La haine du Juif, nouvel opium des peuples. Par L’Étoile de David

Il fut un temps où, pour distraire un empire fatigué, on offrait panem et circenses — du pain et des jeux. Aujourd’hui, l’Europe en crise a trouvé un spectacle plus commode : un « problème juif » à commenter en boucle. Même mécanisme, vieilles ficelles : on détourne l’angoisse sociale vers une cible familière, on simplifie, on moralise, et l’on obtient, pour pas cher, une unité de façade. Juvénal n’aurait pas renié la recette.

René Girard l’avait théorisé : quand une société chauffe, elle cherche un bouc émissaire. La haine est un anesthésiant puissant : elle soulage provisoirement, elle « explique » tout, elle donne l’illusion d’agir. Elle est, au sens propre, un opium politique.

Pourquoi maintenant ? Parce que le continent tangue. La France se fait couper sa note souveraine, symptôme d’un modèle à court de souffle, pendant que la croissance patine et que les nerfs lâchent. Dans cette fatigue, le réflexe pavlovien revient : saturer l’antenne d’Israël et des Juifs, plutôt que d’affronter la facture économique et sociale.

Ailleurs, même lassitude, même écran de fumée. En Espagne, la scène politique s’embourbe jusqu’au vaudeville judiciaire autour de l’entourage du Premier ministre — et l’on meuble l’entre-deux par une surenchère symbolique « pro-Palestine », plus sonore que structurante. C’est efficace : ça occupe l’espace, ça flatte les tribunes, et ça évite le difficile : réformer.

Le tout sur fond de gestes diplomatiques qui posent plus qu’ils ne règlent : l’Espagne, l’Irlande et la Norvège reconnaissent un « État palestinien » sans État — ni frontières effectives, ni unité politique, ni désarmement des factions. La politique comme selfie : on se prend en photo du bon côté de l’Histoire, on laisse les complexités aux autres.

Résultat prévisible : les actes antisémites flambent. À force de faire d’Israël un punching-ball rituel, on libère dans la rue une parole et des gestes qui n’attendaient qu’un prétexte. Et, pendant qu’on s’invente des frissons moraux, on s’habitue à l’indignité : des stands israéliens qu’on cache, des artistes qu’on déprogramme, des étudiants juifs qui rasent les murs, des mezouzot qu’on dévisse par prudence. À l’écran, c’est du « courage » ; dans la vie, c’est du renoncement.

Que faire, alors — à part ruminer ?

Trois antidotes, concrets, à portée immédiate :

1. Débrancher le « show » : exiger des rédactions de vrais plateaux contradictoires, des invités qui ne pensent pas pareil, des débats avec faits sourcés et droit de réplique — pas ce théâtre de connivence où l’on s’auto-applaudit en boucle.

2. Armer le public : écoles, familles, associations — produire des kits de lecture critique des médias sur le conflit (repérer une image sortie de son contexte, distinguer opinion et information, lire un rapport plutôt qu’un thread). Moins sexy qu’un hashtag, infiniment plus utile.

3. Refuser la liturgie du bouc émissaire : pointer, chaque fois, le raccourci qui fait d’Israël la cause de tout. Demander : « Et vos chiffres ? Et votre plan ? Et votre cohérence ? » La haine aime les slogans ; elle déteste les questions.

L’opium finit toujours par un réveil. Et il est rugueux. L’Europe ferait mieux de traiter ses douleurs réelles que de s’enivrer de sa vertu télévisée. La haine du Juif n’a jamais soigné un déficit, réindustrialisé une région, pacifié une banlieue ni protégé une frontière. C’est une drogue dure : elle offre l’ivresse du soir et la honte du matin.

Alors oui, « l’année prochaine à Jérusalem » restera un vœu pour certains, un projet pour d’autres. Mais dès cette année, cessons d’accepter qu’on gouverne nos peurs par spectacle interposé. Si l’Europe veut rester elle-même, qu’elle résiste à la facilité du bouc émissaire — et qu’elle retrouve le courage du réel.

Post-scriptum nécessaire. Hélas, une impression tenace s’impose : nos élites européennes regardent plus volontiers les pipelines que les principes. Quand on voit les poignées de main complaisantes à l’égard de Téhéran, les révérences sur tribunes onusiennes, les tapis rouges déroulés aux pétromonarchies du Golfe, on s’interroge. Et si la reconnaissance d’un « État palestinien » servait moins une stratégie de paix qu’une stratégie de carrière — promesses de conférences bien rétribuées, comités consultatifs, retraites dorées, réseaux huilés par l’argent et le pétrole ? Le soupçon n’épargne personne, et ils ne sont pas seuls dans la file. Si l’Europe veut se désintoxiquer de son opium, qu’elle commence par lâcher le chèque et tenir la boussole.

© Étoile de David


À propos de l’auteur:

« Je ne savais pas encore …
J’ai choisi une photo de moi, enfant.
Parce qu’à cet âge-là, on ne sait pas encore.
On vit porté par la douceur, les rêves, les bras aimants.
On ne se pose pas de questions.
On est juif comme on est vivant : libre, sans le savoir.

Aujourd’hui, j’ai 50 ans.
Je vis en France.
Et je sais.
Je sais ce que l’on nous dit, ce que l’on nous refuse, ce que l’on attend que l’on taise.
Mais je ne me tairai pas.

Je vais me battre, avec vous, pour que cette liberté — celle de l’enfance, celle de vivre sans se cacher —
revienne.
Et qu’elle n’ait plus d’âge

© l’étoile de David

Contact:  heysibonnesidees@gmail.com


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