Tribune Juive

La collaboration horizontale avec les islamistes : le Djihad de l’orgasme contre la laïcité. Par Anas Emmanuel Faour

Lors de la Libération, l’expression « collaboration horizontale » désigna ces liaisons tissées entre certaines femmes et les soldats de l’occupant. Elle disait l’ambiguïté du pouvoir et du désir, l’étreinte trouble où la soumission devient offrande et la domination, caresse. Longtemps perçu comme une trahison, ce phénomène dévoila comment le corps, pris dans le tumulte de l’Histoire, peut devenir à la fois abri, arme et scène d’un compromis avec la force.

Michel Foucault l’avait entrevu : « le pouvoir s’exerce autant sur les corps que par les corps », soulignant que la domination se glisse dans les veines du désir, jusqu’à confondre la contrainte et le consentement.

Par analogie, une forme contemporaine de collaboration horizontale se manifeste aujourd’hui dans certains milieux traversés par l’entrisme islamiste. Il ne s’agit plus d’une occupation militaire mais d’une conquête des imaginaires, où le corps, devenu instrument d’influence, participe à une stratégie d’emprise subtile. Ce qu’un journaliste libanais a qualifié de « djihad du désir sexuel » (djihad al-nikah) s’inscrit dans cette logique de domination symbolique : non plus la possession d’un territoire, mais celle d’un être, d’une identité ou d’une conscience.

Ce djihad du désir sert d’instrument de conquête symbolique et de recherche de gains idéologiques ou politiques, selon une logique à la fois globale et circonstancielle. Il peut viser à façonner un individu dans une situation donnée, à le doter d’une identité conforme aux attentes d’un groupe, et à le promouvoir comme figure légitime, porte-parole ou futur dirigeant. Le corps devient alors un vecteur d’endoctrinement autant qu’un espace de reconnaissance sociale, où se rejoue la dialectique du pouvoir et du désir.

Or, ce type d’entrisme islamiste ne produit de résultats qu’en exploitant un fort écart d’âge et en ciblant certaines élites, hommes ou femmes, issues des milieux civils, politiques ou intellectuels : universitaires, avocats, ingénieurs ou responsables associatifs, souvent âgées de cinquante, soixante ou soixante-dix ans, entretenant des relations avec de très jeunes partenaires d’une vingtaine d’années, parfois même de moins de vingt ans. On pense à la chanson de Dalida, Il venait d’avoir dix-huit ans. Mais ici, il ne s’agit pas d’une romance ordinaire, plutôt de relations fondées sur l’échange, un service contre un autre : le sexe contre l’accès à un capital idéologique ou symbolique.

Dans la jurisprudence musulmane, les relations sexuelles hors mariage sont strictement interdites. Cependant, certaines règles d’interprétation ont, dans des contextes particuliers, permis d’en nuancer la portée et, par conséquent, de fournir un cadre justificatif susceptible de légitimer ce que certains discours contemporains ont appelé le « djihad du désir sexuel ».

La première est le principe de nécessité, selon lequel la contrainte ou la survie peut, dans des cas exceptionnels, autoriser ce qui est normalement prohibé. Bien que reconnu par toutes les écoles, ce principe peut être utilisé pour justifier les relations hors mariage à des fins idéologiques ou politiques.

La seconde concerne la simplicité contractuelle du mariage islamique. Celui-ci repose sur le consentement verbal et la présence de deux témoins, sans exigence de cérémonie religieuse. Le divorce demeure un acte unilatéral prononcé par l’homme.

Par ailleurs, dans le chiisme, le mariage temporaire autorise une union à durée déterminée. Cette pratique, abrogée par le sunnisme, n’interdit cependant pas de divorcer rapidement après le mariage.

Enfin, pour certains islamistes orthodoxes, une femme non musulmane peut être considérée comme une esclave sexuelle, ce qui, dans leur interprétation extrême, autorise des relations sans cadre matrimonial.

La « collaboration horizontale », ou le « djihad du désir sexuel », incarne une servitude volontaire au sens de La Boétie : non plus la contrainte, mais l’abdication intime, ce mouvement par lequel l’esprit se plaît à aimer sa propre soumission. Car, comme l’écrivait La Boétie, « ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ».

L’élan de vivre une relation charnelle avec un partenaire de dix-neuf ans, lorsqu’on en a cinquante, soixante ou soixante-dix, peut troubler le jugement même des esprits les plus aguerris, y compris parmi ceux qui exercent des responsabilités associatives, universitaires ou professionnelles. Fasciné par l’illusion d’un lien rajeunissant, l’individu glisse vers une dépendance insidieuse, où le désir se mêle à la soif de reconnaissance, et où l’attachement prend les traits d’une servitude consentie.

