Tribune Juive

« Bruxelles n’est plus pour nous… Cela fait des mois qu’on le crie, dans le vide. Personne n’écoute »

Bruxelles: 1942 en 2025

Par Joël Rubinfeld, Président de la Ligue belge contre l’antisémitisme

Ce qu’ont vécu une femme juive et son fils de huit ans, vendredi dernier à la gare du Midi, glace le sang. Comme si, en un instant, ils avaient été projetés 83 ans en arrière, un jour d’été 1942 à Bruxelles.

Lisez et partagez le témoignage poignant de Maïté Lønne (voir plus bas).

Un témoignage qui s’adresse aux coupables et à leurs complices. Puisse-t-il leur mettre le rouge au front — à eux qui claironnent être du « bon côté de l’Histoire », alors qu’ils n’en sont que les miasmes.

Un témoignage qui s’adresse aussi aux boucliers, à ceux qui résistent. Puisse-t-il les encourager à rester du bon côté de l’Histoire — le véritable, celui qui compte peu d’adeptes en temps réel, mais dont tous se réclament une fois la Bête immonde défaite.

Un témoignage qui s’adresse enfin au silence des pantoufles, à ceux qui détournent le regard. Ouvrez les yeux, avant qu’il soit trop tard — s’il ne l’est pas déjà.

Et si vous ne le faites pas pour l’enfant de Maïté, faites-le pour les vôtres. Car les Juifs sont les canaris de la mine belge.

Témoignage de Maïté Lønne, publié le 29 août 2025 sur Facebook

« Arrivée à la Gare du Midi. Devant moi, un groupe de manifestants propalestiniens, brandissant des pancartes aux slogans antisionistes, parfois clairement antisémites. Des cris s’élèvent: «Intifada! Intifada!» Ça hurle, ça gronde, ça claque dans l’air. Mon fils, 8 ans, me tire la manche. Il lève les yeux vers moi, inquiet. — Maman, qu’est-ce qui se passe? Pourquoi il y a une étoile juive barrée? On ne veut pas de nous?

Je reste figée. Tremblante. Je ne sais quoi lui répondre. Mon regard balaye la foule, instinctivement, cherchant une issue… ou peut-être un repère.

Et puis je la vois. Cette amie. Très proche. Perdue depuis le 7 octobre. Elle me connaissait par cœur. Elle sait qui je suis, ce que je suis. Nos regards se croisent. Le sien est chargé de mépris. De haine froide.

Mon fils pose encore des questions, pointant une affiche, puis une autre. Je tente de répondre, de calmer ses peurs. Et là, mon ancienne amie me désigne du doigt, brutalement. Son visage se transforme. Elle change de ton, scande de nouveaux slogans, le regard planté dans le mien: «Sionistes dégage!» «Mort aux sionistes!»

Les autres manifestants suivent, sans même savoir pourquoi. Tous se tournent vers moi. Les slogans deviennent une clameur unanime. Une meute. Une vieille dame s’approche. Dans sa main, une photo d’un enfant squelettique. Elle s’adresse à mon fils, d’un ton accusateur: — T’as vu ce que les sionistes font aux enfants comme toi?

La peur me quitte, brusquement remplacée par une colère noire, incontrôlable. Les mots sortent tout seul. — Ne t’adresse pas à mon fils, connasse! Dégage!

Elle me toise avec dégoût et me répond par une salve de doigts d’honneur.

Autour de moi, la foule hurle. Mon fils me supplie de partir, tire sur mon bras. Mais je reste figée. Clouée sur place. Le cœur en miettes. Brisée par le regard de cette amie, par la violence soudaine, par cette sensation d’être devenue une proie. Un gibier désigné.

Et tu quittes, sous les applaudissements de la moitié de la gare…

Bruxelles n’est plus pour nous… Cela fait des mois qu’on le crie, dans le vide. Personne n’écoute ».

© Maïté Lønne

Quitter la version mobile