Tribune Juive

Syrie : du nationalisme autoritaire au totalitarisme islamiste. Par Anas Emmanuel Faour

Primo Levi affirmait : « Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre », tandis que Jürgen Habermas soulignait que « la mémoire du passé est une condition nécessaire à la maturité démocratique ». Dès lors, la question de ce qui s’est réellement passé en Syrie est non seulement légitime, mais également essentielle pour en comprendre les dynamiques actuelles.

Cette interrogation prend une acuité particulière à la lumière des massacres perpétrés contre les Alaouites en mars 2025 et contre les Druzes en août 2025, ainsi que des répressions visant ces deux minorités, mais aussi la communauté chrétienne. Elle s’inscrit également dans la volonté implicite du régime d’Abou Mohammed Al-Julani de créer un nouveau front de conflit avec les Kurdes. Quoi qu’il en soit, les démarches constitutionnelles engagées instaurent le régime d’Al-Julani comme une nouvelle dictature, y compris à l’encontre de la majorité sunnite. Ce tournant marque l’avènement d’un pouvoir islamiste exerçant désormais sa domination sur l’ensemble de la Syrie.

La chute du régime Assad fut une immense source de joie, symbolisant la fin de cinquante-quatre années de barbarie. Cette joie est légitime et ne saurait être ternie par l’identité des prétendus « libérateurs » du Hayat Tahrir al-Cham (HTS) dirigé par Abou Mohammed Al-Julani. Quel que soit l’acteur ayant contribué à la chute d’Assad, il ne pouvait être accueilli en Syrie que par des fleurs, tant le régime déchu s’était illustré par sa cruauté inouïe. Assad a détruit des villes entières et porté l’inhumanité à son paroxysme, allant jusqu’à dissoudre ses opposants dans l’acide sulfurique. Rappelons que cette pratique remonte à 1959, avec l’assassinat de Farajallah El-Hélou, dirigeant communiste syro-libanais, sous la République arabe unie.

Avant cela, la Syrie avait connu une démocratie parlementaire depuis 1930, ce qui lui permit de rester debout malgré trois coups d’État survenus en 1949 : celui de Housni Al-Zaïm en mars, de Sami Al-Hinnaoui en août et d’Adib Chichakli en décembre. Grâce à cette résilience, la démocratie fut rapidement restaurée en 1954.

Craignant de nouveaux coups d’État, le président Shukri Al-Quwatli accepta précipitamment l’union avec l’Égypte de Jamal Abdel Nasser sous la République arabe unie (RAU). Cet acte plongea la Syrie dans 66 ans de dictature : la RAU (1958-1961), le règne des généraux de Damas — les officiers Al-Chwam — (1961-1963), et enfin, le régime du parti Baas, réellement au pouvoir entre 1963 et 1970, mais théoriquement en place jusqu’en 2024. Son existence fut progressivement absorbée par la dictature personnelle et dynastique des Assad, qui gouvernèrent non pas à travers un véritable parti, mais par un état sécuritaire omniprésent, où les services de renseignement constituaient le véritable pilier du pouvoir.

Avant le coup d’État de Hafiz Al-Assad en 1970, les dictatures en Syrie entre 1958 et 1970 restaient des régimes autoritaires classiques, comparables à celui de Ben Ali en Tunisie. Leur principal objectif était de neutraliser leurs opposants et de maintenir le pouvoir, sans toutefois atteindre le niveau de barbarie extrême instauré par le régime Assad.

Hafiz Al-Assad, frustré par son échec face au dictateur irakien Saddam Hussein dans sa tentative d’abriter la direction historique du Parti Baas (incarnée par Michel Aflaq) et de s’imposer comme l’héritier du leadership du nationalisme arabe laissé par Jamal Abdel Nasser, tout en ressentant l’absence d’une légitimité idéologique propre, a instauré en Syrie une dictature sans précédent au Proche-Orient et dans le monde, à l’exception des régimes de Mao Zedong durant la guerre civile chinoise et de Kim Il-Sung en Corée du Nord.

Personne en Syrie ou dans les pays voisins n’a été épargné par ce régime durant 54 ans, chacun portant en mémoire un récit de souffrance, vécu personnellement ou à travers ses proches. Les deux périodes les plus marquantes par leur brutalité restent la répression sanglante des années 1980 et l’ère de terreur instaurée après 2011.

