Tribune Juive

Soutien entier à Charlotte Gainsbourg

Serge Halimi , fils de Gisèle Halimi, écrivain et membre de la rédaction du « Monde Diplomatique », répond à l’actrice Charlotte Gainsbourg qui doit prochainement incarner , dans un « biopic » , le rôle de l’avocate et infatigable militante progressiste , féministe historique , anti-impérialiste, pacifiste et militante pro-palestinienne Gisèle Halimi, décédée le 28 Juillet 2020.

Charlotte Gainsbourg avait cosigné, le 19 septembre dernier, avec une petite vingtaine d’autres « personnalités », une tribune collective appelant Emmanuel Macron à conditionner la reconnaissance d’un État palestinien « à la libération des otages » israéliens retenus à Gaza « et au démantèlement du Hamas ». Ulcéré par ce déni , Serge Halimi a fait parvenir au média « Blast » un texte rappelant que sa mère, tout au long de sa vie, a exprimé « sa solidarité constante » avec Gaza – où, constatait-elle, « un peuple aux mains nues est en train de se faire massacrer ». Il estime que sa mère « aurait lu cette tribune avec dégoût »:

 » J’ai appris , plusieurs mois après que la décision soit prise , que Charlotte Gainsbourg avait été choisie pour interpréter le rôle de ma mère lors du procès de Bobigny . Autant dire qu’on ne m’a pas demandé mon avis .

Les producteurs , réalisateurs , journalistes , présidents de la République , maires , actrices, etc. peuvent se référer à leur guise à une personnalité publique . Ils peuvent même s’en prévaloir quand ils l’ont combattue par leur œuvre ou par leur engagement politique .

Jusqu’à présent , la mémoire de Gisèle Halimi a surtout été mise en avant pour célébrer des causes et des victoires devenues relativement consensuelles ( avortement libre , criminalisation du viol , abolition de la peine de mort , dépénalisation de l’homosexualité ). En revanche , hormis son combat pour l’indépendance de la Tunisie et de l’Algérie , ses engagements anti-impérialistes , nombreux et constants ( Vietnam , Cuba , militants basques , hostilité à la guerre du Golfe et du Kosovo , Palestine ), tout comme son refus des traités européens ( Maastricht , TCE ) ont été oubliés ou occultés .

La signature par Charlotte Gainsbourg, avec Bernard-Henri Lévy, Alain Minc, Dominique Reynié, etc., d’une « lettre ouverte » s’opposant à la reconnaissance de la Palestine par la France et assimilant cette décision à « une capitulation morale face au terrorisme » fait donc resurgir par contraste tout un chapitre de la vie de Gisèle Halimi .

Car elle aurait lu cette tribune collective avec dégoût . Elle ne dit rien des crimes de guerre israéliens pourtant qualifiés de génocide par nombre d’organisations internationales . Charlotte Gainsbourg vient ainsi , sans l’avoir voulu , de rappeler tout un pan trop peu connu de la vie militante de Gisèle Halimi , du Tribunal Russell sur la Palestine à sa défense de Marwan Barghouti . Et notamment sa solidarité constante avec Gaza , à un moment où déjà , écrivait-elle à L’Humanité en juillet 2014 , « un peuple aux mains nues est en train de se faire massacrer. L’histoire jugera , mais n’effacera pas le saccage. » Ce fut l’une de ses dernières prises de position publiques .

Le jour où le film sur le procès de Bobigny sortira , Charlotte Gainsbourg sera peut-être interrogée sur la différence fondamentale entre le personnage qu’elle interprète et ses propres convictions qui la rangent dans le camp , peu honorable , des avocats inconditionnels d’Israël . L’opération qu’elle escomptait en incarnant Gisèle Halimi à l’écran se retournera alors contre elle ».

© Serge Halimi

Source: Blast

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