« Roder génocidaire, Sciences Po complice !», « Sciences Pistes antisionnistes » : l’ultra-gauche se déchaîne

C’est une affaire que Sciences Po Lyon (IEP Lyon) voudrait bien traiter loin des médias. Et pour cause : elle illustre la radicalisation préoccupante de certains étudiants prêts à tout pour faire valoir leur opposition à la politique israélienne et leur soutien aux Palestiniens. Tous les prétextes sont bons. Ainsi, mardi dernier, dans les locaux de l’IEP Lyon, Iannis Roder, professeur agrégé d’histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur l’enseignement de l’histoire de la Shoah, donne une conférence intitulée « Moteur des violences de masses ». Elle s’inscrit dabs le cadre d’une formation organisée par l’École nationale de la magistrature sur le thème « Juger sous Vichy », formation accueillie ponctuellement par l’IEP. Tout ce qu’il y a de plus respectable. Seulement, depuis le 7 octobre 2023, le sujet est devenu inflammable. Iannis Roder, qui ne commente jamais la politique israélienne mais se cantonne au débat sémantique sur le sujet, refuse de voir dans l’action de Tsahal contre le Hamas une intention génocidaire. Il n’en faut pas plus pour susciter l’ire des associations étudiantes d’extrême gauche. L’affaire est racontée par la directrice de Sciences Po Lyon, la professeur de droit public Hélène Surrel elle-même, dans un courriel qu’elle a adressé ce 15 octobre à l’ensemble des élèves de l’établissement et que Boulevard Voltaire s’est procuré.
« Roder génocidaire »
Quelques jours avant la conférence de Iannis Roder, Hélène Surrel a reçu une demande de la part d’étudiants : « un syndicat, un groupement informel et une association étudiante domiciliée à Sciences Po », explique-t-elle dans son courriel. Dans cette demande datée du 3 octobre, ces étudiants exigent de l’IEP Lyon qu’il annule purement et simplement la conférence du professeur Roder sur les crimes de masse, pour des raisons très claires : « Nous demandons que cette conférence soit annulée, dans l’absence de dénonciation claire de Iannis Roder de la politique israélienne à Gaza, du génocide en cours du peuple palestinien et du fait de ses prises de position, insoutenables. »
La présidente de l’IEP répond en proposant aux mécontents de venir la rencontrer le 10 octobre pour discuter. Mais elle reste ferme. Invoquant la liberté d’expression, elle signifie aux demandeurs idéologues son refus d’annuler la conférence. « Je leur ai dit en substance que sauf appel à la violence et/ou à la haine relevant d’une incrimination pénale, l’établissement devait garantir le respect effectif du droit à la liberté d’expression et constituer un lieu de débats. »
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Le jour J, mardi 14 octobre, la conférence se transforme tout naturellement en jour de… mobilisation. Les murs de l’IEP de Lyon s’ornent de tags, dûment cités dans son courrier par la directrice de l’établissement : « Roder génocidaire, Sciences Po complice ! », « Sciences Pistes antisionnistes » ou « Iannis, casse toi ! L’IEP n’est pas à toi ! » Salle 201, où la conférence se tient à 14 heures, le tableau porte l’inscription sans ambiguïté : « Iannis, casse toi !» Le matériel informatique a été démonté. Une radio placée dans le plafond diffuse de la musique. « Des tracts mettant en cause Iannis Roder étaient scotchés sur les tables, écrit toujours la directrice aux étudiants de l’IEP Lyon. Surtout, des étudiants et étudiantes ont scandé des phrases relatives à Gaza, à la Palestine ou à la colonisation et fait le plus de bruit possible pendant environ une heure pour empêcher la tenue de la conférence. »>
Les étudiants d’ultra-gauche de l’IEP Lyon sont si ouverts au dialogue que, sur les 40 inscrits, seuls 4 ont eu le courage de braver les intimidations de la gauche pour assister effectivement à la conférence du professeur Roder. La directrice évoque encore, dans son message, les manifestations démocratiques des étudiants d’ultra-gauche : « la dégradation de biens publics, la perturbation des enseignements dispensés ou l’image de l’établissement ou encore la violence psychologique subie par les personnels empêchant un envahissement de la salle ».
Des faits graves qui incitent la directrice de Sciences Po Lyon à rappeler à ses étudiants quelques évidences qui apparemment ne le sont pas pour tous… « Dans une société pluraliste, les oppositions peuvent être légitimement frontales et particulièrement vives ; les désaccords sur des questions graves doivent pouvoir s’exprimer. Dans d’autres sociétés, la libre expression est muselée puis rendue impossible au nom d’une « cause », érigée en impératif catégorique, qui prime toute autre considération et justifie de piétiner l’État de droit et les droits fondamentaux. Est-ce cette forme de société à laquelle certains et certaines d’entre vous aspirent ? », interroge-t-elle.
Une direction mutique
Cette affaire révélatrice de ce que sont devenues nos Sciences Po, l’école n’est pas prête à l’ébruiter. Contactée par BV, la direction de l’IEP Lyon répond : « C’est une affaire interne, nous ne ferons pas de commentaires. » Mais les syndicats de gauche n’ont pas attendu l’autorisation de la direction pour s’exprimer. En témoigne cette lettre ouverte du « comité de mobilisation » IEP de Lyon en lutte (sic), publiée le 16 octobre en réponse au courriel de la présidente : elle dénonce « l’invocation excessive et dévoyée de la liberté d’expression employée sans considération des rapports de force et de domination ». Une rhétorique marxiste de la plus pure eau qu’on retrouve peu ou prou d’une Sciences Po à l’autre. À l’IEP de Bordeaux, le directeur Dominique Darbon a ainsi annoncé avoir porté plainte contre X pour menaces de mort à l’encontre de personnels de son institution. Le résultat de plusieurs mois de tensions, toujours sur fond de guerre à Gaza.
Source: Boulevard Voltaire
Merci à Chantal Serre
Iannis Roder est professeur agrégé d’histoire. Il enseigne depuis 1999 dans un collège REP de Seine-Saint-Denis. Spécialiste de l’histoire de la Shoah, Il est directeur de l’Observatoire de l’éducation à la Fondation Jean-Jaurès. Consultant pédagogique, intervenant sur le site Akadem et responsable des formations au Mémorial de la Shoah, il a écrit plusieurs ouvrages sur l’enseignement de l’histoire de la Shoah. Il est membre du conseil des sages de la laïcité. Auteur d’ouvrages sur l’enseignement dans les espaces de relégation sociale, il collabore régulièrement avec le supplément Éducation du Monde.Il est président de l’Observatoire du conspirationnisme, association éditrice de Conspiracy Watch.