Le tournant nécessaire : de la pression sur Israël à la responsabilité palestinienne. Par Richard Abitbol

« On ne fait pas la paix avec des amis. On la fait avec des ennemis. » — Yitzhak Rabin

« Ce n’est pas l’ennemi qui nous détruit, c’est notre refus de changer. » — Naguib Mahfouz

Depuis près de quatre-vingts ans, la communauté internationale s’efforce de résoudre le conflit israélo-palestinien en suivant la même logique : exercer des pressions sur Israël, l’inciter à multiplier les concessions, dans l’espoir que cela ouvrira la voie à la paix. Or, l’histoire récente démontre l’échec flagrant de cette méthode. Non seulement elle n’a pas rapproché la paix, mais elle a souvent produit l’effet inverse : une aggravation du conflit et une radicalisation des positions.

À chaque étape, Israël a fait des gestes significatifs — accords d’Oslo, retrait de Gaza, propositions de restitution territoriale — et à chaque fois, la réponse palestinienne fut le refus ou la violence. L’Occident, en insistant sur ce schéma, a pris le problème à l’envers. Comme le souligne le Palestinien modéré Samer Sinijlawi, la clé de la paix ne réside pas dans des injonctions extérieures à Israël, mais dans une transformation interne du camp palestinien.

L’histoire d’un échec répété

Les grandes étapes du processus de paix israélo-palestinien révèlent un schéma constant : les concessions israéliennes se traduisent par un renforcement de la violence au lieu d’un rapprochement.

•               Les accords d’Oslo (1993-1995) : salués comme une percée historique, ils furent suivis d’une vague d’attentats-suicides sans précédent en Israël. Le pari d’une coexistence pacifique échoua, faute d’une volonté palestinienne réelle de reconnaître Israël comme partenaire légitime.

•               Le retrait unilatéral de Gaza (2005) : présenté comme un test de bonne foi, il visait à donner aux Palestiniens l’opportunité de bâtir une gouvernance autonome. Loin de devenir un laboratoire de paix, Gaza fut transformée en base d’attaques quotidiennes contre Israël, aux mains du Hamas.

•               Les offres territoriales de Barak et Olmert (2000, 2008) : dans une démarche sans précédent, les Premiers ministres israéliens proposèrent la restitution de 95 % des territoires contestés et même un partage de Jérusalem-Est. Ces propositions furent refusées sans véritable négociation.

•               La complaisance envers le Hamas (2010-2023) : Israël toléra que le Qatar finance le mouvement islamiste, dans l’idée de stabiliser temporairement la situation. Le résultat fut l’explosion de violence du 7 octobre 2023, rappel cruel de l’impossibilité de « gérer » un mouvement dont la finalité reste l’anéantissement d’Israël.

Ces exemples convergent vers un même constat : chaque fois qu’Israël a cédé aux pressions internationales, la situation s’est aggravée.

L’analyse lucide de Samer Sinijlawi

Dans ce contexte, la voix de Samer Sinijlawi mérite une attention particulière. Président du Jerusalem Development Fund et figure de l’opposition au sein du Fatah, il incarne une posture rare de réalisme politique dans le camp palestinien. Ses propos, tenus lors d’une table ronde organisée par le Washington Institute, résument une approche nouvelle et salutaire.

1.             « Le seul État qu’il faut convaincre de reconnaître la Palestine, c’est Israël. » Cette phrase révèle l’inanité des reconnaissances internationales proclamées sans accord avec Israël. Ni les votes à l’ONU, ni les déclarations de chancelleries européennes ne peuvent remplacer le consentement de l’État directement concerné. Tant qu’Israël ne sera pas convaincu de la sincérité palestinienne, aucun État palestinien viable ne verra le jour.