Les méthodes de torture et de répression employées par les autres dictatures du monde arabe ne suffisaient ni à l’appétit sadique ni aux impératifs existentiels du régime Assad. Dès lors, ce dernier fit appel à l’ancien nazi Alois Brunner en tant que conseiller, chargé de perfectionner les techniques de torture. Il s’entoura également d’autres officiers nazis convertis à l’Islam, qui contribuèrent à l’élaboration d’un système de répression d’une cruauté sans précédent.

Ainsi, le régime Assad ne se contenta pas de réintroduire les méthodes de torture du IIIᵉ Reich, mais les affina et les érigea en instruments systémiques de terreur d’État, instaurant un climat de peur généralisée et une répression implacable.

L’architecture même de la prison de Saidnaya, dont la structure évoque la forme du logo de Mercedes, témoigne de manière ostensible de l’empreinte laissée par Alois Brunner. Elle illustre avec force l’influence nazie sur la mentalité répressive et la doctrine de terreur instaurées par le régime Assad. Il n’est donc guère surprenant que, dans les jours suivant la chute du régime, des photographies aient émergé, révélant des membres de la famille Assad arborant des t-shirts exprimant un soutien explicite au régime nazi.

Par ailleurs, les choix des manuels scolaires sous le régime Assad traduisaient une volonté délibérée d’entretenir la haine antisémite. Ainsi, des œuvres comme Le Marchand de Venise de Shakespeare furent intégrées aux programmes dans une lecture biaisée, destinée à renforcer les stéréotypes antisémites. De même, Droit Immortel de Ghassan Kanafani, écrivain et porte-parole du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), fut introduit dans l’enseignement, contribuant à l’endoctrinement idéologique de la jeunesse dans une propagande haineuse inspirée des méthodes du régime nazi.

Alois Brunner n’a pas joué son rôle gratuitement ; il y avait une contrepartie. Hafiz Al-Assad lui offrit un refuge en Syrie, le protégeant de toute poursuite judiciaire en Allemagne, en France, en Israël, et ailleurs pour ses crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment son rôle central dans la déportation des Juifs vers les camps d’extermination.

Les premières victimes de Hafiz Al-Assad furent ses propres camarades et compagnons de route au sein du Parti Baas, y compris ceux issus de sa propre confession. Parmi eux : Salim Hatoum, Abdelkarim Al-Joundi, Salah Jedid, Mohammed Omran, et bien d’autres. Tous subirent le même sort : assassinés, emprisonnés jusqu’à la mort, privés de soins médicaux, ou « suicidés ».

Ensuite, Hafiz Al-Assad s’attaqua aux syndicalistes, poursuivant son objectif de domination totale de la société civile et syndicale. Son régime entreprit une répression systématique, démantelant les syndicats indépendants et plaçant toutes les organisations sous le contrôle des services de renseignement.

Après avoir anéanti les mouvements syndicaux, Al-Assad adopta une nouvelle stratégie de manipulation et de répression. Il créa de petits groupuscules islamistes d’environ 50 à 60 personnes, qu’il déclara ensuite comme « ennemis de l’État ». Prétextant une guerre contre l’extrémisme, il engagea en réalité une guerre totale contre l’ensemble de la société syrienne, justifiant ainsi une répression massive et aveugle. Les massacres se succédèrent : Hama, Palmyre, Jisr Al-Choghour, Al-Masharqa, et bien d’autres villes furent le théâtre d’exécutions de masse.

À travers cette stratégie, Assad transforma les structures syndicales et politiques en outils de surveillance et de propagande, annihilant toute opposition et consolidant son emprise absolue sur la société.

Les directions religieuses n’ont pas échappé au contrôle du régime Assad. Les services de renseignement ont infiltré les responsables religieux musulmans et chrétiens, censuré les référents Druzes, et Alaouites. Quant aux Juifs syriens, ils ont été condamnés à un déplacement forcé en 1991, après avoir été privés de leurs droits sociaux et économiques. De plus, l’enseignement juif a été interdit dans les écoles, contrairement aux enseignements musulman et chrétien, qui ont continué à être dispensés à travers des manuels scolaires officiels, de l’école primaire au lycée.

