Tribune Juive

Étrangers sur la terre. Par Jacques Tarnero

Les mots du grand père d’Emmanuel Lévinas sont connus : « Un pays qui se déchire, qui se divise pour sauver l’honneur d’un petit officier juif, c’est un pays où il faut rapidement aller ». 

Ces paroles ont-elles toujours une pertinence dans la France de 2023 ?

Un pays dans lequel une petite fille juive de douze ans est violée par ses camarades du même âge, parce qu’elle est juive et parce qu’elle a leur a dissimulé, pour se protéger, cette identité, au moment même où l’État d’Israël commettrait un génocide ? Quelle mécanique d’identification s’est-elle alors mise en place dans la tête des violeurs de douze ans ? Cette France où des enfants Juifs ont été assassinés au nom de la cause palestinienne est-elle toujours celle dont rêvait le grand-père Emmanuel Levinas ? Cette France où tous le jours la malfaisance supposée de l’État juif est à la Une des médias, est-elle désormais un pays qu’il faut rapidement quitter ?  

Cette question tous les Juifs de France se la posent depuis le 7 octobre 2023.

Cette question, tous les Juifs de France se la posent depuis que le Président de la République française a décidé, au nom de la France, de reconnaitre l’État de Palestine. Cette reconnaissance est lourde de sens et ce qu’elle implique n’a pas été clairement énoncé par celui qui a décidé de la prendre. Correspond-elle à un geste favorisant une dynamique de paix ou correspond-elle à une perspective de substitution de la légitimité de l’État d’Israël par l’État de Palestine ? 

Venant deux ans après le massacre, en Israël, du 7 octobre 2023, ce geste, symbolique, parait donner une caution à ce qui a été initié avec le plus grand pogrom commis après la shoah. 

Le Président Macron a-t-il pris la juste mesure de son projet ? A-t-il pris la mesure de la charge symbolique de cette décision prise au nom du peuple français ?

Après avoir signifié au premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahu qu’on « ne pouvait pas lutter contre la barbarie avec les moyens de la barbarie » le Président français avait dans un premier temps, lancé l’idée de mobiliser contre le Hamas une coalition identique à celle qui avait été réunie contre l’État islamique. Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il changé d’avis ? Comment a-t-il pu brandir la menace d’un effacement d’Israël par l’ONU ?  « L’ en même temps » peut-il être pertinent pour comprendre l’affrontement actuel et agir en conséquence pour y mettre fin? Comprend-il que les logiciels des deux peuples ne relèvent pas de catégories mentales semblables. L’un trinque « à la vie », l’autre utilise ses enfants comme bombe humaine. Peut-on élaborer un langage commun avec celui qui vous exclut de l’humanité commune?

Si le projet palestinien visait à construire un État, l’État de Palestine existerait depuis longtemps. Jamais le Hamas n’a présenté l’ambition de la création d’un État, son seul objectif vise à la destruction de l’État juif. Le pogrom du 7 octobre 2023 en a fait la sanglante démonstration. Toutes les illusions se sont défaites ce jour-là. Les kibboutz attaqués autour de Gaza regroupaient les forces israéliennes les plus favorables au droit des Palestiniens. Qui a-t-il à négocier avec ceux qui font de l’anéantissement de l’Autre l’âme de leur projet ?

Si le malheur de Gaza est réel, le seul responsable de ce malheur se nomme le Hamas et l’idéologie mortifère qui l’anime. Si génocide il y a eu c’est de ce côté-là que les experts de l’ONU et son grotesque Conseil des droits de l’homme, devraient se tourner.

Israël est-il sans responsabilité dans cette tragédie ? Les Israéliens demandent des comptes à leurs dirigeants et au premier d’entre eux pour la stratégie aveugle qui fut la sienne d’avoir préféré s’accommoder avec les islamistes plutôt que chercher un accord avec l’Autorité Palestinienne. C’est à la démocratie israélienne qu’il appartiendra de choisir d’autres dirigeants mieux avisés.

La passion mondiale qui s’est développée n’a pas grand-chose à voir avec la critique de la politique du gouvernement Netanyahu. C’est une invraisemblable vague de haine qui a submergé les opinions faisant de la Palestine l’étendard de tous les malheurs du monde. Les horreurs du 7 octobre ont disparu des mémoires autant que des consciences au profit de l’accablement exclusif d’Israël de tous les maux et de tous les mots du nazisme : « génocide », « apartheid », « crimes contre l’humanité », « famine » etc. etc. Cette stratégie de nazification d’Israël, n’a qu’un seul objectif : légitimer l’effacement de cet État devenu paria. Tandis que le drapeau de la Palestine est brandi dans toutes les manifestations glorifiant les damnés de la terre, il n’y a pas de jour sans que le Juif/sioniste ne soit démasqué comme synonyme de génocideur et soit expulsé de l’espace public :musicien, écrivain, artiste, étudiant etc. Il y a eu des « amphithéâtres interdits aux sionistes »,  des universités fermées aux « sionistes ». Ces boycotteurs connaissent-ils seulement le sens des mots qu’ils emploient ? Connaissent-ils l’histoire sous leur keffieh de la rue Saint Guillaume ?

Les Juifs seraient-ils devenus des étrangers sur la terre ?

Ne pas comprendre que cette mise à l’index planétaire trouve sa source première dans la dénonciation d’Israël comme responsable et coupable du crime qu’il a subi, relève d’une étonnante et évidente mauvaise foi. Reconnaitre la Palestine, telle qu’elle est, n’a de sens qu’à la condition première d’en démasquer la charge d’imposture chimérique.

© Jacques Tarnero

Jacques Tarnero est essayiste et auteur des documentaires « Autopsie d’un mensonge : le négationnisme » (2001) et « Décryptage » (2003).


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