2.             « Il ne sert à rien de faire pression sur Israël, cela produit l’effet inverse. » Les pressions extérieures renforcent le sentiment d’isolement et de vulnérabilité d’Israël. Elles ne l’incitent pas à céder, elles le poussent à se raidir. Le seul levier efficace n’est pas de contraindre Israël, mais de rassurer Israël — en démontrant une volonté claire de mettre fin à la violence.

3.             «  Nous  devons  faire  nos  devoirs,  nous  les  Palestiniens.  » Cette reconnaissance de responsabilité est exceptionnelle. Elle implique une rupture avec des pratiques profondément enracinées :

•               la glorification des attentats dans le discours officiel et scolaire,

•               le financement des familles de terroristes par l’Autorité palestinienne,

•               l’endoctrinement antisémite des jeunes générations,

•               le refus persistant de reconnaître la légitimité d’Israël.

En d’autres termes, Sinijlawi appelle à une révolution politique et culturelle interne, condition sine qua non de toute perspective de paix.

Les leçons des Accords d’Abraham

L’expérience récente des Accords d’Abraham confirme cette logique. Là où des nations arabes

— Émirats arabes unis, Bahreïn, Maroc, Soudan — ont choisi de tourner la page de l’hostilité, une dynamique nouvelle s’est enclenchée : coopération économique, échanges technologiques, rapprochements diplomatiques.

Ces accords démontrent que la paix ne naît pas de pressions internationales, mais d’un choix souverain de mettre fin à la haine et de miser sur la prospérité commune. Les Palestiniens pourraient emprunter cette voie. Rien ne les en empêche, sinon leur propre refus de réformer leur culture politique.

L’impasse de l’initiative macronienne

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’initiative française portée par Emmanuel Macron : la reconnaissance unilatérale de l’État palestinien par la France et plusieurs pays européens.

Cette initiative est vouée à l’échec, pour deux raisons majeures :

•               Elle ne crée aucune réalité politique concrète, puisque seul Israël peut donner à un futur État palestinien les conditions de sa viabilité (frontières, sécurité, coopération économique).

•               Elle ignore le constat de Sinijlawi : tant que les Palestiniens ne changeront pas de culture politique, aucune reconnaissance symbolique ne pourra déboucher sur la paix.

Mais elle est surtout contre-productive :

•               En confortant les Palestiniens dans l’illusion qu’ils peuvent obtenir davantage sans rien céder, elle alimente la logique du refus.

•               En faisant peser la responsabilité sur Israël, elle renforce son sentiment d’injustice et d’isolement, consolidant les positions les plus dures au lieu de créer des ouvertures.

•               En privilégiant le geste diplomatique à la transformation politique, elle recule encore l’horizon d’une véritable paix.

En somme, Emmanuel Macron, en croyant jouer les artisans de paix, se rend en réalité complice d’un statu quo aggravé.

Pour une refondation palestinienne

La paix au Proche-Orient ne naîtra pas de résolutions votées à l’ONU, ni de proclamations faites depuis Paris ou Bruxelles. Elle ne résultera pas d’une énième reconnaissance unilatérale, mais d’une décision palestinienne de rompre avec la haine et la violence.

Le constat de Samer Sinijlawi doit être entendu : les Palestiniens doivent faire leurs devoirs. Sans ce changement interne — politique, éducatif, culturel — aucune négociation sérieuse n’est possible. Avec lui, en revanche, tout devient envisageable : une coexistence pacifique, une prospérité partagée, et l’intégration des Palestiniens dans la dynamique régionale ouverte par les accords d’Abraham.

L’Occident, et singulièrement la France, doivent comprendre que leur responsabilité n’est pas de forcer Israël, mais d’encourager cette transformation palestinienne. Tant qu’ils persisteront dans la méthode actuelle, ils ne feront pas avancer la paix : ils la feront reculer.

Samer Sinijlawi – Une voix palestinienne réaliste et réformatrice

Samer Sinijlawi, né à Jérusalem-Est au début des années 1970, est une figure singulière de la scène palestinienne. Membre du Fatah, président du Jerusalem Development Fund, il se distingue par un discours de lucidité et de responsabilité rare au sein du leadership palestinien.

