
Entretien réalisé par Pauline Darrieus
ENTRETIEN. Ce 13 octobre 2025 au matin, les vingt derniers otages israéliens ont été ramenés chez eux, dans le cadre de l’accord de paix établi par Donald Trump. Sandra Ifrah, porte-parole de l’association « Women united for peace », fait part de sa réaction à Valeurs actuelles et analyse la portée de cet événement.
Photo © Leo Correa/AP/SIPA
Valeurs actuelles. Les vingt derniers otages israéliens, capturés le 7 octobre 2023, ont enfin été libérés, après plus de deux ans en captivité. Quel est votre ressenti en ce jour si particulier ?
Sandra Ifrah. Je n’ai pas dormi de la nuit, comme beaucoup d’autres, parce que j’attendais ce moment avec impatience, et que l’heure de la libération des otages a été repoussée plusieurs fois. C’est une journée historique. Le 13 octobre 2025 restera gravé dans les mémoires. Nous avons d’abord pu lire qu’ils avaient été libérés, puis nous avons vu les images de ces ex-otages confiés d’abord à la Croix Rouge, puis à Israël, où ils ont pu retrouver leur famille. C’était bouleversant. Depuis le 7 octobre, je suis en contact permanent avec les familles d’otages, et nous avons retenu notre souffle jusqu’au dernier moment. Savoir qu’ils sont enfin libres est un véritable soulagement.
Malheureusement, nous avons également appris que vingt-huit otages n’avaient pas survécu à leur captivité. Ils devaient tous être rapatriés aujourd’hui ou demain. Finalement, seuls quatre cercueils seront rapatriés ce jour. Nous ne savons pas quand nous seront rendus les autres dépouilles. Or c’est quelque chose de très important pour les familles. De plus, la libération des otages s’est faite au prix de la remise en liberté de 2000 prisonniers palestiniens, dont 250 étaient condamnés à de la prison à perpétuité. C’est une certaine source d’inquiétude.
Nous avons encore du mal à réaliser ce qui se déroule devant nos yeux. Cela faisait 738 jours qu’ils étaient captifs aux mains du Hamas. C’est extrêmement long. De plus, cette libération revêt une symbolique très forte : le 14 octobre 2025 marque la fête de Sim’hat Torah, une fête juive très importante, qui, en 2023, était tombée le 7 octobre.
L’essentiel aujourd’hui est que vingt vies ont été sauvées, vingt familles vont être réunies. Ce moment dépasse les frontières d’Israël. C’est une victoire sur la barbarie, sur la haine, sur la terreur et pour la liberté, pour notre civilisation. Israël a mené ce combat, pas seulement pour ses enfants, mais pour le monde. Il l’a mené pour nous tous, pour la république et pour la démocratie.
Donald Trump a été accueilli en héros ce matin en Israël et ovationné au Parlement. Comment comprenez-vous ce consensus du peuple israélien autour du président américain ?
C’est l’union qui prime sur tout le reste. Le président Trump et le Premier ministre israélien ont été applaudis lors de leur intervention à la Knesset. Cet accord de paix était un devoir pour les gouvernements américains et israéliens, indépendamment de leurs couleurs politiques. Israël a été attaqué le 7 octobre 2023 et n’importe quel gouvernement, de gauche comme de droite, se serait défendu après un tel pogrom. Le monde l’a peut-être oublié à cause de la désinformation qui circule, mais Israël ne rêve que de paix.
Je joins ma voix à toutes les autres pour remercier l’administration Trump, et le président américain en personne, pour avoir été ce déclencheur de la paix. Évidemment, le chemin ne s’arrête pas là, mais cette première étape du plan de paix représente un très grand espoir et un début pour établir une paix durable. La libération des otages était la condition sine qua non à toute paix, et la priorité absolue. Il faut rappeler que ces otages ont vécu dans des tunnels à plus de trente mètres de profondeur pendant deux ans. Ils mangeaient un peu de riz ou du pain pita un jour sur deux. Ils sont tombés malades, ont été blessés et n’ont pas été soignés. L’un d’eux a dû creuser sa propre tombe. Ils ont vécu un calvaire indescriptible.
La figure de Benyamin Nétanyahou est probablement moins consensuelle aux yeux des Israéliens. Le Premier ministre a-t-il eu raison de se mettre en retrait du “sommet de la paix” qui se tient en Égypte ?
Le Premier ministre a raison de rester en retrait de ce sommet. Il existe une minorité qui se montre critique vis-à-vis du Premier ministre israélien. Il s’agit d’ailleurs probablement d’une partie de la population qui était déjà critique du gouvernement avant même le 7 octobre. Il est important de souligner que l’actuelle place des Otages à Tel Aviv était un haut-lieu des manifestations d’opposition au gouvernement de Nétanyahou, avant même les massacres d’octobre 2023. C’est une partie bien identifiée de la population israélienne qui fustige le Premier ministre.
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas éprouvé une telle joie.
J’ai néanmoins l’impression que c’est un sentiment d’union qui prime aujourd’hui. Benyamin Nétanyahou a, lui aussi, été applaudi à la Knesset en ce jour. Parce qu’Israël et la communauté juive sont debout. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas éprouvé une telle joie. Dans le même temps, je voudrais également avoir une pensée pour toutes les personnes qui n’ont pas pu être sauvées. Je pense notamment à Kfir Bibas, le plus jeune otage du monde, âgé de huit mois seulement, à son frère Ariel, 4 ans, et à leur mère Shiri. Nous ne devons jamais les oublier.
Qu’espérez-vous voir advenir lors des prochaines étapes de ce plan de paix ?
Le discours de Donald Trump en vingt points, qu’il a présenté ce jour à la Knesset, est porteur de beaucoup d’espoir. La première phase de ce plan est réussie. J’espère désormais que les corps des otages restants seront restitués à leurs proches. Le Hamas explique que les corps ont été dispersés du fait de la guerre.
Personne ne sait réellement comment va se dérouler la suite des événements.
Concernant l’avenir, nous avons envie de croire que la bande de Gaza pourra être démilitarisée un jour. Mais je pense que la réalité n’est pas aussi simple. Personne ne sait réellement comment va se dérouler la suite des événements. Il faut évidemment faire en sorte que les terroristes ne soient plus au pouvoir. J’espère également que la communauté internationale comprendra que nous n’obtiendrons rien sans rapport de force. C’est une évidence que tous les États démocratiques souhaitent la paix au Moyen-Orient, malheureusement, certains sont très maladroits.
© Pauline Darrieus