
Depuis que la première phase du « plan Trump » pour mettre un terme à la guerre de Gaza est entrée en vigueur il y a près de deux semaines, le Hamas s’adonne quotidiennement à des meurtres de Gazaouis afin d’instaurer une terreur qui lui permette de reprendre le contrôle de la partie du territoire échappant à l’armée israélienne. On évoque plusieurs centaines, peut-être plusieurs milliers de morts.
Et pourtant, silence. Ceux qui, hier encore, hurlaient contre Israël et versaient des larmes médiatiques sur le sort des Gazaouis, détournent à présent le regard. Des Arabes tués par des Arabes : événement sans noblesse symbolique, donc sans intérêt. Ce mutisme n’a rien d’étonnant : il confirme ce que beaucoup, dont moi, avons toujours perçu. Leur indignation n’avait jamais pour objet la souffrance des Gazaouis, mais visait les Israéliens — et, plus profondément encore, les Juifs.
Quelques semaines avant le cessez-le-feu instauré par le plan Trump, une conférence s’était tenue à Détroit, du 29 au 31 août : People’s Conference for Palestine, avec ce sous-titre révélateur : « Gaza is the compass » — Gaza est la boussole. Ce mot m’avait aussitôt rappelé un article paru en juin dernier dans le journal collaborationniste « Mediapart » : « Palestine, une cause universelle ». D’autres encore avaient osé comparer les Gazaouis à de nouveaux Jésus-Christ, présentés comme « palestiniens ».
Derrière ces formules drapées d’humanisme — « Palestine, une cause universelle », « Gaza, la boussole », « Les Gazaouis sont les nouveaux Jésus-Christ » — se cache un renversement sémantique ancien : la condamnation du Juif. Sous couvert d’universaliser la souffrance palestinienne, ces slogans ressuscitent une théologie inversée où le Juif, jadis victime, devient le bourreau. Ce renversement moral, travesti en empathie universelle, réactive les réflexes mentaux de l’antijudaïsme chrétien : la Passion, la Culpabilité, la Rédemption. En substituant à l’analyse politique une liturgie du Bien et du Mal, ces discours effacent la complexité du réel pour rejouer, à mots couverts, le procès du peuple déicide. La compassion y devient une arme, l’universalisme un rite de purification : moyen symbolique d’expulser du monde ce que le Juif y incarne encore — la singularité, la Loi, la mémoire d’un Dieu qui résiste à la foule.
Lors de la conférence de Détroit, un intervenant a d’ailleurs eu la franchise d’aller au bout de cette logique. Cette logique aboutit naturellement à l’appel au meurtre des Juifs. Il suffit d’écouter son discours pour comprendre ce qui se joue dans l’ensemble de ces manifestations prétendument solidaires: une résurgence — rajeunie, habillée des mots du progressisme — du vieil antisémitisme. Et dans ce théâtre moral, les gauches mondiales occupent les premiers rôles. On y retrouve tous les ingrédient de ce vieil antisémitisme : le complot mondial, le meurtre des enfants. Trois à quatre générations ont passé depuis la Shoah, l’oubli s’est installé, tout peut recommencer.
Traduction de la déclaration de cet intervenant : « Nous savons tous qui ils sont, qu’ils soient en Israël, à Tel Aviv, à Washington, en Allemagne, en Europe, nous les connaissons tous. Ils doivent être enfermés, il doivent être éliminés, ils doivent être neutralisés pour sauver les enfants, pour sauver les enfants, pour sauver l’humanité. Nous devons agir maintenant. Uniquement s’élever verbalement n’est pas suffisant. Cela fait deux ans. Nous nous sommes élevés pendant deux ans. Maintenant, il est temps de monter en régime et d’agir et d’éliminer les tueurs. Sauvez les enfants. »