Tribune Juive

Too big to fail, Israël-Gaza le jour d’après. Par Francis Moritz

Anticipation ou fiction 

Un cessez-le-feu sans lendemain ou une partition de fait

La visite du vice-président américain J.D. Vance en Israël a été présentée comme un moment clé du processus de stabilisation à Gaza. Officiellement, Washington se félicite : Donald Trump parle d’« une aube historique pour le Moyen-Orient ».
Mais sur le terrain, la réalité est plus contrastée. Les violations du cessez-le-feu se multiplient et le retour de toutes les dépouilles des otages reste problématique.

Préparée par Steve Witkoff et Jared Kushner, la visite de Vance se voulait rassurante. Pour l’instant elle n’offre qu’un optimisme de façade : « les choses vont mieux que je ne l’espérais », a-t-il affirmé, mais on reste dans l’attente d’un calendrier et de la formulation de garanties sur le terrain.

Le « jour d’après » une fiction ou une anticipation

Le plan de paix américain repose sur trois piliers :

  1. Le désarmement du Hamas,
  2. La création d’une force de stabilisation internationale,
  3. Le retrait progressif des forces israéliennes vers une zone tampon.

Sur le papier, l’équation semble claire. Dans les faits, on est anxieux de voir la suite prendre forme.
Aucune puissance, sauf l’Indonésie avec 20.000 hommes, ne s’est engagée à participer à la force multinationale. Washington peine à convaincre d’autres partenaires, faute de mandat onusien et de cadre opérationnel crédible. Les pays du Golfe malgré de multiples déclarations n’ont fait aucune proposition d’envoi de troupes et pour cause, qui veut se frotter au Hamas ? Israël ne veut pas de la Turquie dont on sait à quel point elle est en relation intime et idéologique avec les Frères musulmans. Tous les doutes restent permis concernant le Qatar à double face comme le dieu Janus, selon qu’il s’adresse au Hamas, à Washington qui a sa plus grand base au Moyen Orient ou à Israël… Et les États-Unis ont tranché : aucun soldat américain ne mettra le pied à Gaza.

La situation semble figée, les violations se poursuivent ainsi que les exécutions sommaires des opposants au Hamas, qui semblent avoir récupéré de nouvelles forces.

Certains y voient dejà une forme de statu quo qui crée une situation très dangereuse, qui s’oppose au plan en 21 points.


Le mirage d’un « nouveau Gaza« 

La Maison-Blanche, liée par son alliance avec Benyamin Netanyahou, refuse toute initiative susceptible de renforcer l’Autorité palestinienne. Résultat : un cercle vicieux d’immobilisme.

Les derniers votes de la Knesset visant à une possible annexion de la Judée-Samarie sont en totale opposition avec la position actuelle de la Maison Blanche et vont provoquer de nouvelles tensions entre Jérusalem et Washington. Le vice-président s’est déclaré ‘ » insulté » par ces votes. Les partis d’extrême droite au gouvernement par leurs déclarations et leurs outrances, entre autres, envers l’Arabie Saoudite, contribuent à la création de tensions supplémentaires avec la Maison blanche.

Sans le dire, où l’on parle de ce qui s’apparenterait à une partition de fait :
Vance a évoqué la création d’un « nouveau Gaza » — zones reconstruites, contrôlées par Tsahal, vidées du Hamas, présentées comme modèle de normalité. Tsahal semble en effet vouloir créer une zone qu’elle contrôlerait entièrement, qui correspondrait à ce « nouveau Gaza » Il semble par ailleurs que l’équipe de négociation américaine ait ouvert une communication directe avec certains dirigeants du Hamas.  

Un projet qui tient plus du rebranding territorial que d’une solution politique.

« Le » nouveau Gaza deviendrait un territoire encore plus exigu, réservé au plus petit nombre. Aux happy few, et qui serait géré, mais sans horizon diplomatique ni souveraineté possible.


Un statu quo humanitaire

Sur le terrain, la situation humanitaire reste extrêmement difficile.
Deux points de passage seulement sont ouverts, aucun vers le nord, où les besoins sont aigus. Les États du Golfe multiplient les annonces, mais sans pression réelle sur Israël. L’ONU fait le forcing pour réinstituer l’UNWRA à Gaza, ce qu’Israël refuse catégoriquement.
L’Amérique, soucieuse d’éviter tout désaccord avec Jérusalem, gagne du temps.
Et en 2026, Israël, soulagé par le retour de tous les otages encore vivants, entre en campagne électorale: toute décision d’envergure sera reportée.

Si la reconstruction débute uniquement dans les zones sous contrôle israélien, la trêve risque de figer la guerre, institutionnalisant une Gaza fragmentée et sous tutelle. Dans l’intervalle, le président Trump en référence au désarmement, évoque la possibilité d’un désarmement des « équipements lourds » Ce qui est tout simplement étonnant car ce qui laisserait la porte ouverte à toutes les spéculations. Finalement le Hamas conserverait son armement…

La paix comme miroir politique   TOO BIG TO FAIL

Donald Trump joue gros. Après l’Ukraine, il mise sur le Moyen-Orient pour prouver sa stature d’homme de paix. Mais derrière ce qui reste un tournant dans le conflit et face à l’Iran, la rhétorique de paix ne permet pas, pour l’instant, d’avancer vers une résolution qui reste ambitieuse mais difficile à mettre en œuvre.
Washington reste perçu comme un médiateur partisan, Israël agit avec une liberté croissante, et les Palestiniens ont peu confiance dans un processus où tout se décide sans eux.

On apprend également que le président TRUMP «  se donne un délai supplémentaire » ( on appréciera la formule) pour décider si Marwan BARGHOUTI doit être libéré ou non, considérant que lui seul émerge comme possible leader palestinien. Ce qui sous-entend … avec lequel il sera possible de s’entendre. L’équipe du président américain doit analyser et décider si ce choix est le bon et pourrait être la carte à sortir du chapeau de la Maison blanche pour relancer le processus…

À cela s’ajoute la pression intérieure : les manifestations “No Kings” aux États-Unis rappellent que Trump cherche absolument une victoire symbolique. Gaza devait être cette vitrine.

Mais au fil des semaines, transformer le cessez le feu paraît beaucoup plus difficile.  Sans être pessimiste, il ne faudrait pas que le « jour d’après », ne devienne comme le jour d’avant qui se répèterait, en boucle où ni paix, ni guerre, ni espoir n’avanceraient. Pour le président TRUMP c’est l’enjeu majeur de son mandat.

Ainsi va notre monde,

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


Quitter la version mobile