TRIBUNE. Selon le directeur d’études à l’École pratique des hautes études, en annulant le colloque sur la Palestine, le Collège de France croyait éviter la polémique, mais alimente une forme de « cancel culture » inversée.

« Le 9 novembre, l’administrateur du Collège de France, Thomas Römer, a fait savoir que le colloque « La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines », prévu dans les locaux de l’illustre établissement et organisé par Henry Laurens en collaboration avec son ancien doctorant François Ceccaldi et deux membres du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (Carep), dont son directeur, était annulé. Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur, s’est réjoui de cette décision. Le 12 novembre, le Carep a annoncé que le colloque se tiendrait finalement dans les bâtiments qu’il occupe à Paris.
Cette manifestation était vivement critiquée depuis plusieurs jours par divers médias catalogués comme de droite ou d’extrême droite. Indépendamment de toute considération politique et sur un plan factuel, les arguments mis en avant étaient, pour l’essentiel, justes. Le Carep, antenne française de l’Arab Center for Research and Policy Studies, un centre de recherches qatari basé à Doha, est évidemment anti-israélien par principe.
Son conseil d’administration était présidé il y a encore quelques années par François Burgat, qui est toujours membre de son conseil scientifique. Proche de Tariq Ramadan, le même François Burgat avait déclaré à l’issue du procès Samuel Paty « nous sommes tous des terroristes » puis, après les massacres du 7 Octobre, « j’ai infiniment, je dis bien infiniment, plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël ».
« Israël est un état nazi, pire même »
Le Carep n’a jamais caché sa sympathie pour ce sympathisant du Hamas et l’a encore publiquement soutenu en avril 2025 dans un communiqué dénué de toute ambiguïté, signalant qu’il avait « contribué, avec rigueur et indépendance, à l’analyse critique des dynamiques politiques du monde arabe ».
Leila Seurat (Carep), l’une des coorganisatrices du colloque, a écrit une thèse sur la « politique extérieure » du Hamas (« politique extérieure » : n’est-ce pas une expression que l’on réserve normalement à un type d’action étatique ?). Dans une interview pour l’association France Palestine Solidarité (qui réclame entre autres l’annulation des concerts d’Enrico Macias) intitulée « Le Hamas au-delà des discours » (tout un programme…), elle parle de « lutte armée » sans jamais utiliser le mot « terrorisme ».
L’un des modérateurs, Muzna Shihabi (Carep), a quant à lui déclaré sur X que « Israël est un état nazi, pire même ». Ce petit florilège suffit à montrer que l’orientation du colloque est foncièrement anti-israélienne, foncièrement propalestinienne, directement influencée par le Qatar qui finance le Hamas, et sans doute, pour certains des participants au moins, antisémite et pro-islamiste. Par exemple pour ceux d’entre eux qui auraient remarqué sans s’en offusquer que le colloque devait avoir lieu un 13 novembre, anniversaire des attentats perpétrés en 2015 par un certain nombre de « résistants armés ». Bien évidemment, aucun historien tenant un autre discours n’a été invité (Georges Bensoussan n’était sans doute pas disponible aux dates proposées).
Le Collège de France devait-il annuler ce colloque ? Faut-il regretter que le Carep l’ait en définitive accueilli ? Pour justifier l’annulation, l’administrateur du Collège a mis en avant des problèmes de sécurité (« garantir la sécurité du personnel du Collège de France, ainsi que de ses auditeurs, et éviter tout risque quant à l’ordre public »), alors que le ministre a insisté sur la nécessité d’un débat pluriel (« la décision responsable d’une institution qui doit […] être le lieu du débat dans toute sa pluralité »).
« Débat pluriel » et liberté académique, l’impossible mariage ?
Le premier motif sent le réchauffé : la sécurité et le risque de trouble à l’ordre public sont invoqués chaque fois qu’un événement est interdit. Si des manifestants propalestiniens venaient interrompre toute rencontre consacrée au judaïsme ou à Israël, faudrait-il alors annuler toutes les manifestations consacrées au judaïsme ou à Israël ? Et à la différence du Collège de France, le Carep semble capable d’assurer sa propre sécurité (contre qui, d’ailleurs ? Contre des hordes de manifestants « sionistes » avides d’en découdre ? On les a dernièrement assez peu vus, ce qui n’est pas le cas de tous les activistes concernés par le Proche-Orient).