Issu d’une jeunesse marquée par la première Intifada, il fut arrêté à l’adolescence et passa plusieurs années en prison israélienne. Cette expérience fondatrice l’amena à apprendre l’hébreu, à comprendre les peurs de l’autre camp et à développer un sens du dialogue qu’il revendique aujourd’hui comme essentiel à toute perspective de paix.

Opposant à Mahmoud Abbas et critique de la gouvernance actuelle de l’Autorité palestinienne, qu’il juge corrompue et illégitime, Sinijlawi incarne une génération réformatrice. Son discours ne se limite pas à dénoncer Israël : il appelle avant tout les Palestiniens à « faire leurs devoirs ». Cela signifie mettre fin au financement des familles de terroristes, renoncer à l’endoctrinement antisémite, instaurer une gouvernance transparente et accepter que la reconnaissance mutuelle soit la condition de tout avenir pacifique.

Modéré mais réaliste, il n’idéalise pas la situation. Il sait que la paix ne peut être imposée par des résolutions onusiennes ou par des reconnaissances symboliques venues d’Europe. Selon lui, « le seul État qu’il faut convaincre de reconnaître la Palestine, c’est Israël ». Cette approche pragmatique, qui tient compte des besoins de sécurité israéliens autant que des aspirations palestiniennes à la dignité et à l’indépendance, fait de lui une voix écoutée dans les cercles diplomatiques internationaux comme dans les médias israéliens.

Samer Sinijlawi incarne ainsi une rare tentative de refondation palestinienne : replacer la responsabilité et la réforme au cœur du projet national, pour que la perspective de deux États ne soit plus une utopie, mais une réalité construite par la volonté des deux peuples.

© Richard Abitbol

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5 Comments

  1. Analyse pertinente malheureusement occultée par les chantres actuels et cyniques de l’émotion binaire et qui sont responsables du recrutement de fantassins antisémites décérébrés culturellement.

  2. Charles Rozjman vient de l ecrire dans la revue  » causeur » ,
    L attitude des europėens , et singulierement de la France depuis le 7/10 signe plus qu une soumission , elle signe le debut du chemin de l extinction .
    Le 7/10 , la nation juive s est reveillée et a combattu , l europe chretienne a actė le debut de sa fin .

  3. Samer Sinijlawi est probablement un homme sincère et courageux, mais bien seul. Il faudrait, là il a parfaitement raison, un changement important au niveau palestinien, changement dans les cerveaux et dans les coeurs. On pense à la phrase de Golda Meïr, « il y aura la paix le jour où les Arabes aimeront d’avantage leurs enfants qu’ils ne nous haïssent ». En effet, comment faire confiance à un peuple quand on voit des mères pousser des youyou de joie quand leurs fils meurent en commettant un attentat contre des Juifs? Comment garder espoir quand on voit le Hamas exécuter des « collaborateurs » dont certains auraient juste accepté de la nourriture des Israéliens ? Comment accorder la confiance aux « civils innocents » de Gaza qui fêtaient le massacre du 7 octobre, qui y participaient, qui maltraitaient les otages, qui crachaient sur des cadavres ? Bien sûr, la paix, on la fait avec l’ennemi , mais encore faut-il qu’il le veuille aussi. Gaza aurait pu être le Liechtenstein, San Marin ou Monaco du Moyen-Orient. Les Gazaouis ont en décidé autrement. Ils en subissent les conséquences aujourd’hui. C’est arrivé à d’autres…

  4. Samer Sinijlawi, terroriste dés l’enfance, apprend l’hébreu en prison; Ne condamne pas hamas pour ses atrocités répétées, ne parle pas de l’Iran qui finance tout çà, n’a pas un mot pour nos frères et soeurs assassinés le 7 octobre, ni pour les otages. Il voudrait remplacer Mahmoud Abbas.

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