Terrorisme culturel de la terminologie : Racisme antimuslman. Islamophobie. Par Anas Emmanuel Faour

Terrorisme culturel de la terminologie, qu’il s’agisse de « racisme antimusulman » ou d’« islamophobie » : intimidation langagière visant l’invisibilisation de l’édification de forteresses électoralistes, communautaristes et néo-antisémites.

Si le terme islamophobie est déjà périlleux, celui de racisme antimusulman ne fait que confirmer la problématique sous une autre forme. Ces deux expressions, à la fois malhonnêtes et insidieuses, fusionnent l’infusionable en mêlant sous une même appellation trois réalités pourtant distinctes :

  1. Des formes de discrimination bien réelles ;
  2. Le droit fondamental à la liberté de pensée ;
  3. Et la faculté naturelle qu’a tout être humain d’éprouver une forme de crainte ou de phobie, réalité d’ailleurs reconnue et étudiée par les sciences psychologiques.

En ce sens, ces termes participent d’un véritable terrorisme culturel : un procédé visant à rendre intouchables certains sujets et à disqualifier toute critique — même réfléchie et légitime — non pas des individus, mais d’un ensemble d’idées, de croyances ou de doctrines.

Lorsqu’on évoque le terme islamophobie, on pourrait croire qu’il désigne une phobie de l’islam en tant qu’entité morale. En réalité, son usage courant recouvre à la fois une crainte à l’égard de l’islam lui- même et une forme de phobie dirigée contre ceux qui s’en réclament, perçus comme un groupe universel d’entités physiques, autrement dit, les musulmans.

Le terme racisme antimusulman, quant à lui, prétend proposer une définition rationnelle, reconnaissant le droit à la libre pensée et à la critique de l’islam dans ses textes fondateurs, sans que cela n’implique une hostilité envers les individus qui s’en revendiquent. Pourtant, cette distinction, en apparence salutaire, repose aussi sur une ambiguïté majeure, car elle ne définit pas clairement ce qu’est un « musulman ».

La définition d’un « musulman » constitue un point d’ambiguïté majeur, aussi bien dans l’usage du mot islamophobie que dans celui de racisme antimusulman.

Deux approches philosophiques permettent d’interroger l’ambiguïté qui entoure la définition du terme « musulman » : la rationalité et la phénoménologie. La première renvoie à la faculté de penser selon les exigences de la logique et de la normativité, tandis que la seconde cherche à saisir le phénomène tel qu’il se donne, en explorant la densité du vécu subjectif. Or, leur confrontation, loin d’apporter une clarification, n’a fait qu’accentuer cette obscurité.

Comme Aristote l’a démontré : « Connaître une chose, c’est en connaître la cause et le principe. » Dès lors, une recherche de définition rationnelle consiste, dans un premier temps, à remonter aux racines d’un concept, son étymologie, son origine conceptuelle, son cadre normatif initial, ainsi qu’à ses sources : les textes fondateurs, les principes directeurs et les doctrines qui l’ont façonné.

Appliquée à la définition d’un « musulman », cette démarche conduit à prendre l’islam dans ses propres termes et à s’appuyer sur ce qu’énonce la jurisprudence religieuse. Est considéré comme musulman celui qui reconnaît Dieu et Mahomet, mais aussi toute une série de croyances obligatoires : les prophètes revendiqués par l’islam (Adam, Abraham, Moïse, Jésus, etc.), l’existence des anges, les livres dits révélés (Torah, Évangile, Coran), le Jugement dernier et la prédestination.

Par conséquent, l’appartenance musulmane s’inscrit dans un système dogmatique global qui ne tolère ni sélection ni remise en cause, et qui définit l’individu non pas à partir d’un choix libre et autonome, mais en fonction de postulats religieux imposés. À l’exception de certaines minorités hétérodoxes, telles que les ismaéliens ou les druzes, le rejet de ces postulats est assimilé à l’apostasie. Dans la tradition juridique islamique classique, l’apostat est considéré comme passible d’exécution après un délai de trois jours laissé à la rétractation.

Il devient ainsi exécutable, et même sans délai dans la doctrine malikite ; de même, dans la doctrine chiite, cette sanction s’applique immédiatement lorsqu’il s’agit d’un individu né musulman. Les doctrines sunnites, pour leur part, ne distinguent pas entre celui qui est né musulman et celui qui s’est converti. Dans tous les cas, qu’il s’agisse des courants sunnites ou chiites, l’apostat est tenu pour exclu de la communauté et de la nation musulmanes.

Même si l’exécution n’est pas appliquée partout, et reste circonscrite à certains pays ou contextes, la pression demeure : le plus souvent, les individus choisissent l’autocensure afin d’éviter la sanction. Mais au-delà de la menace juridique, c’est l’exclusion sociale et communautaire qui s’impose comme une réalité tangible, dont le poids symbolique et collectif dépasse souvent la simple crainte de la répression légale.

