Par Fabrice Nordmann

Il ne fait plus de doute que lundi 22 septembre, le Président Macron, au nom de la France, reconnaîtra l’Etat de Palestine à la tribune de l’ONU. Ceux qui en doutaient ou qui inventaient que le Président avait mis des conditions n’avaient simplement pas voulu entendre les propos tenus dans l’avion qui le ramenait d’Egypte en avril dernier. L’utilisation du futur simple « On ira vers la reconnaissance » ne laissait pas de place au doute, mais comme nous l’avons souvent démontré ici, les commentateurs de la vie politique n’écoutent plus que leurs commentaires et ne tiennent que rarement compte des faits ou de ce que disent les acteurs.
C’est donc en toute « logique » (le mot est largement usurpé ici) que Macron mettra à exécution sa lubie la plus farfelue et la plus catastrophique pour l’avenir du monde.
“Catastrophique” ? Le terme ne serait-il pas exagéré ? Expliquons.
Commençons par nuancer : la reconnaissance par la France, le Royaume-Uni et quelques autres ne changera rien dans l’immédiat. Tout État, pour rejoindre effectivement l’ONU, doit d’abord être proposé par le Conseil de Sécurité, où les USA ont le droit de veto. Mais là où 3 membres permanents – avec le droit de veto donc – sur 5 étaient du côté de la démocratie du Proche-Orient, on passe à 1 sur 51. Pour peu qu’un « Démocrate » soumis à son électorat gagne la prochaine élection présidentielle américaine, la catastrophe sera enclenchée. Ce scénario est loin d’être fantaisiste.
Pour la première fois, l’ONU reconnaîtrait alors un Etat sans frontières reconnues, ni même acceptées par les parties pouvant faire office de “gouvernement” (le Hamas d’un côté à Gaza, et l’Autorité Palestinienne de l’autre en Cisjordanie)
Cela signifie que ces autorités2 pourront exprimer des revendications territoriales qui ne sont pas encore connues, mais cette fois avec le poids juridique d’un État !
Autrement dit, alors que la première mission de l’ONU – c’est la première phrase du préambule et de l’article premier de la Charte de l’ONU, est la paix, et plus particulièrement la paix entre les Etats membres,
Préambule
NOUS, PEUPLES DES NATIONS UNIES, RÉSOLUS
à préserver les générations futures du fléau de la guerre […]
à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,
à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales[…]
Chapitre I: Buts et principes
Article 1
Les buts des Nations Unies sont les suivants :
Maintenir la paix et la sécurité internationales
au lieu de maintenir la Paix donc, l’ONU va CRÉER une situation de guerre entre États ! Non pas qu’il n’y existait pas de conflit, mais pas, justement, entre États ! On crée un conflit international de toute pièce ! C’est le premier précédent catastrophique que cause cette reconnaissance.
Deuxième et troisième précédents : le droit au retour.
Dans la déclaration votée par l’Assemblée Générale de l’ONU la semaine dernière (y compris par des pays bien placés pour comprendre la situation dans laquelle se trouve d’Israël comme l’Allemagne, le Rwanda ou l’Ukraine), le fameux « droit au retour » est maintenu !
Ce droit au retour est associé au statut de réfugiés des Palestiniens ayant quitté – volontairement ou non – le territoire israélien en 1948. Ce statut, c’est ce qui est unique, est transmissible de génération en génération, ce qui fait que si 700 000 personnes partirent en 1948, par un prompt renfort elles se virent six millions en arrivant au port !
Nous arrivons donc dans une situation où :
Les descendants de réfugiés (dont environ 2/3 par choix) ont toujours le statut de réfugiés
Un Etat leur est reconnu, mais sans territoire défini, ils conservent donc un statut de réfugiés (« réfugié » signifie que l’on est contraint de vivre dans un autre pays que le sien, sinon on est « déplacé »)
Et ils peuvent prétendre à retourner… en Israël ! (où bien sûr ils deviendraient vite majoritaires et mettraient fin à l’existence de l’Etat juif).
Le deuxième précédent est donc que le statut de réfugié est totalement vidé de son sens : vous avez un État, vous vivez dans les frontières « logiques » de cet État, mais on vous octroie le droit de réclamer le territoire d’un autre État.
Quant au troisième précédent, il est que l’ONU est à deux doigts de rayer un de ses membres d’un trait de plume (si on suivait sa logique, ce serait la conséquence inévitable)
Cela ne vous rappelle rien ? Souvenez-vous des propos présidentiels qui avaient fuité lors d’un Conseil des ministres :
Nétanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU
Cela laissait entendre que ce que l’ONU a donné, elle peut le reprendre. N’ergotons pas sur le fait que c’est une vision historiquement fausse (on n’est plus à ça près !), mais souvenons-nous que Macron s’était empressé – contre toute évidence – de démentir ces propos
Il semble bien que, démentis ou non, ils reflétaient parfaitement la pensée présidentielle.
L’URSS et la Chine ont reconnu l’Etat de Palestine en 1988 ↩︎
La France exclut tout gouvernement du Hamas, mais comme elle n’a pas conditionné la reconnaissance au départ du Hamas et que, par le biais de son exécrable ministre des Affaires Étrangères elle « condamne fermement » (ou s’indigne, ou juge inacceptable, ou je ne sais quoi encore…) toute action militaire israélienne contre le Hamas, on comprend bien que la situation réelle (un gros mot pour Macron) est que le Hamas est bien à la tête de Gaza, et que si une élection libre avait lieu en Cisjordanie, le Hamas l’emporterait. ↩︎
© Fabrice Nordmann
https://www.facebook.com/LaCheuilleDeFou
« La Cheuille de Fou: Sur cette page, nous essayons de mieux comprendre l’actualité en rappelant les faits et en les mettant en perspective ».