Tribune Juive

Otages et prisonniers : quand Gaza dicte le narratif du mensonge. Par Faraj Alexandre Rifai

TRIBUNE Ce 13 octobre, les 20 derniers otages vivants détenus par le Hamas ont été libérés. En échange, le gouvernement israélien a relâché près de 2 000 Palestiniens. À Gaza, en Cisjordanie et à Tel-Aviv, des scènes de liesse. Mais on ne peut mettre sur le même pied otages innocents et condamnés parfois pour des attentats meurtriers, nous dit le Franco-Syrien Faraj Alexandre Rifai, auteur d’Un Syrien en Israël (Éditions Caradine, 2025).

Le 14 octobre, après la libération des otages vivants, les Israéliens attendaient les dépouilles de 28 otages décédés à Gaza
Photo@Francisco Seco/AP/SIPA

Alors que les dernières libérations d’otages israéliens ont bouleversé l’opinion, certains médias occidentaux continuent d’entretenir une troublante symétrie entre victimes et terroristes. Cette confusion révèle une contamination plus profonde : celle d’un vocabulaire humanitaire façonné, parfois depuis Gaza même, par un narratif biaisé ou par des ONG proches du Hamas, et relayé en Occident.

Deux exemples récents disent tout de la confusion actuelle. Le New York Times publiait, le 14 octobre, un article intitulé Hostages and prisoners freed with Gaza’s path unclear, plaçant sur le même plan les otages israéliens du 7 Octobre — civils enlevés, torturés, violés — et les prisonniers palestiniens condamnés pour terrorisme. En même temps en France, Franceinfo parlait de « libération des otages palestiniens », reprenant sans recul le vocabulaire du Hamas. Ces glissements sémantiques ne sont pas anodins : ils révèlent une symétrie absurde, où la frontière entre victime et bourreau s’efface, et où l’émotion remplace la vérité.

Désinformation institutionnelle

Dire “otages et prisonniers” ou “otages palestiniens”, c’est effacer la hiérarchie entre un crime et une condamnation. C’est réduire le terrorisme à une opinion et la justice à une formalité. C’est nier la nature même de la barbarie du 7 Octobre, en la dissolvant sur les unes dans une fausse équivalence. Sous couvert de neutralité, une partie de la presse occidentale a intégré le lexique de la propagande anti-israélienne. Le vocabulaire humanitaire — “otages”, “victimes”, “libération”, “bilan civil” — devient un terrain propice au brouillage informationnel et à la propagande.

Au-delà du vocabulaire, c’est tout un narratif biaisé qui s’est imposé dans une partie des médias occidentaux : un récit où l’émotion prime le contexte, où la compassion remplace l’analyse, et où la chronologie même des faits est inversée. Comme le relaye le Hamas, “tout n’a pas commencé le 7 Octobre” : ce jour de massacre devient une “réaction légitime”, une “vengeance”, une “résistance”, et le Hamas un “acteur politique parmi d’autres”.

Cette grille de lecture, prétendument humanitaire, gomme la responsabilité première des terroristes et transforme la guerre contre le Hamas en une abstraction morale, presque métaphysique, où toutes les victimes se valent et où tous les crimes s’équivalent. C’est ce narratif, d’apparence neutre mais profondément orienté, qui façonne la perception mondiale du conflit et prépare le terrain à la désinformation institutionnelle.

Cette inversion du réel n’est pas seulement médiatique : elle gagne aussi le champ politique.

Cette confusion a aussi une conséquence politique : elle envoie, volontairement ou non, un message à l’opinion de la rue arabe ou arabophone en Occident. Elle lui dit que le terrorisme et ses victimes sont sur le même plan, que les terroristes palestiniens sont des “résistants” et que la violence islamiste trouve toujours une excuse.

Cette inversion du réel n’est pas seulement médiatique : elle gagne aussi le champ politique. Récemment, un député de La France insoumise, David Guiraud, a illustré cette confusion en déclarant sur les réseaux sociaux : « Les journalistes de BFM me demandent si je suis heureux de la libération des otages israéliens. Je le suis évidemment. Mais pourquoi les journalistes ne posent jamais la même question pour les prisonniers palestiniens ? Probablement car ils relaient la propagande israélienne qui les fait tous passer pour des terroristes… et ça se constate quand je les fais bafouiller en direct ! La mentalité coloniale et le deux poids deux mesures persistent malheureusement dans les médias français. »

Une telle déclaration ne relève pas de la maladresse : elle reproduit exactement le narratif du Hamas, effaçant la différence entre civils enlevés et terroristes condamnés, entre otages et prisonniers. Elle révèle à quel point la confusion morale, entretenue par les médias, s’étend désormais jusque dans les institutions politiques.

En reproduisant ce narratif, certains médias et responsables politiques confortent des préjugés, nourrissent des a priori hostiles et renforcent une radicalisation déjà latente — surtout parmi des jeunes abreuvés d’images sans contexte et d’indignation sans vérité. Là où il faudrait éduquer à la nuance et à la responsabilité, on entretient le ressentiment et la haine.

Les ONG, relais du narratif du Hamas

Depuis des années, des ONG palestiniennes ou propalestiniennes diffusent des éléments de langage prêts à l’emploi, repris ensuite par les agences internationales, l’Onu et les grands médias. Parmi elles, l’Euro-Mediterranean Human Rights Monitor, fondée par Ramy Abdu et basée à Genève, joue un rôle clé. Présentée comme une organisation “droits-de-l’hommiste”, elle fournit des bilans, récits et communiqués alignés sur les sources du Hamas, régulièrement cités sans vérification dans les rapports onusiens ou les dépêches d’agence. Ainsi, la plupart des “données humanitaires” de Gaza — bilans des morts, des destructions, des “victimes civiles” — proviennent d’un écosystème militant étroitement imbriqué dans la structure du pouvoir islamiste.

Sous un vernis d’impartialité, ces ONG offrent à la propagande un habillage institutionnel : une crédibilité “occidentale” pour des narratifs fabriqués à Gaza. C’est un modèle de désinformation moderne, à la fois militant, administratif et émotionnel.

Informer, ce n’est pas répéter. C’est vérifier, contextualiser, douter, recouper. Quand les médias confondent otages et prisonniers, victimes et bourreaux, ils ne commettent pas une simple erreur de vocabulaire : ils participent, consciemment ou non, à la désintégration d’un métier qui a renoncé à son exigence première : dire la vérité, même quand elle dérange.

© Faraj Alexandre Rifai

Source: Valeurs actuelles

Quitter la version mobile