Pour esquisser une conceptualisation phénoménologique du « musulman », il convient de rappeler, avec Heidegger : « L’arbre est arbre. La montagne est montagne. La maison est maison. » Il ne s’agit pas de réduire l’étant à une abstraction conceptuelle, mais de revenir à son apparaître tel qu’il se donne dans le vécu. La conceptualisation phénoménologique revendique ainsi l’expérience partagée du monde, plutôt qu’un savoir figé dans des catégories détachées de l’existence concrète.

Cela nous conduit à une interrogation : le vécu d’un musulman, où mène-t-il ? Pourquoi, par exemple, appelle-t-on « farine noire » la farine de sarrasin, alors qu’elle est en réalité de couleur brun ? Ce n’est là qu’une apparence physique qui, par convention, définit le sarrasin. Or, le terme même de « sarrasin», dans la tradition occidentale médiévale, ne désignait pas seulement une céréale, mais servait surtout de synonyme pour « musulman ».

Le contexte historique du mot « sarrasin », lié à l’affrontement de l’Occident chrétien et de l’Orient musulman au Moyen Âge, notamment lors des croisades, géolocalise le « musulman » au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Cette géolocalisation ne se réduit pas à un repère spatial : elle tend à identifier le « musulman » à l’apparence physique des populations issues de ces régions. C’est à partir de ce vécu que se forgent les premiers fondements d’une définition phénoménologique du « musulman ».

Cette définition s’élabore comme une sédimentation de vécus multiples, produits au fil des relations entre l’Occident et l’Orient, qu’elles aient pris la forme de la paix, de la guerre ou encore des échanges économiques et culturels, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. À cette sédimentation se sont ajoutés, peu à peu, des signes extérieurs tels que les habitudes vestimentaires, mais aussi les modes de nomination, à travers des prénoms et patronymes récurrents tels que Mohammed, Amin, Bachir, Mustafa, et bien d’autres.

Il y a deux dangers inhérents à une définition reposant exclusivement sur les vécus. Le premier réside dans l’assignation de la qualité de « musulman » à un non-musulman, qu’il s’agisse d’un individu qui ne l’a jamais été ou d’un apostat, donc tenu pour exécutable dans le cadre de la tradition juridique islamique classique précédemment définie. Le second danger consiste à ignorer l’existence du véritable musulman, celui qui demeure invisible dans les vécus.

On peut donner des exemples de ces problématiques : les frères Gemayel, Amine et Bachir, anciens présidents chrétiens de la République libanaise, peuvent être considérés comme musulmans en raison de leurs prénoms ; tandis qu’une Nadia, convertie à l’islam et même orthodoxe extrémiste dans ses pensées, mais ne manifestant aucun signe religieux, ne sera pas considérée comme musulmane.

Globalement, si l’islam est né au Proche-Orient, les populations proche-orientales y demeurent minoritaires parmi l’ensemble des musulmans. Un cinquième des musulmans vivent aujourd’hui dans deux pays, l’Indonésie et le Nigeria, où prédominent des apparences physiques de type asiatique et africain. Cela démontre la limite et même le handicap d’une définition fondée sur le seul vécu phénoménal. De plus, certaines habitudes vestimentaires sont partagées avec d’autres populations à travers le monde.

La définition générique du « racisme antimusulman » pose un problème majeur en ce qu’elle le décrit comme un ensemble de préjugés, de discriminations et de violences visant des personnes ou des groupes perçus comme « musulmans », en raison de « leur appartenance réelle ou supposée à l’islam ».

En effet, cette définition fusionne deux registres distincts, l’un rationnel et l’autre phénoménologique, et introduit ainsi une ambiguïté conceptuelle. Elle demeure rationnelle lorsqu’il s’agit d’individus « musulmans » qui ne relèvent pas d’une appartenance physique au Proche-Orient ou à l’Afrique du Nord, ni d’une origine similaire, latine ou persane par exemple, et qui ne portent ni noms de consonance musulmane ni signes ou vêtements islamiques. Dans le cas contraire, elle devient phénoménologique.

Autrement dit, elle renvoie à une définition composite, articulant raison et vécu, qui se traduit par une classification d’ordre anthropologique du « musulman » à travers les catégories suivantes :

  1. Est considéré comme musulman toute personne d’appartenance physique au Proche-Orient, à l’Afrique du Nord ou à une région perçue comme similaire, voire métisse, quelle que soit sa volonté propre et même si elle affirme ne pas croire en Dieu ou se réclamer d’une autre religion;
  2. Est considéré comme musulman toute personne d’origine asiatique, européenne ou africaine qui se présente lui-même comme tel, conformément à la tradition juridique islamique ;
  • Est considéré comme musulman toute personne qui porte un nom de consonance musulmane, ou bien des signes ou vêtements islamiques, quelle que soit son appartenance physique.

Dans ce sens, un certain Olivier Roy considère qu’un musulman n’est plus seulement défini par la croyance ou la pratique, mais aussi par l’assignation sociale. Il en vient à parler de l’émergence d’une “nouvelle ethnie musulmane”, non pas au sens biologique, mais comme une catégorie sociopolitique et symbolique, constituée par le regard de la société et parfois revendiquée par ceux qui en portent l’étiquette.

