
C’est dans les moments de bascule que les visages se révèlent. Il suffit d’un cessez-le-feu, d’un apaisement provisoire dans la fureur des armes, pour que ceux qui prétendaient parler au nom de la paix se trahissent par leur silence. On croyait leur indignation dictée par la compassion ; on découvre qu’elle était animée par la haine.
Ils ne se réjouissent pas de la fin du massacre, ils ne se réjouissent pas que cessent les morts civiles à Gaza. Leur indignation n’était pas liée à la souffrance des innocents, mais à la possibilité d’accuser. Elle s’éteint dès que l’accusation devient plus difficile.
Les morts ne les intéressaient que dans la mesure où ils servaient une cause — et cette cause n’était pas la paix.
Le refus de la paix
Leur silence actuel parle plus fort que leurs cris d’hier.
Ils ne savent pas se réjouir que les armes se taisent, car la paix les prive de leur raison d’être. Il leur faut sans cesse des morts à compter, des ruines à montrer, des coupables à désigner. Ils traquent maintenant les « victimes indirectes », ils recomptent les cadavres symboliques pour prolonger l’émotion, pour ranimer le feu de la dénonciation.
C’est qu’ils n’ont jamais cherché la justice, mais la condamnation d’un seul peuple : Israël.
Sous prétexte de défendre la vie, ils célèbrent la destruction. Sous le masque du souci humanitaire, ils perpétuent la logique de l’anathème.
La vérité de leur combat
Les masques tombent : ce qu’ils veulent désormais n’est plus dissimulable. Leur combat ne vise plus seulement Israël ; il vise l’Occident tout entier.
Israël n’est que le symbole, le miroir où se reflète la civilisation qu’ils exècrent : la liberté, la raison, la souveraineté de l’homme sur lui-même, l’idée même de vérité.
Qu’ils soient islamistes ou leurs alliés occidentaux, tous se retrouvent dans une même passion destructrice : la volonté de renverser l’ordre qui leur a donné naissance.
Les uns le disent ouvertement, au nom d’Allah et du jihad ; les autres s’enveloppent dans le langage des droits de l’homme, de l’antiracisme ou de la décolonisation. Mais la fin est la même : l’effondrement du monde occidental, accusé de tous les maux de la terre.
Le chaos comme horizon
On cherche à comprendre leur projet. Ils parlent de révolution, de libération, de justice globale. Mais quelle révolution ? Quelle justice ? Vers quel ordre nouveau prétendent-ils conduire l’humanité ?
Rien n’est plus vague que leur horizon. Leur véritable moteur n’est pas un idéal, mais une passion : celle du chaos.
Ils veulent détruire avant de construire. Ils rêvent d’un renversement total sans jamais dire ce qui viendrait après. Leur discours se nourrit de la ruine des autres ; il s’éteindrait dans la stabilité, dans la paix, dans la durée. Ce n’est pas le monde qu’ils veulent transformer : c’est le monde qu’ils veulent voir brûler.
La réapparition de la destructivité
Ce qui se révèle à travers eux, c’est une constante de l’histoire humaine : la destructivité. Cette force obscure, ancienne comme l’espèce, qui se réveille périodiquement sous des formes nouvelles — religieuses, idéologiques ou révolutionnaires.
Chaque époque croit en avoir fini avec elle ; chaque époque la retrouve.
Nous pensions avoir appris des abîmes du XXe siècle. Nous pensions que la barbarie, l’antisémitisme, la haine collective avaient été vaincus par la mémoire. Mais voici qu’ils reviennent, travestis, justifiés, rationalisés au nom du Bien. Ce qui se disait hier au nom de la race ou de la nation se dit aujourd’hui au nom de la justice et de la libération.
L’esprit est le même : une volonté d’éradication, un besoin d’ennemi, une fascination pour la pureté.
L’ombre sur l’esprit moderne
Cette ombre funeste qui agite les cœurs, c’est celle d’une humanité qui ne parvient pas à se réconcilier avec elle-même.
Nous croyions que la modernité avait domestiqué les pulsions de mort par la raison, l’éducation, la démocratie. Or voilà qu’elles resurgissent au sein même de nos sociétés éclairées, parmi les plus instruits, les plus connectés, les plus « conscients ».
Leur haine d’Israël n’est que le symptôme d’une maladie plus profonde : la haine de soi.
Car l’Occident ne se supporte plus. Il se regarde avec la culpabilité du bourreau et la honte du survivant. Il voudrait expier son passé, et dans cette expiation, il en vient à justifier ceux qui veulent le détruire.
Après la chute des masques
Quand les masques tombent, les visages apparaissent, mais aussi les abîmes.
Ce que nous voyons, derrière les discours de compassion, c’est la jouissance secrète de la destruction : la fascination pour la violence, l’envie de voir s’effondrer un monde jugé coupable d’exister.
Il nous faudra beaucoup de lucidité pour affronter cette révélation sans céder, sans tomber à notre tour dans la haine.
Car résister à la destructivité, c’est d’abord la reconnaître en soi, la désarmer par la pensée, et reconstruire, malgré tout, un ordre du sens contre l’ordre du chaos.
Le mensonge peut séduire, la haine peut unir, mais seul le réel peut guérir. Et c’est ce réel-là — celui que la paix révèle, celui que le silence dévoile — qui, une fois encore, nous oblige à choisir : entre la civilisation et le nihilisme.
© Charles Rojzman
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