
« De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances des faucilles. Un peuple ne lèvera plus l’épée contre un autre peuple, et l’on n’apprendra plus la guerre. » – Isaïe 2, 4
Le mot Palestine n’a pas été choisi au hasard. Après la révolte de Bar-Kokhba (132-135), l’empereur romain Hadrien décida de rebaptiser la province de Judée en Syria Palaestina. Il voulait non seulement punir un peuple rebelle, mais anéantir jusqu’au souvenir même de la Judée.
L’historien romain Dion Cassius écrit : « Beaucoup de Juifs furent tués. Cinquante de leurs forteresses et 985 de leurs villes furent rasées. (…) L’ensemble du pays fut réduit en désert. » (Histoire romaine, LXIX, 14).
Parallèlement, Hadrien transforma Jérusalem en colonie romaine, qu’il rebaptisa Aelia Capitolina, et en interdit l’accès aux Juifs. L’historien chrétien Eusèbe de Césarée rapporte :
« Jérusalem, tout entière rasée, fut rebâtie sous le nom d’Aelia, et une colonie de Romains y fut installée. » (Histoire ecclésiastique, IV, 6).
Tout était fait pour effacer la présence juive et humilier un peuple à la nuque raide.
Un nom né pour effacer la Judée, mais un peuple qui n’a jamais quitté sa terre
Et pourtant, malgré les massacres, malgré les expulsions, malgré les interdictions, les Juifs ne sont jamais partis totalement :
• Sous les Romains, puis sous Byzance, une communauté juive continua de vivre en Galilée, à Tibériade, Lod et Césarée.
• Sous les premiers califats arabes, les Juifs restèrent présents à Jérusalem, Hébron et Safed.
• Sous les Croisés, malgré les massacres, des communautés survécurent.
• Sous les Ottomans, les Juifs d’Empire (sépharades expulsés d’Espagne, ashkénazes d’Europe centrale) vinrent se rajouter aux Juifs autochtones.
• Mandat britannique (1917-1948) : immigration juive accrue, mais continuité d’une présence autochtone jamais interrompue.
Ainsi, malgré les invasions, les dominations successives, les humiliations et les persécutions, le lien ne s’est jamais rompu. La Judée-Samarie n’a jamais cessé d’être une terre habitée et travaillée par les Juifs. Le nom de « Palestine », imposé par Rome pour nier cette réalité, ne fut jamais qu’un masque, jamais une identité véritable.
Mais ce nom restait un label géographique, jamais l’expression d’une identité nationale autonome. Pendant des siècles, sous Byzance, sous l’islam puis sous l’Empire ottoman, « Palestine » ne fut qu’une appellation administrative ou cartographique, sans peuple ni État associé.
Une identité récente
Au temps du mandat britannique (1920-1948), l’expression « Palestinian » désignait tous les habitants, y compris les Juifs. Le « Palestine Post » — ancêtre du « Jerusalem Post » — était un journal sioniste. L’identité palestinienne moderne, exclusivement arabe, est donc une construction politique tardive.
De 1948 à 1967 : Gaza égyptienne, Cisjordanie jordanienne
Après la guerre de 1948, le partage des territoires arabes est clair :
• Gaza est administrée par l’Égypte. Ses habitants ne sont pas citoyens égyptiens, mais vivent sous gouvernance du Caire.
• La Cisjordanie et Jérusalem-Est sont annexées par la Jordanie, et leurs habitants deviennent citoyens jordaniens.
Dans ces années, on ne parle pas d’« État palestinien ». Les habitants de Cisjordanie se sentent Jordaniens, et ceux de Gaza Égyptiens par leur rattachement naturel. Les archives filmées de l’époque, consultables à l’INA, le prouvent : les populations réclament de redevenir pleinement intégrées à leurs États de référence, pas l’indépendance.
1964 – 1988 : la montée d’un instrument politique
En 1964 est créée l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), sous impulsion égyptienne. Mais son objectif premier n’est pas de revendiquer un État en Cisjordanie ou à Gaza : c’est de faire disparaître Israël.