Au-delà des frontières de la Syrie, il a parrainé le terrorisme dès le début, l’utilisant comme un levier stratégique pour étendre son influence et imposer son pouvoir sur la scène régionale et internationale. Les attentats perpétrés par ses proxys palestiniens, libanais, irakiens, et autres groupes affiliés ont visé des pays comme la Jordanie, l’Irak, la Turquie, Israël, ainsi que plusieurs pays européens. Cette stratégie de terreur lui a permis de maintenir une pression constante sur ses adversaires et de s’imposer comme un acteur incontournable dans les conflits régionaux.

Suivant l’orientation de son conseiller Alois Brunner, Hafiz Al-Assad a ciblé les Juifs en Europe, orchestrant ou soutenant plusieurs attaques terroristes via ses proxys palestiniens : L’ultimatum de Schoenau en 1973, L’attentat de la rue des Rosiers en 1982, L’attentat déjoué à l’aéroport de Heathrow en 1986 …etc. Mais Assad ne s’est pas limité aux attaques contre les communautés juives. Il a également ciblé les Palestiniens favorables au dialogue avec Israël. L’un des exemples les plus marquants est l’attentat de Lisbonne en 1983, où le Palestinien Issam Sartawi fut assassiné lors d’une réunion de l’Internationale socialiste, en raison de son engagement en faveur d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien. De même, Assad s’en est pris aux Libanais favorables à la paix avec Israël, notamment en orchestrant l’assassinat du président élu Bachir Gemayel en 1982, quelques jours avant son investiture. Cet assassinat visait à saboter toute tentative d’accord entre le Liban et Israël.

Les Libanais et les Palestiniens ont été parmi les premières victimes des crimes d’Assad. Même ceux qui adhéraient à la version officielle du régime sur le conflit israélo-palestinien n’ont pas été épargnés des assassinats. Parmi eux, le leader libanais Kamal Jumblatt, assassiné en 1977, et le Palestinien Abdul Wahab Kayyali, exécuté en 1981.

Assad a semé le chaos au Liban en 1973 et 1975 en activant ses proxys palestiniens et libanais, attisant les conflits et les haines entre les différentes confessions : chrétiens, druzes, palestiniens, sunnites, et bien d’autres. Hélas, il a réussi son plan. Après avoir alimenté la guerre civile, il a envoyé l’armée syrienne au Liban et a occupé le pays pendant 30 ans. Les deux Assad, Hafiz et Bachar, ont perpétré des massacres contre toutes les confessions libanaises, ainsi que contre les Palestiniens présents sur le territoire libanais. Ils ont méthodiquement divisé les formations palestiniennes et libanaises, parfois en deux, parfois en plusieurs factions, allant jusqu’à cinq divisions, afin d’empêcher toute force unifiée de s’opposer à leur domination. Le régime syrien n’a épargné aucun leader, orchestrant des assassinats sans discrimination contre des figures politiques de toutes tendances : présidents de la République, Premiers ministres, députés, ministres, et chefs de partis.

Bachar Al-Assad n’a pas construit ce régime dictatorial, il en a hérité de son père. Au début, il a tenté de se présenter comme un jeune réformiste moderne, jouant sur une image de changement et d’ouverture. Cependant, ses illusions réformatrices se sont rapidement dissipées, et le régime a vite révélé son véritable visage : celui d’une dictature brutale et impitoyable, prête à écraser toute contestation pour préserver son emprise absolue sur le pays, que ce soit avant la révolution de 2011 ou après.

La différence majeure entre les deux Assad réside dans la nature de leur relation avec le régime des Ayatollahs en Iran. Hafiz Al-Assad a établi des liens avec Téhéran dès l’avènement de la République islamique en 1979. Entre 1979 et 1991, ces relations oscillaient entre coopération et cohabitation. Cependant, entre 1991 et 2000, cet équilibre s’est progressivement affaibli au profit du régime des Ayatollahs, renforçant leur influence en Syrie. Sous Bachar Al-Assad, cette dynamique a atteint un point de non-retour. Il a abandonné toute notion d’équilibre pour plonger la Syrie dans une soumission totale au régime iranien, transformant le pays en un bastion stratégique au service de Téhéran.

