Tribune Juive

Louise Gaggini. Du 11/9 au 7/10. De la douleur des hommes frappés par le terrorisme islamique

De la Douleur des Hommes

11 septembre, 9 h du matin.

Il fait beau sur New York. L’été a du mal à finir et traîne, lumineux dans le ciel de Manhattan. Au bord du Potomac, entre ombrelles, cafés et restos, Washington a des allures de vieille Europe, et dans les têtes de chacun, ce jour-là, des choses comme nous en avons tous : dîner du soir, reprise des cours pour les enfants, que faire dimanche si la chaleur persiste, inviter des amis, des soucis pour le travail, pour le Moyen-Orient, Israël, la Palestine, les Talibans, l’injustice, l’augmentation des prix, le chômage, la maladie peut-être? 

Des choses probablement très ordinaires, mais communes aux hommes, la vie quoi, avec ses soucis, ses tracas, ses bonheurs aussi.

Et puis,

Et puis c’est arrivé.

A Paris c’était encore la cohue de la rentrée ; les gamins piaillaient avec leurs listes dans librairies, les embouteillages avaient reconquis les rues. 

Un ciel déjà gris annonçant un automne trop précoce m’a fait pester contre cette saloperie de couche d’ozone qui jouait les filles de l’air, et je suis montée dans ma voiture en me demandant pourquoi je ne vivais pas ailleurs. 

Dans la voiture les infos annoncèrent du mauvais temps sur le nord, et du soleil au sud. Ma pensée vagabondait, légère, sans densité, je pensais à ma fille, au nouveau cours de danse d’Anaïs. La radio parlait de violence, des enfants, d’Israël, le mot kamikaze me ramena à la discussion du dimanche précédent avec Marie à qui j’avais tenté d’expliquer combien les fanatismes étaient dangereux, la pluie s’était remise à tomber, j’avais des textes à écrire.

J’ai imaginé avec plaisir une tasse de thé, mon ordinateur et le papier que j’allais rédiger sur l’horreur des « camisoles chimiques » que l’on fait à nos anciens, à nos vieux, dans les centres hospitaliers…

Et puis, 

Et puis c’est arrivé. 

Voiture garée devant ma porte, l’info proposa un flash spécial : une tour de Manhattan venait d’être percutée par un avion. 

J’ai ouvert la maison, allumé mon téléviseur sur LCI, et là en live, en direct comme on dit dans notre jargon de journaliste, j’ai vu la tour s’enflammer et puis l’autre tour être percutée. 

Je voyais les gens au sol qui couraient, la panique sur la ville, la poussière, les pompiers, les sirènes, les cris, le feu, la peur, l’embrasement… la guerre ?

Dans un fauteuil confortable, dans l’abri douillet de ma maison, je voyais à quelques mètres de ma main, sur l’écran, des blessés et les tours effondrées, j’imaginais les corps broyés, les souffrances, j’aurais pu les toucher, les aider, mais si la communication permet de voir, elle ne permet pas encore de se transporter ou de se téléporter. 

Je ne pouvais rien faire. 

Rien pour secourir, rien pour relever ceux que je voyais au sol ; ils étaient à quelques mètres de moi, pris entre feu et pierres, et j’étais impuissante et terrifiée de l’être. 

J’ai entendu les mots terrorisme, kamikaze, bombe, et je suis devenue morte avec les morts, hurlante avec les blessés, parce que ça, cette horreur absolue où le sang et la chair avaient amalgamé la pierre et fait corps avec la ferraille, était le fait de l’homme ? 

L’annonce presque immédiate de l’attentat sur le Pentagone ne pouvait plus augmenter ma détresse.

Ce 11 septembre 2001 ma vie a basculé avec celle sans doute de millions d’autres vies dans le monde. 

L’histoire des hommes est jalonnée de morts et de guerres, mais il y avait ce jour-là, quelque chose de différent ; une dimension se dégageait des décombres et montait vers le ciel obscurcit et noir de fumée : la folie.

Dans l’azur d’un été qui flemmardait le 11 septembre 2001, New York et Washington comptabilisèrent des milliers de morts, de blessés et de disparus. 

« L’apocalypse », dirent ceux qui s’attachaient au divin, « la guerre », dirent les autres, le choc des cultures et des idéologies, l’Orient contre l’Occident, l’Islam contre la chrétienté !

Chacun dans son monde, selon sa peine, sa peur ou sa culture, développait les attitudes à avoir, les sanctions à prendre.

