
En réponse aux multiples attaques des Houthis du Yémen, Israël a passé la vitesse supérieure en éliminant de hauts responsables du groupe terroriste. Un message adressé directement à Téhéran.
Depuis leur prise de pouvoir dans le Nord-Ouest du Yémen, les rebelles chiites Houthis déstabilisent le pays, le Moyen-Orient, la libre navigation et 15% du commerce mondial, au profit de leurs mentors à Téhéran. Sous prétexte de soutien au Hamas, après le 7 octobre, ils ont attaqué à de nombreuses reprises, des objectifs civils en Israël qui avait répondu jusque-là en visant des infrastructures militaires. Les avertissements n’ayant pas porté, Jérusalem a changé de stratégie en ciblant directement la tête du mouvement terroriste portant ainsi un coup décisif à l’un des derniers proxys de la Théocratie chiite.
Les Houthis, proxys des mollahs perses
Les Houthis ont été armés et formés par la République islamique d’Iran. Aux côtés du Hamas ou du Hezbollah, ils font partie de « l’axe de la résistance » contre les USA, Israël, les occidentaux et les pays arabes sunnites. Leur atout majeur est le contrôle du détroit stratégique de Bab el Mandeb reliant la mer Rouge au golfe d’Aden. Pourtant, c’est le soutien à Gaza qui a permis aux terroristes yéménites de sortir de l’anonymat. Ni l’attaque des infrastructures pétrolières saoudiennes, ni les menaces contre la libre navigation et le commerce mondial n’avaient permis aux miliciens chiites de faire durablement la « une » des médias.
Stratégie de la citadelle
Comme à Gaza ou au Liban, des bunkers souterrains ont été construits pour protéger les responsables, leurs armes et équipements militaires de valeur. Se croyant à l’abris et suffisamment à distance de l’Etat hébreu, ils ont multiplié les menaces, les attaques contre les navires commerciaux et les tirs de missiles balistiques ou de drones. En réponse, une coalition internationale, dirigée par les USA, a été mise en place comprenant plus de 20 pays dont les modalités d’intervention sont variables en fonction des participants. Les résultats sur le trafic maritime restent cependant limités et la majorité des compagnies a décidé d’éviter cette région, en passant par l’Afrique du Sud (Cap de Bonne-Espérance). Les impacts sont majeurs avec un allongement du trajet de 10 à 15 jours, une augmentation des couts de fret, et une perturbation de l’approvisionnement mondial.
« Le bras long d’Israël »!
De l’aveu même du Mossad, jusqu’à très récemment, le Yémen restait un angle mort. Ce vide a été rapidement comblé par les services de renseignement, avec une précision chirurgicale. Israël a attendu un rassemblement des officiels du régime Houthi, dans la capitale Sanaa, pour réaliser une attaque ciblée décisive comprenant plusieurs objectifs, à l’image des précédents à Beyrouth et Téhéran. Quasiment tout le gouvernement de la milice terroriste, dont le premier ministre, Ahmad Ghaleb al-Rahwi, des militaires de haut rang ont été éliminés et des dépôts d’armes anéantis. Même si les Houthis jurent de se venger, comme avant eux le Hezbollah, les mollahs et les Gardiens de la révolution, il s’agit d’une perte considérable qui ne peut que les affaiblir durablement. Les représailles se limitent pour l’heure à quelques tirs de drones et de missiles, l’attaque d’un navire, et à l’enlèvement de 11 employés de l’ONU.
Il s’agit d’une opération d’une complexité inouïe, à plus de 2000 km de distance qui n’a pu être réalisée sans complicités intérieures, et coopération avec des pays tiers ou la coalition, sur tout le trajet. Malgré le narratif sur Gaza, cela met en lumière la réalité d’un nouveau Moyen-Orient qui si d’un point de vue diplomatique n’est pas encore officialisé, fonctionne déjà au niveau opérationnel pour redéfinir les rapports de force face à l’ennemi commun à Téhéran.
Après Sanaa, Téhéran ?
Les USA, Israël et les occidentaux ont donné une chance à l’Iran des mollahs de rependre le chemin des négociations sur son programme nucléaire militaire, après la guerre des 12 jours, afin d’éviter un nouvel embrasement et de faire souffrir inutilement la population. Au lieu de cela, le régime a choisi la surenchère, tant sur le plan de l’enrichissement de l’uranium, que militaire, et dans le soutien au terrorisme. En interne, la répression s’est accrue avec un chasse frénétique aux espions sionistes et le nombre d’exécutions flambe.
Un nouveau round semble inéluctable. Comme la survie de la Révolution islamique est en jeu, on peut gager que le champ de bataille ne se limitera pas à Israël. Il sera élargi, multi-fronts et asymétrique. Les intérêts américains, et plus largement occidentaux, seront visés. Comme l’Europe est déjà un théâtre d’opération, avec l’implication des drones perses fournis à la Russie dans le conflit en Ukraine, les attentats, les enlèvements et les cyberattaques, il est désormais temps de donner un contour politique clair en rassemblant tous les acteurs face à l’ennemi commun et mettre un terme définitif à ses ambitions nucléaires.
Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Il est Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».
