L’Édito de Nataneli Lizee. « En réponse aux déclarations d’un Thomas Guénolé »

Il est des déclarations qui, à force de se draper d’héroïsme, finissent par révéler leur nature. Celle de Thomas Guénolé, embarqué sur la Global Sumud Flotilla, relève de ce théâtre : l’affiche se veut humanitaire, la pièce est politique, la chute est pure rhétorique.

Tout commence par les mots. « Forces d’Occupation Israéliennes » : trois syllabes qui condamnent avant de décrire, trois mots qui transforment une armée protégeant ses civils en criminelle par essence. C’est un cas d’école de propagande par inversion morale : transformer la souveraineté en forfait, la défense en crime. Or le droit international est clair : en 2011, le « rapport Palmer » mandaté par l’ONU a reconnu la légalité du blocus naval israélien au regard du Manuel de San Remo, tout en critiquant certaines modalités d’interception. Autrement dit : il existe un débat juridique, pas une vérité militante univoque. Présenter ce blocus comme « illégal par essence » relève du slogan, non du droit.

Puis vient la posture. À l’annonce d’une interception, Guénolé promet une grève de la faim illimitée. Le geste se veut sacrifice, il n’est que calcul. C’est la mécanique bien connue de la stratégie victimaire : non pas nourrir les affamés, mais se priver pour nourrir les caméras. La souffrance devient slogan, la compassion une arme. Et l’ironie — « inutile de nous apporter vos sandwiches » — parachève ce théâtre de la provocation : réduire une opération de sécurité maritime à une farce de cantine, tourner en ridicule l’État qui agit conformément à son droit.

Mais le cœur du procédé est ailleurs : l’inversion accusatoire. Le blocus est désigné comme la cause première, le terrorisme du Hamas relégué en bruit de fond. L’État qui défend ses citoyens est criminalisé ; l’organisation terroriste qui tient Gaza d’une main de fer disparaît du récit.

Cette manipulation prospère parce qu’elle s’adosse à une humanité à géométrie variable. Où sont les indignations médiatisées quand le monde s’embrase ailleurs ? En République démocratique du Congo, 7,8 millions de déplacés, villages rasés, famine : aucune flottille n’appareille pour Goma. Au Yémen, 19,5 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire : aucun happening nautique, aucune grève de la faim télégénique. En Ukraine, juillet 2025 a enregistré le plus haut nombre de victimes civiles depuis mai 2022, sans flottille de solidarité. En Afghanistan, plus de 1 400 morts lors des récents séismes, des villages pulvérisés : quelle bannière pour ces vallées sans mer ?

Dire cela ce n’est pas hiérarchiser les douleurs, mais dévoiler le parti pris. L’humanité véritable ne choisit pas ses larmes ; la propagande sélective, si.

Quant à Thomas Guénolé, son parcours éclaire sa démarche. Autrefois « éditorialiste insoumis », il a rompu avec LFI, multiplié les tribunes, puis trouvé refuge dans les talk-shows de confrontation, de TPMP à Sud Radio, jusqu’à réclamer l’interdiction du RN. Un itinéraire documenté, qui dit moins la constance d’une conviction que la quête d’une scène. Sa mobilisation sur Gaza est réelle ; ses engagements comparables sur la RDC, le Yémen, l’Ukraine ou l’Afghanistan, introuvables. On ne plaidera pas la girouette, mais l’évidence : une indignation sélective, proportionnelle à l’écho médiatique.

Demeure l’essentiel. On peut critiquer Israël, débattre de ses moyens, discuter du droit de la mer : c’est le privilège des démocraties. Mais on ne peut pas faire passer une mise en scène pour une mission de secours. La Global Sumud Flotilla n’est pas la Croix-Rouge : c’est une opération de communication. Son objet n’est pas l’aide, mais l’image ; non la paix, mais le récit.

Israël, comme tout État, a le droit et le devoir de protéger ses frontières, surtout face au Hamas, qui détourne l’aide, creuse des tunnels au lieu de bâtir des écoles, envoie des roquettes au lieu de soigner ses malades. Refuser ce droit, c’est légitimer les bourreaux et travestir les victimes.

Voilà pourquoi la déclaration de Thomas Guénolé ne saurait être reçue comme un cri d’humanité, mais comme ce qu’elle est : une mascarade politique, une inversion accusatoire, une indignation sélective. Défendre la justice, ce n’est pas travestir le réel. Défendre la vie, ce n’est pas soutenir ceux qui la piétinent.

Au bout du compte, la force d’un combat se mesure à ce qu’il refuse de sacrifier : la vérité des faits, la cohérence des principes, la dignité des vies. Si l’on réclame l’universalité pour Gaza, qu’on la réclame aussi pour Goma, pour Saada, pour Kyiv, pour Kunar. Sinon, on ne défend pas l’humanité : on oriente l’indignation. Et la vérité, elle, n’a pas de géométrie.

© Nataneli Lizee

Nataneli Lizee est journaliste et correspondante de Presse

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