Clifford Geertz, dans une perspective anthropologique, soutient qu’être musulman ne consiste pas seulement à croire ou à pratiquer, mais à se déployer dans un univers symbolique où l’islam ouvre des horizons de sens. Il en résulte qu’il n’existe pas un islam unique, mais une pluralité de modes d’apparaître de l’islam, chacun enraciné dans un contexte historique et culturel singulier.

Pour Ernest Gellner, la définition du musulman repose sur la pratique religieuse effective (orthopraxie), en contraste avec l’assignation néo-ethnique décrite par Olivier Roy et la diversité culturelle soulignée par Clifford Geertz. Jürgen Habermas, quant à lui, refuse toute définition religieuse et considère le musulman avant tout comme un citoyen au sein d’une société pluraliste. Charles Taylor, enfin, ne propose pas non plus de définition théologique, mais revendique pour lui une pleine reconnaissance sociale et politique dans le cadre séculier.

En effet, la définition majoritaire commune du musulman s’oriente davantage vers l’assignation néo- ethnique décrite par Olivier Roy et vers la diversité culturelle mise en évidence par Clifford Geertz, comme je l’ai montré ci-dessus. Or, cette définition engendre le danger contenu dans le terme de « racisme antimusulman », car elle ne renvoie pas toujours au musulman réel et opère une dérive classificatoire, en imputant l’islam à des non-musulmans ou à des apostats exécutables.

Le risque tient également aux approches habermassienne et taylorienne qui, plutôt que de proposer une définition substantielle du musulman, déplacent la question vers la citoyenneté, pour l’une, et vers la reconnaissance sociale et politique, pour l’autre. Dès lors, l’expression de « racisme antimusulman » ne se révèle pas seulement ambiguë : elle opère une occultation plus profonde, en dissimulant les raisons mêmes qui peuvent légitimement conduire à interroger et à critiquer l’islam en tant que tel, point qui sera développé ultérieurement.

Pourtant, les risques ne s’arrêtent pas là : l’ambiguïté entre le musulman réel et le musulman assigné ouvre un espace propice au prosélytisme islamique, qui relève de ce que Francis Bacon appelait une « religion sociale ». Autrement dit, l’individu se voit arraché à son être propre pour être reconduit à une appartenance imposée : imputer à l’islam ceux qui n’y ont jamais adhéré, ou réintégrer symboliquement, par ce même mécanisme, des apostats exécutables.

Nous demeurons exposés à des catégories dangereuses telles que “supposé musulman”, “personne de culture musulmane” au sens geertzien, ou encore “ex-musulman”, appliquées à des individus imputés à l’islam sans l’avoir jamais été, ou à des apostats exécutables. Les effets concrets sur le terrain se révèlent alors immédiats, explicites et lourds de conséquences.

Ainsi, il y a une vingtaine d’années, le Quartier latin comme les rues adjacentes à l’Institut du monde arabe comptaient de nombreuses librairies arabes à orientation laïque ; progressivement, certaines se sont rapprochées de courants liés au Hamas et au Hezbollah, avant de disparaître.

Dans le même temps, des restaurants libanais, bien que tenus par des familles chrétiennes, ont vu leurs enseignes s’aligner peu à peu sur des marqueurs identitaires associés à l’islam.

Plus récemment, l’émergence d’expressions telles que « juif des musulmans » ou « juif antisioniste », employées pour qualifier des individus juifs, voire parfois revendiquées par eux-mêmes, investis dans des engagements militants ou professionnels au service de revendications musulmanes, et se comportant comme « musulmans plus que les musulmans », laisse planer, de manière implicite, le soupçon d’une conversion symbolique, voire non déclarée.

Concrètement, le « racisme antimusulman » apparaît moins comme la désignation d’une réalité nouvelle que comme la récupération d’un racisme déjà existant, dirigé contre des personnes d’apparence orientale ou méditerranéenne, qu’elles soient réellement d’origine orientale ou non, métisses, sud-européennes, persanes, latino-américaines, etc. Ce glissement terminologique constitue un détournement discursif : au lieu de mettre en place des dispositifs efficaces pour protéger ces personnes, l’expression de « racisme antimusulman » sert avant tout l’entrisme islamique et le processus d’islamisation.

Certaines voix proposent d’employer l’expression « racisme anti-arabe » plutôt que « racisme antimusulman ». Toutefois, cette terminologie renvoie directement au nationalisme arabe, anéanti depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Or, ce nationalisme avait été porté, à la fin de l’Empire ottoman, par des intellectuels chrétiens tels que Boutros al-Bustani et Najib Azouri. Il s’agissait alors d’un projet d’émancipation face au racisme institutionnel ottoman, visant à instaurer l’égalité et la citoyenneté dans le cadre d’un système laïque.

