
Par Maître Michel Calvo pour « Actions Avocats »
Un État palestinien ? Analyse des obstacles juridiques à sa reconnaissance par des États tiers au regard du droit international. Par Maître Michel Calvo, avocat au barreau de Jérusalem et avocat honoraire au barreau de Paris
Alors que la France a toujours refusé de reconnaître unilatéralement un Etat palestinien, le 22 septembre 2025, le Président Emmanuel Macron a décidé de s’inscrire en rupture avec ses prédécesseurs. En effet, les successifs présidents de la République française ont toujours officiellement soutenu la solution à deux Etats, mais ont toujours estimé que la reconnaissance unilatérale ne devait pas précéder un accord de paix négocié et collectif.
C’est dans ce contexte que nous vous proposons une analyse des enjeux juridiques, d’une décision éminemment politique, qui s’opposent à la validité d’une reconnaissance unilatérale d’un Etat quelqu’il soit, par des États tiers.
1. La reconnaissance d’un État, un acte soumis au droit international coutumier
Selon la Convention de Montevideo de 1933, qui reprend le droit coutumier, une entité doit remplir quatre critères pour être reconnue comme État :
- une population permanente,
- un territoire défini,
- un gouvernement effectif,
- la capacité d’entrer en relations avec d’autres États.
À ce jour, il semble que les territoires palestiniens ne répondent pas pleinement à ces conditions en l’absence de frontières définitives et de contrôle effectif et indépendant sur un territoire.
2. Obligations issues de l’Accord intérimaire israélo-palestinien de 1995
L’Accord intérimaire sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (1995), conclu entre Israël et l’OLP, comporte plusieurs dispositions contraignantes :
- Article XVII : limite les compétences et pouvoirs de l’Autorité palestinienne.
- Article XXXI(6) : précise qu’aucune disposition de l’accord ne préjuge du statut permanent, qui doit être déterminé par des négociations directes.
Toute reconnaissance unilatérale d’un État palestinien pourrait dès lors être considérée comme contraire à cet accord et constituer une ingérence dans un processus négocié.
Par ailleurs, l’Accord intérimaire prévoit que l’Autorité palestinienne n’est pas habilitée à entretenir des relations diplomatiques avec d’autres États avant la conclusion d’un accord final. La reconnaissance d’un État palestinien par des États tiers avant la conclusion de telles négociations pourrait être interprétée comme une violation de cet engagement international.
3. Principe de non-ingérence et négociation directe du statut final
Le droit international public interdit à des États tiers d’intervenir dans des différends dont le règlement relève exclusivement des parties concernées.
Ce principe de non-ingérence est fondé sur de nombreuses dispositions juridiques explicites telles que la Charte des Nations Unies (articles 2-1 et 2-7 de la Charte) et plusieurs résolutions de l’ONU bien que non contraignantes (Résolution 2131 du 21 décembre 1965, Résolution 2625 du 24 octobre 1970).
Aussi, la reconnaissance unilatérale d’un État palestinien pourrait être qualifiée d’ingérence dans des négociations bilatérales en cours ou à venir.
4. Obligations découlant des instruments juridiques historiques
Les traités de San Remo (1920), de Sèvres (1920), de Lausanne (1923) ainsi que le Mandat britannique pour la Palestine conféraient certains droits et obligations aux États signataires. La reconnaissance d’un État palestinien sur les territoires concernés pourrait être interprétée comme une violation des engagements pris dans ces instruments internationaux.
5. Article 80 de la Charte des Nations Unies
L’article 80 de la Charte des Nations Unies stipule que les droits et obligations issus des mandats établis par la Société des Nations ne peuvent être modifiés sans accord des peuples visés pas les mandats. La reconnaissance unilatérale d’un État palestinien sur un territoire faisant l’objet d’un mandat antérieur (mandat britannique) est contraire à cette disposition.
7. Droits reconnus aux peuples autochtones
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) reconnaît aux peuples autochtones des droits sur leurs terres et leurs ressources traditionnelles. Toute modification du statut d’un territoire sans prise en compte de ces droits pourrait être analysée comme une méconnaissance des principes posés par cette déclaration.
Conclusion
Au regard du droit international, la reconnaissance d’un État palestinien par des États tiers soulève plusieurs difficultés juridiques :
- non-respect des critères de l’État au sens de la Convention de Montevideo ;
- violation de l’Accord intérimaire de 1995 ;
- atteinte au principe de non-ingérence dans un processus de négociation bilatérale ;
- remise en cause d’engagements internationaux préexistants, notamment issus des mandats de la Société des Nations et des traités s’y rapportant ;
- violation de l’article 80 de la Charte des Nations Unies et les principes relatifs aux droits des peuples autochtones.
© Michel Calvo