
La relation Israël – États-Unis arrive à un point de saturation
Deux articles parus le même jour, l’un dans le journal israélien Ynet et l’autre dans le Wall Street Journal, dessinent la relation israélo-américaine de manière discordante.
Dans Ynet, le journaliste Ben-Dror Yemini accuse Benjamin Netanyahou d’avoir transformé Israël en « république bananière ». Le terme ne désigne pas ici une corruption morale ou financière, mais une perte de souveraineté stratégique. La preuve qu’Israël n’est plus maître de ses décisions est que « deux envoyés de la Maison-Blanche, Brett McGurk et Amos Hochstein, ont assisté à la réunion du cabinet pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de surprises ».
Le plan en vingt points de Donald Trump pour terminer la guerre à Gaza ne devait pas connaître d’imprévu du type bombardement du Hamas à Doha, capitale du Qatar. Par ailleurs, ajoute Ben-Dror Yemini, ce règlement en vingt points du conflit à Gaza ne respecte pas les « cinq principes » que Benjamin Netanyahou a lui-même édictés :
- désarmement du Hamas ;
- retour des otages vivants et morts ;
- démilitarisation de Gaza ;
- contrôle de sécurité israélien sur Gaza ;
- administration de Gaza qui ne soit ni le Hamas ni l’Autorité palestinienne.
En effet, affirme Ben-Dror Yemini :
- le Hamas n’a pas désarmé ;
- le retour des otages n’est accompli que pour les vivants ;
- la démilitarisation de l’enclave est aussi incertaine que le désarmement du Hamas ;
- le contrôle sécuritaire israélien sur Gaza n’est pas inclus dans l’accord ;
- enfin, l’Autorité palestinienne participera de toute façon à la gestion de la bande de Gaza.S’abonner
Ce plan en vingt points n’a donc rien d’une victoire : il illustre la perte d’autonomie stratégique d’Israël.
Dans le WSJ, le son de cloche est tout autre. À travers le portrait de Ron Dermer, l’homme à qui Netanyahou a confié le soin de gérer la relation Israël–États-Unis, la journaliste Anat Peled présente l’accord en vingt points comme un succès israélien. Dermer serait l’homme qui « chuchote à l’oreille de Donald Trump » et qui aurait ainsi réussi à insérer dans l’accord « des changements de dernière minute favorables à Israël, qui ont suscité la colère des responsables arabes ».
Lesquels ? On ne sait pas bien.
Dermer est présenté aussi comme l’homme du grand basculement. Il est celui qui a poussé Bibi à acter que contrairement au parti Républicain, le parti Démocrate soutenait moins fermement l’Etat d’Israël.
En 2015, c’est aussi Dermer qui aurait convaincu Netanyahou de s’exprimer au Congrès des États-Unis contre l’accord sur le nucléaire iranien concocté par l’administration Obama — un discours qui aurait creusé une brèche difficile à combler entre les démocrates et Israël.
Dermer serait également celui qui a poussé Netanyahou à jouer la carte des évangélistes : « Il faut que les gens comprennent que les chrétiens évangéliques constituent l’épine dorsale du soutien à Israël aux États-Unis », a déclaré Dermer en 2021. Or les évangélistes sont aussi l’épine dorsale de l’électorat du Parti républicain.S’abonner
Qui manipule qui ?
Les articles de Ynet et du WSJ reprennent, chacun à leur manière, les termes d’un vieux débat : qui manipule qui ? Les États-Unis imposent-ils à Israël des contraintes préjudiciables à ses intérêts ? Ou la diplomatie américaine est-elle manipulée par le lobby israélien à Washington ?