Quant à la notion de « débat pluriel », elle est plus pernicieuse, car on ne voit pas très bien comment elle peut être combinée à celle de liberté académique. Henry Laurens est professeur au Collège de France, il a choisi d’organiser un colloque sans aucun doute très critiquable d’un point de vue moral, mais qui ne tombait pas sous le coup de la loi. Celui-ci n’était pas « pluriel » ? Mais de très nombreuses manifestations sont organisées dans un entre-soi qui ne pose généralement aucun problème à personne, tout simplement parce qu’elles abordent des sujets moins sensibles.
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Et qui décidera, d’un point de vue juridique, qu’une manifestation est plurielle ou pas ? Faudra-t-il créer une sorte d’Arcom universitaire qui dénombrera, dans un colloque consacré à l’Église antique ou médiévale, les catholiques, les protestants et les athées ? Dans un colloque consacré à l’esclavage, les Noirs, les Blancs et les autres ? Dans un colloque consacré à tel ou tel moment de la vie politique, les intervenants de droite, de gauche, du centre etc. ?
« Cancel culture » inversée
Les scientifiques ont la responsabilité d’organiser des colloques qui doivent être scientifiques et non partisans, en tout cas s’ils utilisent des deniers publics. S’ils ne le font pas, ils méritent d’être durement critiqués. C’est bien ce qui aurait dû arriver dans ce cas. Le wokisme a érigé la « cancel culture » en principe d’action, au nom d’une rectitude morale dont il prétend détenir l’exclusivité. Aussi, en annulant la tenue d’un colloque au motif, hélas jamais clairement énoncé, qu’il dégageait des relents anti-israéliens pour le moins suspects, l’administrateur du Collège de France et le ministre de l’Enseignement supérieur ont rendu un bien mauvais service à ceux qui défendent l’idée d’une stricte séparation entre activité scientifique et militantisme. Ils ont agi comme agissent les activistes qu’ils prétendent dénoncer : ils se sont faits les chantres d’une « cancel culture » inversée.
Leur décision s’avère d’autant plus maladroite, pour ne pas dire lâche, qu’elle permet désormais aux partisans de la nazification d’Israël de se poser à la fois en victimes de la censure et en défenseurs de la liberté académique, ce qui ne manque pas de piquant. C’est un beau cadeau qui leur a été fait.
Dans la mesure où il était porté par un de ses professeurs et où il avait pour lui, sinon la légitimité, du moins la légalité, le Collège de France aurait dû accepter la tenue de ce colloque moralement répréhensible et demander aux organisateurs d’inviter des scientifiques porteurs d’un autre discours. Et si lesdits organisateurs avaient refusé cette proposition, il se serait honoré en soutenant financièrement un colloque alternatif, donnant la parole à ceux qui ne prétendent pas qu’Israël « est un état nazi, pire même ».
Naturellement, Henry Laurens et tel ou tel de ses amis auraient aussi dû être invités à cette rencontre. Au lieu de cela, ils ont permis à toute une intelligentsia pour le moins timide à l’égard du terrorisme islamique de se poser en victime de la censure d’État et de chanter dans une annexe « scientifique » du Qatar à Paris, sur tous les tons, l’antienne de la liberté académique, alors que cette valeur leur est résolument étrangère. Quel gâchis ! Seule consolation : la tenue du colloque dans les locaux du Carep montrera clairement qui est qui et qui dit quoi. En peu de mots, pourquoi il faut ne pas interdire ce qui n’est pas illégal parce que c’est la condition d’une critique libre, voire, dans un cas comme celui-ci, nécessaire et impitoyable.
© Patrick Henriet
Patrick Henriet est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, membre actif de l’Observatoire d’éthique universitaire.

Les possedants de la classe dominante française croient avoir la paix en laissant leurs amis qataris fomenter de tels » colloques » grace a leur argent et leurs agents .
C est un tres mauvais calcul car les juifs disparaissent du paysage français d une maniere ou d une autre , mais les machines de lavage de cerveaux complaisament installėes en France trouveront vite d autres os a ronger et finiront par manger le monde intellectuel tel un cancer islamiste .
Comme les vichyssois croyaient se sauver en livrant les enfants juifs , les macrono socialauds bourgeois verront la branche pourrir sous leur poids .