Sans surprise, l’orgasme avec une personne de dix-neuf ans n’est pas seulement un moment d’intensité charnelle : il devient souvent le point de bascule où s’installe une subtile dépendance psychologique. Le lien intime, d’abord perçu comme une expérience de vitalité ou de liberté, se mue peu à peu en stratégie d’influence. Le sentiment se fait instrument de contrôle, et la relation devient un espace inversé de pouvoir. Le jeune homme ou la jeune femme de dix-neuf ans, placé au centre du rapport, devient le véritable supérieur de la personne plus âgée, âgée de cinquante, soixante ou soixante-dix ans, qui, séduite par l’illusion du renouveau, se laisse orienter, modeler et dominer.

Rien d’anormal, en apparence, à voir un jeune islamiste de dix-neuf ans ami sur Facebook avec une femme de cinquante ans ou plus. Elle partage avec ses amis des idées profondes ; lui, dont la seule culture est celle de l’islamisme, se tait. Qu’elle change simplement sa photo de profil, et aussitôt surgit un cœur dans la liste des réactions, un cœur pas comme les autres, rappel ultrasensuel de l’orgasme, ou peut-être un commentaire très succinct : « trop belle », « archi belle ». Elle répond par une phrase de onze, douze ou treize mots. Ce décalage dans le nombre de mots est un indice important, même s’il paraît anodin : rien n’est gratuit, il y a toujours échange, mais de quoi contre quoi ?

Le danger apparaît lorsque cette emprise déborde la sphère privée pour influencer la vie civile, les milieux intellectuels ou le débat public. Le lit devient alors une agora à sens unique, où la jeune fille ou le jeune homme détient la parole du maître, tandis que la personne de cinquante, soixante ou soixante-dix ans acquiesce, adapte son discours et modèle sa pensée selon les attentes de son partenaire.

Cette soumission intime, qui procure un orgasme inédit, conduit parfois à des excès de zèle : l’on devient royaliste plus que le roi, musulman plus que le grand mufti. Certains s’engagent alors dans des revendications islamiques de manière spectaculaire. Il arrive que ces engagements prennent des formes absurdes, telles que l’attaque publique, médiatique ou judiciaire d’un chef d’entreprise accusé d’imposer une clause contractuelle interdisant le jeûne du Ramadan dans des conditions de travail pénibles, ou lors d’un déplacement dans un pays chaud. Pourtant, les plus hautes autorités religieuses, y compris les grands muftis, rappellent que le jeûne du Ramadan peut être suspendu en cas de labeur difficile ou de déplacement dans des conditions climatiques extrêmes.

Cet entrisme islamique par le biais de l’orgasme constitue un élan idéologique et thermologique d’une ampleur inédite. Il conduit jusqu’à une redéfinition de notions fondamentales telles que la laïcité, la République ou l’universalisme, réinterprétées selon le discours du partenaire qualifié de « musulman modéré ». Ce terme, appliqué presque exclusivement à la jeunesse, laisse entendre qu’il n’existerait pas de musulman modéré de soixante-dix ans.

Dans ce cadre, la rhétorique de la double appartenance sert à légitimer un double discours. La jeune personne issue d’un pays d’origine où prévaut le slogan « Allah, la Patrie » est présentée en France au public par la personne plus âgée, âgée de cinquante, soixante ou soixante-dix ans, comme laïque. Elle participe à des événements ou à des colloques sur la laïcité et publie sur les réseaux sociaux, notamment sur X, des messages valorisant une laïcité française qui érige la patrie au-dessus de toute apparence religieuse.

Mais une fois sortie de ces espaces institutionnels ou lors de ses interventions en direct sur TikTok, elle redevient adepte du même slogan originel, « Allah, la Patrie », inversant ainsi les registres symboliques selon le contexte. L’orgasme qu’elle procure à des personnes âgées de cinquante, soixante ou soixante-dix ans agissent alors comme un voile qui justifie et redéfinit la laïcité, en la transformant en un outil de tolérance sélective autorisant le double discours au nom de la double nationalité.

Lutter contre ce phénomène dans un État de droit impose le respect absolu des libertés fondamentales. Aucune loi n’interdit une relation consentie entre adultes, quel que soit leur âge. La différence d’âge ne traduit pas forcément manipulation ; elle peut exprimer un rapport d’égalité ou une dynamique formatrice initiée par la personne la plus âgée, comme entre Lou Andreas-Salomé et Rilke.

Mais cette liberté exige une vigilance civique nécessaire à la cohésion républicaine : non pour contrôler les consciences, mais pour repérer les dérives idéologiques issues de la collaboration horizontale ou de l’entrisme islamiste, souvent cachées sous un engagement intellectuel ou moral.

Ancrée dans une éthique de la responsabilité démocratique, cette vigilance ne limite pas la liberté privée, mais préserve le débat public des influences idéologiques cachées derrière les discours de tolérance ou de modernité.

© Anas Emmanuel Faour

Né à Damas en 1974, Anas-Emmanuel Faour est philosophe et ingénieur en informatique, ancien professeur en Syrie, ancien secrétaire général de l’Union générale des étudiants de Palestine et ancien membre du Conseil national du Parti de Gauche

Quitter la version mobile