
Plusieurs personnalités ont participé à ce repas hautement symbolique.
Entre la République et Hassen Chalghoumi, cela aurait pu fort mal tourner… Formé dans une madrassa (école coranique) au Pakistan et très probablement soumis à des influences fondamentalistes, celui qui allait devenir imam n’a cependant pas choisi d’être un prêcheur de haine. Exerçant sa fonction à Drancy, ville qui abrita le camp d’internement puis de transit des juifs ensuite déportés à Auschwitz, Chalghoumi a pris la Shoah en plein cœur et en pleine âme.
C’est sans doute pourquoi, dès 2006, participant à une commémoration, il déclarait : « qu’issus de la même famille, enfants d’Israël et d’Ismaël sont des cousins ». Depuis, il a fait des voyages en Israël et multiplié les initiatives de dialogue interreligieux pour rapprocher musulmans et juifs : par exemple en 2013, avec une cérémonie d’hommage aux déportés de Drancy (co-organisée avec l’écrivain Marek Halter et réunissant imams et rabbins).
Imam, républicain et laïque
La démarche œcuménique de cet imam atypique s’accompagne d’un républicanisme impeccable. Ainsi, en 2010, il a soutenu sans ambiguïté la loi sur le port du voile intégral, en déclarant : « le voile intégral n’est pas une prescription religieuse, mais une prison pour les femmes, un outil de domination sexiste et d’embrigadement islamiste ». On aimerait entendre une défense aussi affirmée de l’égalité des sexes de la part de certains élus qui se prétendent pourtant garants des valeurs républicaines…
Pour qui douterait de la conversion d’Hassen Chalghoumi au républicanisme, demandons-nous quelle serait sa situation s’il s’affichait partisan de la ligne salafiste/wahhabite de l’islam et prêchait la haine de la France, de la République, de la laïcité, des juifs, des homosexuels et des femmes :
– l’extrême gauche LFIste et une large partie de la gauche l’auraient adoubé et le soutiendraient
– les médias islamogauchistes dits « de référence » en auraient fait l’interlocuteur incontournable des pouvoirs publics et le présenteraient comme l’autorité morale incontestable représentant tous les musulmans de France
– l’argent des théocraties pétrolières l’arroserait en abondance
– sa vie et les vies des membres de sa famille ne seraient pas menacées
– le président de la République l’aurait peut-être invité à l’Élysée, pour partager un brunch avec le président-terroriste de Syrie
Bref, s’il avait adopté un profil islamiste, Hassen Chalghoumi aurait été la coqueluche de la wokisphère, comme Rima Hassan ; tout en ayant la possibilité de mener une vie de luxe et de luxure, comme Tarik Ramadan. Et il aurait renoncé à ce destin de star pour vivre traqué et sous protection policière ?
Haï par l’extrême droite, l’extrême gauche et les islamistes
Pour la vieille extrême droite nostalgique du pétainisme, ce n’est pas tant la religion de Chalghoumi que son origine qui pose problème. Ledit problème, c’est que l’imam est un maghrébin, avec un patronyme maghrébin, un accent maghrébin et une apparence physique de maghrébin ! Se convertirait-il à une version intégriste du catholicisme et irait-il chanter des psaumes à St Nicolas du Chardonnet tout en se flagellant le torse, qu’il serait toujours considéré comme inassimilable ! Les défenseurs de la consanguinité croient en effet que l’appartenance à la nation française ne se fonde que sur l’ascendance : serait donc français uniquement celui qui peut prétendre être issu d’une lignée française. Ceux-là mêmes qui organisent des messes en mémoire du traître Pétain sont-ils en mesure de comprendre qu’un Boualem Sansal, naturalisé seulement depuis 2024, sera toujours infiniment plus français, par l’encre versée au service de la francophonie, que nombre de responsables politiques européistes, sans doute « français de souche », mais qui détestent profondément notre pays ?