La bonne volonté de ces intellectuels de fonder un lien égalitaire entre chrétiens et musulmans, portée par le nationalisme arabe, a paradoxalement engendré une idéologie qui a projeté l’« arabité » sur des populations non arabes, telles que les Kurdes ou les Kabyles, peuples autochtones demeurés résistants à l’effacement. L’arabisation s’est inscrite dans le prolongement de l’islamisation : les conquêtes musulmanes ont d’abord islamisé ces régions, avant de les arabiser progressivement.

Or, certains peuples ont opposé une résistance tenace et ont conservé leur identité originelle. Les qualifier aujourd’hui d’« Arabes » relève dès lors d’une aliénation identitaire : c’est réduire leur être propre à une assignation extérieure. Nommer le racisme dont ils sont victimes « racisme anti-arabe » revient à leur infliger une violence symbolique supplémentaire, qui ajoute à la blessure historique de la tentative d’effacement la négation même de leur altérité.

Par conséquent, au lieu d’affronter le racisme subi par des personnes d’apparence orientale ou méditerranéenne, on a préféré recourir à la notion de « racisme antimusulman », présentée comme une alternative plus adéquate à « islamophobie ». Cette terminologie s’est appuyée sur l’argument selon lequel elle n’entraverait pas la liberté d’expression, puisqu’elle laisserait ouverte la possibilité de critiquer l’islam.

Admettons que l’on exclue de ce cadre les personnes imputées à l’islam sans être musulmanes, ainsi que les apostats exécutables, pour ne retenir que les musulmans réels au sens rationnel, c’est-à-dire des croyants, pratiquants ou non. Reste alors la question : dès lors qu’ils adhèrent à l’islam que nous souhaitons critiquer et étudier avec scepticisme, qui peut garantir que, sous prétexte de « protéger les musulmans », ce n’est pas l’islam lui-même qui se trouve soustrait à toute critique ?

Les musulmans réels, en tant que croyants, se définissent par leur lien à l’islam ; de ce fait, toute critique de l’islam tend à être perçue, de leur point de vue, comme une attaque dirigée contre eux-mêmes. Or, discriminer des individus blancs n’est pas du « racisme antichrétien », mais bien du racisme antiblanc ; de même, discriminer des personnes d’apparence orientale ou méditerranéenne ne saurait être assimilé à du « racisme antimusulman ». L’usage de ce terme relève ainsi d’un amalgame conceptuel : il confond, de manière implicite, le racisme visant certaines apparences physiques avec la critique d’une religion, même lorsque cette dernière s’exerce dans le cadre légitime de la liberté d’expression.

Ainsi, dans certains contextes, l’identité musulmane tend à être perçue comme « intouchable » : elle s’accompagne de revendications visant à se soustraire partiellement aux dynamiques d’intégration, qu’il s’agisse de l’affirmation de codes vestimentaires associés au pays d’origine ou du maintien de prénoms distincts de ceux du pays d’accueil. On observe alors ce qui peut apparaître comme une asymétrie d’intégration : là où d’autres populations immigrées, telles que les Asiatiques, ont souvent choisi d’adapter leurs prénoms et d’ajuster certaines pratiques à leur nouvel environnement, l’appartenance musulmane peut être pensée, par ses porteurs comme par leurs interlocuteurs, comme un marqueur identitaire fort autorisant le maintien d’une altérité irréductible.

Les limites conceptuelles et méthodologiques du terme « racisme antimusulman », en tant que faux remède, l’amènent à buter sur les mêmes contradictions que celles que l’on retrouve dans l’islam conçu comme système normatif. Ce terme se trouve immédiatement associé à celui d’« islamophobie », lequel assimile la peur ou la critique de l’islam à une forme de racisme, alors même que la notion de phobie, en psychologie, renvoie à une peur irrationnelle parmi une pluralité de formes (peur de l’eau, des hauteurs, des animaux, etc.), sans qu’aucune ne comporte en soi de dimension raciale.

La crainte suscitée par l’islam peut apparaître légitime, même dans les moments où prévaut un climat de conciliation. Ainsi, une anecdote rapportée à propos des accords israélo-égyptiens mentionne que Menahem Begin aurait demandé à Anouar el-Sadate de supprimer du Coran les passages à caractère anti-juif. Sadate, dit-on, se serait contenté de lever les yeux vers le plafond, sans répondre. Ce geste muet vaut comme un symbole : il trace la frontière entre le domaine du politique et l’intouchable du texte pour les croyants, et révèle l’impossibilité, même dans un contexte de paix, de soumettre le fondement doctrinal de la religion à la critique.

On rencontre fréquemment des formules relevant de l’effet rhétorique : distinction entre islam et islamisme, entre islam et islam politique, ou encore entre les fameux « musulmans modérés » et l’islam radical. Or, la différence entre islam et islamisme demeure problématique : elle repose le plus souvent sur l’ajout d’un simple suffixe -isme au mot islam, sans qu’une véritable consistance conceptuelle en ait jamais été dégagée. Ce glissement terminologique ne relève pas d’une simple maladresse lexicale : il constitue une stratégie de dissimulation discursive permettant de présenter l’islam politique comme une dérive accidentelle, comme si l’islam lui-même n’était pas porteur d’un projet politique. Quant à l’expression « islam radical », elle n’apparaît guère que comme un synonyme de l’islam politique.

