Tribune Juive

La Flottille ou la liturgie de la haine. Par Charles Rojzman

La flottille pour Gaza n’est pas un geste politique, encore moins une mission humanitaire : elle est une messe noire, une liturgie de la haine travestie en compassion. Chaque embarquement, chaque voile hissé sur les eaux de la Méditerranée, chaque slogan répété comme une prière, compose un rituel morbide où Gaza est offerte au monde comme hostie et où Israël est désigné comme bourreau. Les visages de Greta Thunberg ou de Rima Hassan, vierges médiatiques consacrées par les foules, ne sont pas là pour analyser ni pour secourir : ils sont là pour incarner l’innocence, pour donner à la haine une figure pure, intouchable, sacrée. L’Occident se rachète ainsi à bon marché : en élevant Gaza au rang de victime christique et en assignant Israël au rôle de démon.

Peu importe le Hamas, ses tunnels, ses arsenaux, son projet totalitaire : la flottille efface tout. Peu importe que les dirigeants de Gaza vivent dans le confort tandis que leur peuple sert de bouclier humain : la flottille gomme la réalité pour imposer le mythe. Car l’antisionisme n’a jamais été une politique, mais un culte. Une dramaturgie immuable, comme une Passion inversée : le Palestinien en Christ, l’Israélien en bourreau romain.

La projection de l’innocence et du mal

L’antisionisme n’est pas une opinion. C’est une psychose collective. Israël est condamné à incarner la mère monstrueuse, saturante, dévorante. Les Palestiniens sont transfigurés en victimes pures, enfants innocents, agneaux du sacrifice. Le conflit cesse d’être historique : il devient métaphysique.

En défendant Gaza, l’Européen croit défendre la justice. En réalité, il se défend lui-même : contre son passé colonial, contre sa culpabilité, contre son vide spirituel. Le Palestinien est son icône expiatoire, son instrument de salut. Israël est son démon. Haïr Israël, c’est se sauver soi-même.

L’accusation de génocide

C’est pourquoi, dès le lendemain du 7 octobre 2023, alors que les villages israéliens fumaient encore des cadavres égorgés, on criait déjà « génocide » dans les rues d’Europe. Ce mot n’était pas description, mais condamnation. Il effaçait les enfants assassinés, les femmes violées, les vieillards brûlés vifs. Il inversait l’ordre des choses : les bourreaux devenaient victimes, les victimes bourreaux.

« Génocide » : non pas un diagnostic, mais une incantation. Non pas une analyse, mais une arme. Ce mot magique permet de damner Israël, de l’exclure de l’humanité, de faire de sa survie un crime. Il est la clef de voûte du récit antisioniste : Israël, exterminateur ; Gaza, peuple crucifié.

Khaybar ou le retour du glaive

À ce mot occidental s’ajoute un autre, plus ancien, plus brûlant : Khaybar. Dans les rues de Paris, de Londres, de Berlin, on entend : « Khaybar, Khaybar, ya yahoud, jaysh Mohammed sa-ya‘oud ». Khaybar, Khaybar, ô Juifs, l’armée de Mahomet reviendra. Ce n’est pas un slogan : c’est une invocation, un souvenir sanglant devenu promesse.

En 628, l’oasis juive de Khaybar fut prise par l’armée islamique : les hommes massacrés, les femmes réduites en esclavage, les survivants soumis à tribut. Cet épisode, glorifié dans la mémoire coranique, scella le destin des Juifs : tolérés comme vaincus, jamais libres, encore moins souverains.

Lorsque ce nom est scandé aujourd’hui, il dit que l’histoire n’est pas finie. Il dit que chaque victoire israélienne est une insulte au Prophète, que chaque soldat juif est une gifle à l’islam, que chaque kibbutz est une injure à Khaybar. Khaybar est la nostalgie d’un ordre perdu : celui où les Juifs vivaient à genoux. C’est le rêve d’une soumission rétablie, la promesse d’une extermination différée.

Ainsi, « génocide » et « Khaybar » se rejoignent : l’un accuse Israël d’être le bourreau, l’autre promet sa destruction. L’Occident expie ses fautes en condamnant Israël, le monde islamique nourrit son humiliation en rêvant d’en finir. Deux voix, un seul chœur : Israël doit disparaître.

Les prêtres de la haine

Ce culte a ses prêtres. Intellectuels, journalistes, universitaires : ils offrent à la haine ses oripeaux conceptuels, ses justifications théoriques. Mais les grands officiants sont les politiciens. Mélenchon, par exemple, n’est pas un simple tribun : il est le célébrant d’une messe noire. Il sait que le mot « Palestine » rassemble les rancunes postcoloniales, les humiliations sociales, les haines religieuses et les obsessions antisémites. Il sait que Gaza est une hostie capable de fédérer les foules.

Sa parole n’analyse pas : elle maudit. Elle ne cherche pas la vérité : elle condamne. Elle ne connaît pas le doute : elle ne vit que de la certitude de l’innocence d’un camp et de la monstruosité de l’autre. Ainsi Mélenchon parle comme un prêtre, mais d’un culte infernal : Israël est l’abomination, Gaza est l’hostie.

Conclusion : la haine d’une résurrection

La flottille pour Gaza, l’accusation de génocide, le cri de Khaybar : trois stations d’un même chemin de croix inversé, où le Palestinien prend la place du Christ et l’Israélien celle du bourreau. Ce chemin n’a qu’un but : la crucifixion finale, c’est-à-dire la disparition d’Israël, solution finale travestie en justice universelle.

Ce n’est pas un État que l’on combat, mais une impossibilité : qu’un peuple promis à la mort ait refusé de mourir, qu’il soit revenu sur sa terre, qu’il se soit donné une armée et une puissance. L’antisionisme n’est pas la critique d’Israël : il est la haine d’une résurrection. Et cette haine, parce qu’elle se croit morale, n’a plus de limite. Elle est la maladie terminale d’un monde sans Dieu, qui a besoin d’un démon à immoler : Israël, figure insupportable d’un peuple qui a survécu.‌‌

© Charles Rojzman

Quitter la version mobile