Les soraliens, pour leur part, ont statué que Chalghoumi était le « toutou » des sionistes. Bref, en traitant l’imam de chien, ils ont servilement plagié l’une des insultes favorites des islamistes, leurs maîtres…
Quant à l’extrême gauche antisémite, antifrançaise et antilaïque, elle vomit Chalghoumi parce que, justement, il n’est ni antisémite, ni antifrançais, ni antilaïque ! En mars dernier, l’élue LFI Rima Hassan, dans un tweet adressé à l’imam de Drancy, écrivait : « il est grand temps que les musulmans de France te dégagent ». Comment interpréter ces propos ? Dégager où ? Dégager comment ? L’égérie des croisiéristes pro-hamas a réitéré en août dernier, postant un nouveau message dans lequel le patronyme de l’imam est mentionné, accompagné cette fois d’un émoticône sablier. S’agit-il d’une allusion au temps qui passe ? Au temps qui resterait à l’imam ? Au temps qui lui resterait avant quoi ? Espérons que la justice, si prompte à juger et à condamner des personnalités dites de droite, montrera la même célérité avec cette élue d’extrême gauche.
Les islamistes, enfin, utilisent les réseaux sociaux pour déverser chaque jour des tombereaux d’insultes et de menaces sur Chalghoumi : il serait un apostat, un traître, un faux imam et, insulte ultime, un sioniste. Bref, il est une cible.
Il y a pourtant de fortes probabilités pour qu’un homme qui voit converger sur lui la co-haine de l’extrême droite antisémite, de l’extrême gauche antisémite et des islamistes antisémites (pardon pour tous ces pléonasmes) soit finalement un type fréquentable…
L’imam alchimiste
Comme le christianisme ou le judaïsme, l’islam est pluriel. Que de divergences dans la foi intérieure et dans la pratique entre le sénégalais adepte d’une confrérie soufie et un taliban afghan ! Le premier est en quête de sens, le second est en quête de sang ; le premier est dans une démarche contemplative et mystique d’élévation spirituelle censée le rapprocher de son dieu, le second est dans une logique d’action djihadiste qui lui offre un permis de tuer au nom de son dieu. Qui oserait prétendre que le dieu de la méditation est le même dieu que celui des kalachnikov et des couteaux ?
A cet égard, l’imam Chalghoumi propose encore une autre approche, novatrice et révolutionnaire, de l’islam : un islam républicain et français. Et c’est en cela qu’il n’est pas seulement un imam, mais qu’il est aussi un alchimiste (mot dont l’étymologie renvoie à l’arabe « al-kimiya », signifiant la chimie, la transformation).
Aux temps médiévaux, les alchimistes cherchaient la mythique « pierre philosophale », qui, selon la légende, changerait les métaux vils en métaux précieux. Le « Grand Œuvre » que poursuit, quant à lui, l’imam alchimiste Chalghoumi, est la transformation de l’islam en France (actuellement sous l’influence du courant wahhabite/salafiste) en un islam de France, soit une foi apaisée et compatible avec la République française (1). En d’autres termes, il s’agit d’élaborer la pierre philosophale de la politique, qui permettrait la transformation des passions viles (comme l’intolérance) en paix civile, ce qui a bien plus de valeur que tout l’or du monde !
Le pari de Chalghoumi
La démarche œcuménique et républicaine de l’imam Hassen Chalghoumi illustre la phrase suivante de Voltaire, extraite de ses « Lettres philosophiques » (ou « Lettres anglaises ») : « S’il n’y avait en Angleterre qu’une religion, le despotisme serait à craindre ; s’il y en avait deux, elles se couperaient la gorge ; mais il y en a trente, et elles vivent en paix et heureuses ». L’imam de Drancy a compris que le pluralisme religieux de notre République laïque est la seule garantie de tolérance face au suprémacisme islamiste générateur de violences interreligieuses.
La version chalghoumienne de l’islam -un islam modéré et compatible avec la République- est un pari, semblable à celui de Pascal sur l’existence de Dieu. De ce pari dépend l’avenir de la France. Si le pari de Chalghoumi réussit, le gain sera la concorde civile ; si le pari échoue, et que la version intégriste de l’islam s’impose, le futur de la France sera la guerre civile. Entre Chalghoumi et la saint-Barthélémy, certains de nos élus ont déjà choisi…
Qu’attend-on pour nommer Hassen Chalghoumi ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur et chargé de l’administration des cultes ?
Merci, Hassen Chalghoumi.
(1) Dans son livre intitulé justement « Pour l’Islam de France », Chalghoumi déplore les ingérences étrangères dans la gestion de l’islam sur le territoire hexagonal.
M. H.

Magnifique éloge pour un homme qui le mérite amplement.