En vérité, un islam apolitique n’a jamais existé : le politique est consubstantiel à l’islam depuis ses origines. Les textes fondateurs ne furent fixés qu’après deux siècles de luttes et de conquêtes, à l’ombre du califat qui étendit son empire de la Chine jusqu’aux Pyrénées. L’islam n’y apparaît pas comme une foi intime, détachée du monde, mais comme une matrice totalisante, normative et conquérante, où le religieux et le politique se confondent au point de devenir indissociables.

Pour le Coran, la tradition religieuse affirme qu’une première collecte aurait été réalisée aussitôt après la mort de Mahomet, mais rien ne vient historiquement attester cette affirmation. La première biographie connue de Mahomet, rédigée par Ibn Ishaq puis remaniée par Ibn Hicham, n’apparaît qu’un à deux

siècles après sa disparition. Le premier grand commentaire complet du Coran, celui d’al-Tabari, ne voit le jour que trois siècles plus tard. Quant aux recueils dits « authentiques » de hadiths, ils ne sont véritablement entrepris qu’à partir du deuxième siècle suivant la mort de Mahomet, dans un contexte de luttes politiques et théologiques.

Autrement dit, les textes considérés comme « fondateurs » ne sont pas contemporains de Mahomet lui- même : ils sont le fruit d’une élaboration progressive, où la distance temporelle nourrit à la fois l’incertitude historique et la construction légendaire.

De plus, les chiites n’ont cessé d’accuser les sunnites d’avoir déformé, manipulé ou même supprimé certains passages relatifs à l’imamat. À cette suspicion s’ajoute une autre ironie historique : la langue arabe, érigée en instrument sacré et prétendument immuable, n’a pas échappé aux transformations. Loin d’être restée figée dans une pureté sémitique proche de l’hébreu, elle a été codifiée et remodelée par des grammairiens persans issus d’un univers indo-européen.

En laissant de côté les débats relatifs à l’authenticité des textes fondateurs de l’islam, les divergences sunnites et chiites sur cette question ainsi que les interrogations liées à l’évolution linguistique, il demeure un constat historique largement admis : l’islam s’est affirmé dès l’origine comme un phénomène politique. Mahomet, lors de son émigration de La Mecque à Médine, a institué une communauté structurée à la fois sur les plans religieux, politiques et judiciaires. Il a ensuite reconquis La Mecque, imposé progressivement son autorité sur l’ensemble de la péninsule Arabique et désigné juges et gouverneurs chargés de prolonger son autorité.

Le pouvoir califal s’est dès lors présenté comme l’héritier direct de cette fondation. En se revendiquant de Mahomet, il a assuré une continuité où le religieux et le politique ne se distinguaient pas, mais se confondaient en une seule et même réalité normative. Cette unité a perduré jusqu’à l’abolition du califat ottoman en 1924.

Par ailleurs, le schisme entre sunnites et chiites plonge ses racines dans la question de la succession de Mahomet : fallait-il confier l’autorité suprême à ses compagnons les plus proches, ou bien à sa famille, représentée par son cousin et gendre Ali ? Ce désaccord, d’abord politique, s’est progressivement transposé dans le champ théologique, en se cristallisant autour des notions de califat et d’imamat. Le chiisme lui-même ne fut pas épargné par ces logiques de fragmentation, comme en témoignent les divisions entre duodécimains et ismaéliens, qui restaient, en profondeur, structurées par des enjeux de pouvoir.

Même les mutazilites, qui se voulaient au-delà du sunnisme et du chiisme, attestent l’indissociabilité du théologique et du politique. Leur thèse selon laquelle le Coran devait être considéré comme une créature, et donc susceptible d’être soumis à la raison critique, ne relevait pas d’une spéculation abstraite : elle s’inscrivait dans une expérience concrète du pouvoir, puisque ce courant bénéficia un temps de l’appui de plusieurs califes de Bagdad. Ce qui semble être un débat doctrinal apparaît ainsi comme le symptôme d’une vérité plus profonde : dans l’islam, la théologie n’existe jamais qu’à travers sa mise en œuvre politique.

Par conséquent, l’islam, qu’il soit sunnite ou chiite, s’est historiquement constitué comme inséparablement politique. La seule tradition chiite qui se soit véritablement éloignée du politique est celle des Druzes, issus d’un schisme ismaélien au XIᵉ siècle et progressivement transformés en une petite communauté religieuse marginale. Du côté sunnite, aucune école n’a jamais remis en cause le système politico-religieux du califat : celui-ci fut pensé non comme une simple organisation du pouvoir, mais comme le prolongement de la Révélation elle-même dans l’ordre terrestre.

Les rares voix dissidentes vinrent d’intellectuels, tel Ali Abdel Raziq, auteur du célèbre L’islam et les fondements du pouvoir (1925). Sa lecture, étrangère à la tradition islamique, empruntait à la pensée politique moderne, notamment à l’expérience anglaise et à des théoriciens tels que Hobbes et Locke.