Après la guerre de 1967, quand Israël prend Gaza et la Cisjordanie, l’OLP se réinvente en porteuse d’une identité nationale palestinienne. Mais dans les faits, jusqu’en 1988, la Cisjordanie demeure officiellement partie intégrante du royaume hachémite.
1988 : l’acte fondateur de la revendication
Le 31 juillet 1988, le roi Hussein de Jordanie annonce qu’il renonce à toute revendication sur la Cisjordanie. Par ce désengagement, il transfère la « question palestinienne » à l’OLP.
C’est seulement à ce moment-là que naît une revendication nationale et territoriale palestinienne autonome. Avant cette date, ni Gaza ni la Cisjordanie n’avaient vocation à former un État indépendant.
Gaza et Cisjordanie : deux mondes distincts
L’illusion actuelle consiste à vouloir fusionner deux territoires qui n’ont aucun lien organique :
• Gaza est tournée vers l’Égypte, par sa géographie, son dialecte, ses réseaux économiques et son histoire moderne.
• La Cisjordanie est naturellement reliée à la Jordanie, dont elle a partagé institutions, citoyenneté et dynamiques politiques pendant vingt ans.
Forcer ces deux territoires à coexister dans un même État revient à fabriquer une entité artificielle, instable et vouée aux divisions.
La leçon du Pakistan et du Bangladesh
L’histoire mondiale offre un précédent : le Pakistan de 1947 à 1971. Constitué de deux morceaux — le Pakistan occidental et le Pakistan oriental (le futur Bangladesh) — séparés par 1 600 km d’Inde, cet État disjoint a sombré dans les tensions, les révoltes et finalement la guerre civile. En 1971, le Pakistan oriental a fait sécession et donné naissance au Bangladesh.
Cet exemple démontre une vérité simple : la continuité territoriale est la base de la formation d’un pays viable. Imaginer un État palestinien unissant Gaza et la Cisjordanie, séparées par Israël, revient à répéter les erreurs du passé et à préparer une implosion future.
La solution réaliste : un retour aux ancrages naturels
Si l’on veut dépasser l’illusion, la solution est claire :
• Gaza doit être reliée à l’Égypte, non par annexion mais par intégration fonctionnelle : économie, infrastructures, énergie, administration civile.
• La Cisjordanie doit être intégrée à la Jordanie, dans le cadre d’une confédération ou d’une union progressive, comme cela existait de facto avant 1988.
Ce schéma n’est pas seulement logique historiquement et géographiquement : il est aussi défendu par plusieurs acteurs internationaux (États-Unis, Israël, pays du Golfe) comme horizon du « jour d’après ».
Sortir de la fiction pour bâtir la paix
L’« État palestinien » est devenu un slogan diplomatique, mais il reste une fiction géopolitique. Gaza et la Cisjordanie ne forment pas un ensemble homogène ; vouloir les unir est un contresens historique et une impasse politique.
La paix et la stabilité ne viendront pas d’un rêve impossible, mais d’un retour au réel, d’une solution régionale ancrée dans l’histoire : Gaza avec l’Égypte, la Cisjordanie avec la Jordanie, et Israël reconnu dans ses frontières de sécurité. Là se trouve la seule voie pragmatique pour offrir aux populations locales une vie digne, une économie viable et une stabilité durable.
La Judée n’a jamais renoncé : un peuple debout, une paix possible
Comme l’écrivait Flavius Josèphe dans La Guerre des Juifs : « Si la nation juive est détruite, ce n’est pas par manque de courage, mais parce qu’elle a toujours préféré la liberté à la vie. »
Malgré les invasions — romaines, arabes, croisées, ottomanes, anglaises — malgré les massacres et les humiliations, la Judée n’a jamais renoncé à son indépendance. Et c’est ce lien indestructible entre un peuple et sa terre qui continue de donner sens à l’histoire.
Israël n’aspire qu’à voir s’élever, avec ses voisins libres et prospères, une région réconciliée où la paix, l’harmonie et la prospérité deviennent le destin commun des peuples du Proche-Orient.
© Richard Abitbol