Tribune Juive

« Démasqués ». Par Michel Rosenzweig

La fracture n’a jamais été aussi béante entre le camp du Bien et les autres, ces « autres » qui ne se reconnaissent pas dans ce camp du Bien. Comme deux continents à la dérive. 

Ils sont nombreux comme on l’a vu hier à Londres, probablement entre 300 et 400.000 personnes en comparant les images aériennes avec la marche blanche de 1996 à Bruxelles. Mais certainement pas 110.000 comme le prétendent les médias officiels. 

Ce camp des autres, difficile à définir, souverainiste, nationaliste patriote, réunit toutes sortes d’individus mais le camp autoproclamé du Bien préfère le disqualifier et le diaboliser à priori en camp d’extrême droite, voire fasciste ou encore nazi, raciste, antisémite, homophobe. 

Mais qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse de la détestation et de la haine de l’autre qui ne pense pas comme soi.

Le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle antifascisme écrivait Pier Paolo Pasolini dans Lettres luthériennes en 1976.

Nous y sommes.

Où sont les vrais fascistes aujourd’hui ? 

Dans cette foule silencieuse ? Dans ce camp des autres qui crient « STOP on n’en peut plus » comme l’affirment les porte-paroles du camp du Bien ? 

Le camp du Bien est en réalité celui du Mal déguisé en Bien » mais c’est aussi celui du « mal déguisé » en Bien, et il fait des ravages autant dans les consciences que dans les corps puisqu’il assassine au nom du Bien.

Le camp du Bien formate les consciences et fabrique l’opinion avec son bras armé de mots et de slogans, son arme de destruction massive, la propagande de ce que l’on nomme l’état profond et par son idéologie totalitaire, intolérante.

Les mots peuvent tuer dit-on, jamais cette expression n’aura été aussi juste, vraie et hélas vérifiée par une réalité que le camp du Bien persiste à ne pas reconnaître ni vouloir nommer.

Le regard mutilé par la cécité volontaire et la pratique systématique du déni de réalité sont les deux mamelles auxquelles se nourrissent les adeptes du camp du Bien, avides de combats et d’engagements car vides d’identité symbolique et de colonne vertébrale. 

Le camp du Bien est une religion politique, comme l’islam politique avec lequel il forme un couple parfait, il a ses adeptes, ses gourous, ses saints, ses évêques, ses cardinaux ses curés, ses imams, ses procureurs, sa police de la pensée, ses services de renseignements, ses indics, ses tribunaux et ses universités. 

Le camp du Bien est en guerre contre le camp des autres, il lui a déclaré la guerre, c’est une cruelle évidence.

Or il ne s’agit plus d’un clivage traditionnel gauche/droite, mais d’un clivage civilisationnel nourrit et irrigué par l’antagonisme entre la pulsion de vie et la pulsion de mort, le respect de soi, l’intégrité et la haine de soi, le nihilisme, le souverainisme et le mondialisme débridé. 

Cette guerre est celle d’Eros contre Thanatos délétère, c’est celle de la lumière contre les ténèbres.

Mais c’est aussi la guerre de la raison contre l’émotion, une guerre qui oppose le réel à l’opinion, les faits à leurs représentations, à leur interprétation, la carte au territoire. 

Et cette guerre est mondialisée.

Autant le savoir.

© Michel Rosenzweig

Michel Rosenzweig est philosophe et psychanalyste

Quitter la version mobile