C’est pourquoi son ouvrage fut vigoureusement combattu dans l’Égypte des années 1920, alors sous le règne britannique, par les premiers penseurs islamistes apparus après la chute du califat d’Istanbul. Parmi eux figuraient Rachid Rida et Mohib al-Din al-Khatib, dont l’un des disciples, Hassan al-Banna, fonda en 1928 la confrérie des Frères musulmans.

Quant au mythe des « musulmans modérés », Clifford Geertz a montré, à travers ses enquêtes

comparatives, que l’islam ne se présente jamais de manière uniforme, mais se décline selon les cultures

: mystique et syncrétique à Java, rigoriste et légaliste au Maroc. D’où son idée qu’il n’existe pas un islam monolithique, mais une pluralité d’expressions, chacune inscrite dans un contexte historique et culturel singulier.

Si l’on adopte l’approche de Clifford Geertz, il faut admettre qu’il n’existe pas de « musulmans modérés

» en France : la majorité des musulmans qui y vivent viennent non de Java, mais du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. Or, l’exemple indonésien suffit à ruiner ce mythe : en 1965-1966, ce pays présenté comme un modèle d’islam tolérant s’est transformé en champ de massacres d’une ampleur effroyable contre les communistes qualifiés d’« apostats ». Entre 500 000 et un million de personnes furent exécutées, tandis que des milices islamistes, d’abord encouragées par Sukarno puis par Suharto, jouèrent un rôle central dans cette tuerie.

Quant au Maroc, l’épisode du Mondial de football au Qatar en 2022 a révélé à quel point l’antisémitisme pouvait ressurgir à ciel ouvert sans provoquer le moindre scandale. La liesse populaire fut entachée de slogans et de comportements hostiles aux Juifs, abondamment relayés par les médias français, allemands, américains et israéliens. Aucun intellectuel marocain ne s’en est publiquement indigné. Plus grave encore, en France, certains milieux islamo-gauchistes, y compris des activistes d’origine juive, se sont employés à maquiller cette dérive, allant jusqu’à présenter comme « laïques », « républicains » ou

« musulmans modérés » des militants islamistes qui, sur TikTok et Snapchat, arboraient sans complexe le triptyque « Dieu, Roi, Patrie » et exultaient en affichant des drapeaux palestiniens.

En effet, l’approche geertzienne met en évidence la pluralité des formes d’islam, non comme essence spirituelle mais comme production culturelle. En Indonésie, il n’est pas rare d’assister à des lectures collectives du Coran mises en scène comme de véritables concerts de musique classique : de jeunes femmes non voilées, vêtues à l’occidentale, y participent aux côtés de jeunes hommes habillés de la même manière.

Une telle scène demeure en revanche difficilement concevable au Maroc, en Algérie ou en Tunisie, où la récitation du Coran reste enfermée dans un cadre ritualisé et solennel, codifié jusque dans les gestes et les apparences, et dominé par une stricte séparation des sexes.

L’historicité de l’islamisation diffère profondément selon les régions. En Indonésie, elle s’est opérée de manière progressive, portée par les réseaux commerciaux, les échanges culturels et l’influence des confréries soufies, du XIIIᵉ au XVIᵉ siècle. À l’inverse, l’Afrique du Nord a connu une islamisation imposée par les armes : d’abord sous le califat de Médine pour l’Égypte au VIIᵉ siècle, puis sous le califat omeyyade de Damas pour le reste de la région.

Il faut également considérer l’historicité de l’orthodoxisation. Celle-ci se déploie essentiellement selon deux dynamiques. La première est la fragmentation du pouvoir califal : amorcée avec le califat de Bagdad et prolongée jusqu’à l’Empire ottoman, elle a vu les régions périphériques, lorsqu’elles s’émancipaient du centre, déclarer celui-ci illégitime et corrompu. Ce geste s’accompagnait presque toujours d’une revendication de retour à une pureté doctrinale, souvent formulée comme une « orthodoxie » restaurée. Ainsi naquirent des califats concurrents, tel celui de Cordoue, ou encore les royaumes du Maghreb, qui firent de l’orthodoxisation une arme de légitimation politique.

Un exemple paradigmatique se trouve dans le pacte de Diriyya au XVIIIᵉ siècle, qui unit la dynastie des

Saoud au wahhabisme : ici, la contestation politique du centre se double d’une radicalisation doctrinale

érigée en principe d’autorité. L’« orthodoxie » apparaît alors moins comme fidélité à une origine que comme construction de pouvoir, toujours née d’une crise de légitimité et de la nécessité de justifier la rupture par une surenchère de pureté.

Le deuxième moteur de l’orthodoxisation de l’islam ne réside pas dans une quête de vérité spirituelle, mais dans la confrontation avec l’ennemi perçu comme menace existentielle. Chaque fois que l’islam s’est trouvé face à un adversaire puissant, qu’il s’agisse des Croisés, des Mongols, des Russes ou des Espagnols, il n’a pas répondu par un approfondissement théologique, mais par un durcissement dogmatique. Ibn Taymiyya en demeure l’exemple le plus révélateur : son rigorisme naquit du choc des invasions mongoles.

