t’es venu avec un billet de 5€ et une carte bleue épuisée , tu peux prendre les transports pour rentrer chez toi, SHEIN a modifié sa palette budgétaire, rien de très attractif sur les étiquettes proposées.
Et si Dior et Chanel ont pris leurs jambes à leur cou en entendant le mot honni, ils auraient dû attendre l’installation complète avant de hurler à la concurrence déloyale.
Car dans le mot concurrence sommeille une idée d’égalité, ils n’ont donc pas fui pour cette mensongère raison.
Mais bien évidemment pour échapper aux remugles contaminants que cette marque aurait pu faire peser sur leur notoriété et faire fuir une clientèle qui ne dispose plus de masques de protection depuis la fin de la Covid ( eh oui! Cette bestiole est féminine).
Et malgré mon charme hypnotique et reconnu, le rayon n’a à aucun moment connu l’effervescence redoutée, je suis restée pratiquement seule à pleurer mon désespoir et mon temps perdu.
Bref comme l’a écrit le regretté William Shakespeare :
Much ado about nothing.
Je l’écris en anglais pour offrir un certain lustre à cette chronique qui, je m’en rends compte, clapote dans l’outrance calamiteuse , et je vous prie de m’en excuser.
Le rayon des serpillière est au premier étage je crois.
Je vous embrasse
© Michèle Chabelski