De 2003 à 2009, la soumission de Bachar Al-Assad au régime iranien a transformé la Syrie en une vaste plateforme pour l’envoi d’islamistes intégristes vers l’Irak, chargés de mener des attentats contre l’armée américaine après la chute du régime de Saddam Hussein. Les Ayatollahs d’Iran, après avoir été classés par George W. Bush parmi les membres de l’“Axe du Mal”, ont cherché à saboter le projet américain en Irak en alimentant le terrorisme djihadiste. Cependant, leur stratégie ne s’est pas limitée aux attaques contre les forces américaines. Ils ont également ciblé les chiites qui refusaient de se soumettre au principe du gouvernement de Docte – Wilayat al-Faqih –, incarné par le Guide Suprême des Ayatollahs d’Iran, Ali Khamenei, véritable chef du régime des ayatollahs et architecte de l’expansion des ayatollahs au Moyen-Orient.

Contraint par les administrations américaines de George W. Bush et de Barack Obama, Bachar AL-Assad a arrêté un grand nombre d’islamistes à la veille de la révolution de 2011. Malheureusement, ce hasard s’est transformé en une opportunité pour lui. En effet, après la répression armée des manifestations de 2011, un grand nombre de soldats et d’officiers du régime ont refusé d’exécuter les ordres et ont formé l’Armée syrienne libre. Sous l’influence directe des Ayatollahs d’Iran, qui ont envoyé des milices islamistes chiites composées de combattants irakiens, libanais, palestiniens, yéménites, afghans, pakistanais, iraniens, algériens et d’autres nationalités, Bachar Al-Assad a libéré des djihadistes de ses prisons et a facilité la formation de milices islamistes sunnites.

Par ailleurs, l’Occident, confronté à la menace du terrorisme islamique, a noué une alliance stratégique avec les forces kurdes dans l’Est de la Syrie (Forces démocratiques syriennes -FDS-), loin du théâtre principal des combats, qui s’articulait autour de l’axe des grandes villes syriennes Alep-Damas. En effet, les Kurdes, victimes d’une politique discriminatoire menée par le régime Assad, ont subi des persécutions allant jusqu’à des massacres, comme celui du 12 mars 2004. De surcroît, nombre d’entre eux se sont vu refuser la nationalité syrienne, les condamnant à l’apatridie et à une marginalisation systématique au sein de la société syrienne.

L’Armée syrienne libre, composée de militaires issus d’une tradition démocratique, libérale et laïque, s’est néanmoins laissé influencer par la propagande antisémite et antikurde du régime Assad. Coincée entre la répression implacable du régime et de ses milices chiites, d’un côté, et celle des autres milices sunnites, de l’autre, elle s’est retrouvée en position de faiblesse face aux forces en présence.

Le régime Assad a systématiquement pris pour cible l’Armée syrienne libre, tout en épargnant les groupes djihadistes, leur permettant ainsi de prospérer et de renforcer leur emprise sur le terrain. Lorsque Vladimir Poutine est intervenu militairement en Syrie, il a non seulement poursuivi cette même stratégie, mais l’a amplifiée, consolidant ainsi le pouvoir du régime et réduisant à néant toute alternative modérée.

Mais ce n’est pas tout. Le régime iranien, avec une générosité considérable, a massivement investi dans les médias et les réseaux sociaux pour diffuser une propagande mensongère, présentant le conflit en Syrie comme une lutte entre un « Bachar Al-Assad laïque » et des djihadistes, occultant ainsi la réalité d’une révolution populaire réprimée dans le sang. Cette stratégie a réussi à affaiblir l’opposition démocratique, libérale et laïque, tout en fragilisant également le régime Assad, qui ne s’est maintenu qu’avec difficulté, grâce au soutien actif des proxys iraniens et des forces armées russes. Cependant, le régime a fini par s’effondrer, car Poutine, après la guerre en Ukraine, et les ayatollahs d’Iran, après les attaques terroristes du 7 octobre 2023, avaient d’autres priorités stratégiques. Leur engagement en Syrie n’avait jamais pour objectif la sauvegarde éternelle d’Assad, mais avant tout la préservation de leurs propres intérêts jugés plus prioritaires, et affiner ses techniques de guerre.