Les guerres incessantes contre la Russie tsariste, depuis Ivan le Terrible, produisirent la même réaction

: l’orthodoxie brandie comme un bouclier de survie. En Occident musulman, la Reconquista engendra un effet analogue : la défaite militaire se transforma en crispation identitaire, figée dans des doctrines de plus en plus étroites.

Or, croire que l’orthodoxisation ou la radicalisation puisse rester confinée dans des contextes particuliers relève désormais de l’illusion. À l’ère de la mondialisation, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, il n’y a plus de distance, plus de frontières : chaque micro-événement local se transforme en onde de choc planétaire. Dans ce monde interconnecté, le mythe des « musulmans modérés » s’écroule. Il n’existe plus de zones préservées, seulement un flux globalisé où les discours, les pratiques et les fantasmes circulent sans barrière, et où la radicalisation se propage comme une pandémie sans lieu et sans antidote.

Reprenons l’approche rationnelle pour démonter le mythe des « musulmans modérés » à la lumière de la jurisprudence islamique. Qu’il s’agisse du chiisme ou du sunnisme, une même constante se retrouve

: l’islam a institutionnalisé le double discours. La taqiya, centrale dans la tradition chiite, en offre l’exemple le plus manifeste : elle autorise la dissimulation de la foi afin d’assurer la survie de l’individu ou de la communauté. Plus encore, la doctrine batiniyya oppose le sens apparent et le sens caché, scindant la parole religieuse en deux registres, l’un destiné au public, l’autre réservé aux initiés.

Le sunnisme n’échappe pas à cette logique : à travers le principe de fermeture des moyens « sadd al- dhara’i », il légitime également des stratégies discursives qui permettent de différer ou de contourner la vérité au nom d’un bien supérieur. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’une ruse opportuniste, mais d’une rationalité juridique qui érige la dissimulation en vertu.

Dès lors, l’idée même de « musulmans modérés » relève de l’illusion. Si le discours religieux peut toujours être tenu sur deux niveaux, l’un apparent destiné à rassurer et l’autre caché réservé aux convaincus, il n’existe aucun critère fiable pour distinguer la modération de la radicalité. L’ambiguïté n’est pas accidentelle : elle est structurelle, inscrite dans le cœur même de l’islam, qui fait de la duplicité non pas une exception, mais un principe de survie et d’expansion.

En outre, la science des fondements du droit, qui régit les mécanismes par lesquels un mufti émet une fatwa, encadre et légitime le double discours. Formulée notamment par l’imam al-Shaṭibi au XIVᵉ siècle, elle établit une hiérarchie de cinq finalités : la préservation de la religion, de la vie, de la raison, de la descendance et des biens. Or, en plaçant la sauvegarde de la religion au sommet, cette hiérarchie subordonne toutes les autres finalités à sa conservation et à sa perpétuation.

C’est pourquoi les tentatives de réforme interne se heurtent à des limites structurelles. L’exemple de Nasr Hamid Abou Zayd en est l’illustration : cet intellectuel égyptien, qui proposait une lecture critique et rationalisée du droit islamique, fut déclaré apostat par la justice de son pays et condamné au divorce forcé, avant de s’exiler aux Pays-Bas, où il passa la fin de sa vie. Cette condamnation intervint sous la présidence de Hosni Moubarak, pourtant régulièrement présenté à l’étranger comme un « musulman modéré ».

Selon ses propres textes, l’islam se présente comme la seule religion légitime et appelle l’humanité entière à s’y soumettre, que ce soit par des moyens religieux, politiques ou militaires. Il n’apparaît donc pas comme une croyance individuelle mais comme un projet global d’unification religieuse et politique. Qu’ils soient sunnites ou chiites, tous les courants se sont inscrits dans cette logique, et l’expansion militaire n’a pratiquement jamais été remise en question de l’intérieur. Ceux qui l’ont dénoncée, tel le sociologue irakien Ali Wardi, en ont payé le prix : isolement, marginalisation, rejet aussi bien par les nationalistes arabes que par les islamistes.

Le prosélytisme, qui a permis l’islamisation progressive de l’Indonésie, illustre une méthode légitimée par la tradition islamique. Mais ce prosélytisme s’est aussi exercé par intimidation : ainsi, les pressions exercées par le Hezbollah dans certains quartiers chrétiens de Beyrouth ou celles d’Abou Mohammed al-Jolani dans des quartiers chrétiens de Damas. Aujourd’hui, la même logique se déploie à travers le « soft power » religieux et culturel du Qatar, de l’Arabie saoudite ou des Émirats arabes unis, adapté aux conditions de la mondialisation.

Ainsi, qu’il prenne la forme de la conquête militaire, de la contrainte sociale ou de la diplomatie culturelle, l’islam n’a cessé de poursuivre un même objectif : transformer la prétention spirituelle en domination politique. La distinction entre croyance et stratégie y disparaît, la religion se donnant à voir comme credo, loi et instrument d’expansion.