Pourtant les dernières années, le terrorisme avait, sinon été permis, en tous les cas été compris. On parlait politique, on expliquait les frustrations, on cautionnait même les assassinats sordides d’enfants dans les bus. Les désespoirs entrevus cautionnaient les actions les plus terribles, que ce soit en Irlande, en Espagne, en Israël ou des kamikazes se faisaient sauter dans des écoles où jouaient des enfants.

Mais, avec l’horreur qui frappa les États Unis d’Amérique, le pays le plus puissant du monde, le plus à l’abri derrière ses forces visibles et invisibles, les hommes des autres états libres du monde, prirent soudain intimement conscience du mot « terrorisme » qui ne fut plus juste un mot pour désigner des actes couverts par des justificatifs humanitaires ou politiques dans des pays plus ou moins développés, plus ou moins pauvres et démunis. 

Le « terrorisme » pouvait atteindre chacun, n’importe où. 

Le 11 septembre 2001 le mot « terroriste » prit son amplitude terroriste. Chacun perçut enfin sa structure et les menaces qu’il contenait.

Pas de privilège pour les innocents, ni pour les enfants, ni pour personne. Attenter à la vie, apporter la mort, à n’importe quel moment, à n’importe quel endroit, à n’importe qui, puis par le truchement de ces terreurs suspendues, installer la peur et l’utiliser pour maîtriser, gagner, prendre, s’approprier… mais quoi ? » Les autres civilisations ? 

Les tragédies du 11 septembre 2001 et du 7 octobre 2023 sont à approcher. La barbarie du terrorisme islamique dont les cibles sont civiles et non militaires a obligé les USA et Israël à modifier leurs paradigmes sécuritaires respectifs. 

L’Amérique a, pendant plus de 10 ans, sur tous les continents, traqué Ben Laden et ses complices jusqu’à les éliminer sous le regard d’une planète fraternelle. 

Alors qu’Israël, dès le 8 octobre, le lendemain du massacre qui l’a atteint sur son territoire, dut faire face à une planète devenue pro Hamas, quels que soient les mots alibis utilisés pour détruire le détruire, dans un renversement des rôles annoncé depuis des décennies, mais non pris en compte, pour cause d’un peu d’arrogance et de beaucoup d’incrédulité : qui pouvait imaginer que la barbarie serait glorifiée au détriment de la démocratie et le meurtre à celui de la paix ? 

Depuis, Israël attaqué, blessé dans sa chair autant que dans son existence, s’est souvenu le 7 octobre 2023 de son « Plus jamais ça » qui l’avait poussé à la résistance contre les pays arabo musulmans qui pendant des décennies avaient tenté de le détruire, mais aussi à rechercher tous les chefs nazis enfuis et installés dans des pays complaisants.

Son action pour retrouver les membres du groupe Septembre noir, des Palestiniens qui avaient assassiné 11 athlètes israéliens pendant les JO de Munich en 1972, avait frappé les esprits par sa détermination. 

Le 7 octobre est une césure irréversible entre la volonté de paix d’Israël, constante depuis sa création, et son existence menacée. Elle marque la fin d’un statu quo où il espérait contenir les haines. 

Le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, la Syrie, l’Iran et hier Doha, participent de cette césure. 

Bien au-delà d’une simpliste vengeance, effacer les chefs des terroristes est pour Israël une obligation pour éviter la récurrence, et une forme d’accoutumance aux agressions et à ses conséquences, révélée par l’indifférence de l’Europe et d’une partie du monde, depuis le 7 octobre. 

L’attaque sur Doha par les Israéliens est justifiée et cohérente. 

On ne discute plus avec les terroristes, on les élimine. 

L’Amérique l’a fait après le 11 septembre 2001, la France l’a fait après le Bataclan en participant à la destruction de l’EI et en rasant Mossoul et Raqa, 

Israël le fait aujourd’hui parce que son existence en dépend. 

Pour conclure, l’Occident, avec Arafat, a tenté la diplomatie et la paix au Moyen-Orient, mais l’Occident ne connait pas le monde arabo-musulman, et alors qu’il croyait l’amener à la conciliation, celui-ci a nourri des monstres et les a diffusés dans tous les recoins des Institutions, des universités et des gouvernements. Les foules hypnotisées et comme ensorcelées se sont mises à les adorer comme des sauveurs, laissant les tentacules s’enrouler autour de leurs nations, étouffant la raison et semant la discorde. 

Les terroristes dévorent l’humanité tout entière, laissant derrière eux des terres stériles, de la violence et du chaos. 

Nous le savions, mais nous l’avions oublié : « On ne discute pas avec les terroristes ! »

© Louise Gaggini

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