
Léon Ashkénazi, célèbre philosophe et rabbin français, artisan du renouveau de la pensée juive dans la France de l’après-guerre, affirmait que juifs et chrétiens se disputaient le ciel tandis que l’islam revendiquait la terre. Le premier conflit était théologique alors que le second était territorial. L’Église se pensait alors comme le « véritable Israël ». Nous étions alors à une époque où « l’enseignement du mépris » de l’Église commençait sa mue vers un « enseignement de l’estime » du judaïsme (Jules Isaac).
Plus d’un quart de siècle plus tard (Ashkénazi est mort en 1996), avec le terrorisme islamiste qui n’épargne aucun pays, on peut soutenir que cet acteur majeur du dialogue entre les religions monothéistes, a vu juste dans son analyse des rapports entre l’islam et le judaïsme. Notre Occident sécularisé fait preuve, quant à lui, d’un aveuglement en déniant tout caractère religieux au conflit entre israéliens et palestiniens, et plus largement entre l’Occident et le monde arabo-musulman. Nier le réel ne le fait pas disparaitre.
La France se voit encore plus mal lotie avec sa laïcité, qui force l’admiration par sa contribution au vivre ensemble, mais qui constitue une exception, y-compris sur le Vieux Continent. Cette laïcité a pour effet pervers d’occulter trop souvent le facteur religieux des conflits. Il est vrai que cette matrice rend insoluble le conflit entre le sionisme, laïc ou religieux, c’est-à-dire entre le retour du peuple d’Israël sur la terre biblique de ses ancêtres, et le dar al-islam, qui considère cette terre comme un territoire de l’islam. Cette interprétation largement répandue en monde arabo-musulman, se voit instrumentalisée à l’extrême par les tenants d’un islam radical, dont le Hamas, branche des Frères musulmans. En ce sens, un certain islam débouche sur un antisionisme virulent.
Les Accords d’Abraham (2020) constituent la preuve qu’en islam, une reconnaissance de l’État d’Israël est possible. Si les Palestiniens n’ont pas été associés à ces Accords, c’est précisément parce qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur volonté de changement. Un État palestinien n’est envisageable que si le Hamas est évincé de Gaza, si les otages vivants ou morts sont rendus à leurs proches et si l’État d’Israël se voit enfin reconnaitre son droit à exister.
En 2017, année de son élection à la présidence de la République, M. Macron déclara solennellement, lors de la commémoration de la Rafle du Vel d’Hiv, que l’antisionisme devait être assimilé à l’antisémitisme. Dans la mesure où la majorité des Palestiniens n’ont pas accepté l’existence d’une présence juive en ces terres, on peut raisonnablement penser qu’ils sont antisionistes et donc antisémites. Les bourreaux du 7 octobre ne massacraient pas des Israéliens mais des Juifs. Depuis, aucune voix palestinienne ne s’est faite entendre pour les dénoncer ou révéler où se trouvent tout ou partie des otages retenus à Gaza.
Le raisonnement par syllogisme est sans équivoque : Reconnaitre aujourd’hui un État palestinien représente un acte antisémite puisque l’État qui serait reconnu – dont on peine à voir les contours – serait fondamentalement antisioniste et donc antisémite.
© Michel Azoulay
M. Michaël Azoulay, rabbin de la communauté juive de Neuilly-sur-Seine, Rabbin de la communauté de Neuilly sur Seine