Avec toutes ces épreuves vécues par les peuples syrien et libanais, la joie et les célébrations marquant la chute du régime barbare d’Assad sont des moments de rêve, unissant toutes les confessions, toutes les ethnies et toutes les générations. Ainsi, nous avons assisté à des scènes inimaginables et inattendues, témoignant de l’ampleur et de la diversité de cette joie : des célébrations dans les mosquées, des festivités au sein de la société civile chrétienne du quartier Al-Ashrafieh à Beyrouth, des visites de Juifs syriens à Damas, animés d’une nostalgie profonde pour leur pays, une délégation druze élargie, conduite par Walid Jumblatt, venue féliciter la chute du régime Assad au Palais AL-Shaab, et bien d’autres événements illustrant cette unité retrouvée.

La disparition des forces de l’opposition démocratique et libérale s’est confirmée, à l’exception de l’Est de la Syrie, où elles ont survécu, notamment grâce à leur alliance avec les Forces démocratiques syriennes (FDS) et le soutien occidental. Contrairement aux FDS, l’opposition démocratique a été écrasée militairement, résultat d’une stratégie réussie du régime Assad, de Poutine et des Ayatollahs d’Iran. Comme établi précédemment, ils ont combiné trois approches complémentaires :

Des offensives militaires directes contre les forces démocratiques,

Les laisser s’épuiser dans des combats contre les djihadistes,

Épargner les groupes djihadistes de toute opération militaire, leur permettant ainsi de prospérer et de détourner la révolution.

En effet, l’orientation nationaliste arabe, marquée par un héritage antisémite et antikurde issu du nassérisme, du saddamisme et du baasisme, a constitué un obstacle majeur à toute unité ou entente entre l’opposition syrienne démocratique et les Forces démocratiques syriennes (FDS). Cette idéologie a également entravé toute forme de coopération avec l’armée israélienne, qui a pourtant mené des frappes massives contre le Hezbollah, les autres milices islamistes chiites dominées par le régime des ayatollahs, ainsi que les forces du Corps des Gardiens de la révolution islamique (Pasdaran).

Cette division a empêché la formation d’une coalition durable et efficace contre les forces islamistes, limitant ainsi les capacités de l’opposition à instaurer un véritable contrepoids au régime d’Assad et à ses alliés.

Par conséquent, l’opposition démocratique et libérale s’est retrouvée absente du terrain, laissant ainsi les islamistes s’imposer comme les prétendus « libérateurs » et dominer désormais la majorité des territoires syriens. La principale formation en place est aujourd’hui l’Organisation de libération du Levant (Hayat Tahrir al-Cham – HTS), anciennement connue sous le nom de Front Al-Nosra, qui a consolidé son influence et son contrôle sur les zones autrefois contestées.

Toutefois, malgré l’absence politique de l’opposition démocratique et libérale, son héritage antikurde et antisémite continue de se manifester à travers plusieurs aspects. Cette influence transparaît notamment dans le maintien du nom officiel du pays, « République arabe syrienne », et non « République syrienne », comme c’était le cas avant l’unité avec l’Égypte de Nasser. De même, le parlement conserve la désignation “Conseil du peuple”, une terminologie instaurée sous Nasser et perpétuée par le Parti Baas. En outre, les dernières « élections » présentées à la communauté internationale n’ont été qu’une série de nominations orchestrées par Abou Mohammed Al-Julani lui-même.

Enfin, cette orientation s’est illustrée de manière éclatante dans le discours d’Ahmad Al-Charaa, alias Abou Mohammed Al-Julani, qui n’a jamais rompu avec la rhétorique agressive à l’égard de l’État d’Israël héritée du régime des Assad. Depuis son intervention au sommet arabe du Caire, le 4 mars 2025, cette hostilité demeure manifeste. Ses discours, marqués par une tonalité ouvertement belliqueuse, n’ont comporté aucune référence à la paix, illustrant ainsi la continuité idéologique de l’ancienne opposition syrienne sous le régime d’Assad, qu’elle soit islamiste ou nationaliste arabe.

Plus inquiétant encore, le régime d’Abou Mohammed Al-Julani, soutenu par plusieurs régimes sunnites, notamment l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie, est parvenu à s’intégrer rapidement sur la scène internationale, comme en témoignent ses récentes visites à Paris et à New York.

© Anas Emmanuel Faour

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