Tribune Juive

Matthieu Pigasse, chevalier blanc ou complice par complaisance ? Par Paul Germon

Il aime se présenter en Zorro des temps modernes, banquier rebelle, mécène éclairé, résistant à la montée de l’extrême droite. Son terrain de jeu : les médias, les festivals, la musique. Son credo affiché : la liberté. Matthieu Pigasse, banquier d’affaires devenu magnat culturel, se rêve en garant d’un espace public où tout peut s’exprimer. Mais à force de brandir la bannière de la liberté, ne ferme-t-il pas les yeux sur ce qu’elle abrite ?

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L’empire culturel d’un financier

Des Eurockéennes à Rock en Seine, de Radio Nova aux Inrockuptibles, Pigasse tient des leviers puissants. Il décide qui monte sur scène, qui s’imprime, qui diffuse. Ce rôle de passeur culturel pourrait être noble, s’il n’était pas si sélectif dans ses indignations. Quand le préfet interdit Freeze Corleone, rappeur dont les textes sentent le soufre antisémite, Pigasse vole à son secours au nom de la liberté. Même posture avec le groupe irlandais Kneecap, militant anti-israélien revendiqué. Liberté, liberté chérie… mais jamais un mot sur la haine distillée dans ces refrains.

Liberté d’expression ou impunité ?

L’argument est toujours le même : on ne censure pas les artistes. C’est confortable. Cela permet de se draper dans une toge de défenseur des Lumières, tout en donnant tribune à ceux qui banalisent la haine. Pigasse n’est pas dupe. Mais il choisit le silence sur le fond. Ce silence n’est pas neutre : il est une forme de caution.

Leçon d’histoire oubliée

Pigasse, qui aime manier les symboles, connaît-il vraiment l’histoire qu’il invoque ? Dans les années 1930, de puissants industriels allemands ont financé Hitler, non par conviction antisémite, mais par intérêt ou par peur du communisme. Ils se sont persuadés qu’ils contrôlaient le monstre, qu’ils pouvaient utiliser sa force sans être éclaboussés par sa haine. On sait ce qu’il en est advenu. Faire fi du contenu idéologique au nom de la logique économique ou de la “liberté”, c’est une vieille histoire, et elle s’est terminée dans le sang et la honte.

Un Soros à la française ?

Pigasse joue au petit Soros. Argent, réseaux, médias, festivals : il tisse une toile. Sa cause officielle : combattre l’extrême droite. Sa pratique réelle : offrir micro et projecteurs à des voix dont l’antisémitisme n’est plus un simple dérapage, mais un fonds de commerce. Il ne s’en cache pas : ce qui l’intéresse, c’est de « secouer », d’ouvrir des espaces, de casser les tabous. Mais quand ces tabous sont ceux de la haine, quand le “choc” devient complaisance, quand l’excuse de l’art couvre la rhétorique la plus rance, le progressisme devient duplicité.

Conclusion : le piège de l’innocence affichée

Pigasse est trop intelligent pour ignorer ce qu’il fait. Comme les industriels allemands des années 30, il croit peut-être jouer avec le feu sans se brûler. Mais l’histoire ne pardonne pas la complaisance. Derrière le masque du chevalier blanc, il reste une question : jusqu’où la liberté qu’il brandit comme étendard sert-elle d’alibi à des expressions qui sapent les fondements mêmes de cette liberté ?

© Paul Germon

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