Par conséquent, qu’il s’agisse de « racisme antimusulman » ou d’« islamophobie », les deux termes produisent le même effet : ils nourrissent et légitiment des réseaux communautaires qui, sous le masque de l’antiracisme, servent souvent de paravents à des logiques islamistes ou para-islamistes. Ces structures se multiplient et s’infiltrent dans toutes les dimensions de la vie collective — aide humanitaire, mariage, entraide, éducation, jusqu’aux relations internationales.

Il ne s’agit plus seulement d’une solidarité communautaire, mais d’une véritable concurrence au rôle de l’État. En érigeant des structures parallèles dotées de leurs propres codes et de leurs propres fidélités, elles instaurent un pouvoir alternatif. Ce qui se dessine alors, ce n’est plus l’association culturelle, mais l’ébauche d’un État dans l’État, contestant à la République son monopole de l’organisation sociale et de la production symbolique.

Les revendications collectives cessent d’être de simples discours pour se matérialiser dans les signes du quotidien : vêtements, prénoms, restauration, écoles. Ce qui relevait autrefois de choix individuels devient ainsi l’expression visible d’une appartenance communautaire, transformant les gestes ordinaires de la vie sociale en marqueurs politiques et identitaires.

L’électoralisme, qu’il soit celui de la gauche ou d’une partie de la droite, n’a pas cherché à penser les discriminations réelles subies par les personnes d’apparence orientale ou méditerranéenne. Au lieu d’affronter ces injustices, il s’est replié sur une logique de séduction, adaptant ses discours aux réseaux et aux organisations communautaires. Ainsi, la politique s’est réduite à une stratégie de captation clientéliste, substituant la recherche de voix à la quête de l’universel et fragilisant l’idéal républicain d’égalité.

De plus, la recherche de figures électoralement attractives s’effectue souvent sans examen sérieux de leur rapport aux principes républicains. L’adhésion au respect des femmes, des minorités sexuelles ou de l’égalité est reléguée à l’arrière-plan, au profit d’un simple potentiel de mobilisation. Ce déplacement illustre une dérive où l’impératif du nombre l’emporte sur l’exigence de l’universel, et où le calcul électoral supplante la fidélité à l’éthique républicaine.

Dans le champ international, l’électoralisme a instauré une mécanique presque réflexe : repérer toute cause impliquant des musulmans et l’ériger en bannière, mais en réduisant les peuples concernés à leur seule appartenance religieuse. Les Ouïghours cessent ainsi d’être envisagés comme un peuple d’origine turque pour être désignés d’abord comme musulmans, les Rohingyas ne sont plus pensés comme

minorité birmane mais comme musulmans persécutés. Ce déplacement illustre une logique d’assignation identitaire : la pluralité des histoires et des cultures est effacée au profit d’une catégorie unique, essentialisant, qui internationalise une “version musulmane” des conflits et des oppressions.

Même si d’autres causes concernent les populations musulmanes, le conflit israélo-palestinien demeure l’épicentre de toutes les surenchères électoralistes et communautaires. Selon le principe cynique du “no Jews, no news”, il absorbe l’attention médiatique et militante, au point de normaliser l’antisémitisme. Chaque provocation du Hamas ou du Hezbollah devient slogan, reprise sans distance critique dans les rues européennes comme sur les réseaux sociaux.

Le mouvement BDS participe pleinement de cette mécanique : il réduit la problématique à une obsession exclusive, transformant le politique en pure haine d’Israël. Les responsables politiques eux-mêmes accentuent ce déséquilibre, consacrant plus de discours à ce conflit lointain qu’aux urgences sociales de leurs propres pays.

Ainsi, le conflit israélo-palestinien n’est plus un enjeu parmi d’autres : il est devenu une idéologie de substitution, un prisme totalisant qui nourrit la passion identitaire et recycle l’antisémitisme sous couvert de militantisme. Derrière le masque des “droits de l’homme”, il s’érige en cause universelle, tout en ravivant une haine planétaire des Juifs.

© Anas Emmanuel Faour

Né à Damas, Anas-Emmanuel Faour est philosophe et ingénieur en informatique, ancien professeur en Syrie, ancien secrétaire général de l’Union générale des étudiants de Palestine et ancien membre du Conseil national du Parti de Gauche

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1 Comment

  1. La prétendue islamophobie n’existe pas contrairement à l’antisémitisme, au racisme anti-blancs et la christianiphobie qui aboutissent à des meurtres et des viols (tous les jours) voire à des crimes contre l’humanité. Accuser une personne d’être islamophobe (ce qui devrait être un compliment) revient à en faire une cible et devrait donc être considéré comme un délit (incitation à la haine et mise en danger de la vie d’autrui).
    Les organisations racistes que l’on nomme par antiphrase « antiracistes » ( y compris la licra) devraient toutes être dissoutes et certains de leurs membres (notamment dans SOS Racisme) poursuivis en justice.

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