
En 1996, l’ULB inaugurait, au cœur du campus du Solbosch, un mémorial en hommage au Groupe G, ce réseau de résistance fondé par ses étudiants pour combattre l’occupant nazi.
En 2013, lors de mon premier cours de sciences politiques, le professeur Pascal Delwit nous rappelait, avec fierté, ce qui fait la singularité de l’Université libre de Bruxelles : le libre examen. Refuser les dogmes. Combattre l’obscurité. Débattre sur la base des faits.
Depuis 1834, telle est la devise de l’ULB : Scientia vincere tenebras. Vaincre les ténèbres par le savoir.
C’est avec cette promesse en tête que j’ai fait mes premiers pas à l’ULB. L’université n’était donc pas seulement un lieu d’apprentissage, mais un lieu où se vivaient les valeurs mêmes qui fondent la démocratie : raison, dialogue, vérité.
Certes, il y eut durant mon passage des débordements à l’encontre des étudiants juifs, mais toujours condamnés. Rien, pourtant, ne préparait à ce que les étudiants juifs allaient subir après octobre 2023. Soudain, l’antisémitisme s’est trouvé un masque : l’antisionisme.
Les autorités universitaires ont fermé les yeux. C’est réellement le début de cette histoire. Une chape de plomb est imposée. Vous êtes pour ou contre. Et si vous êtes contre, vous êtes forcément « du mauvais côté de l’histoire ». Pas de débat.
On se souvient du coût matériel de la destruction des bâtiments par la pseudo-université populaire, mais qu’en est-il du coût symbolique et idéologique pour une institution qui se voulait rempart contre l’obscurité?
Au nom de la liberté, on a censuré ou chahuté des conférences. Caroline Fourest, Elie Barnavi, pourtant voix de paix et de dialogue, en furent empêchés. Certains leaders politiques subissent systématiquement le même sort. La parole se verrouille.
Perplexité. Incompréhension. Que devient mon alma mater ? Les étudiants d’aujourd’hui ont-ils seulement entendu le cours de M. Delwit sur le libre examen ?
Hier, les étudiants de deuxième année de master en Droit et criminologie ont décidé de baptiser leur promotion du nom de Rima Hassan. Deux questions surgissent :
• Comment l’Université libre de Bruxelles peut-elle accepter qu’une telle mascarade se drape des atours de la démocratie ? Où sont les garde-fous, le cadre, la responsabilité ?
• Comment en est-on arrivé là ? Comment des futurs juristes, censés défendre demain l’État de droit, choisissent-ils une personnalité radicale et décriée, plutôt que des figures comme Typhanie Afschrift, Michèle Grégoire ou Gisèle Pélicot ? Comment oublier que Rima Hassan a refusé de soutenir la libération de l’écrivain Boualem Sansal, exigé de Zelensky qu’il cesse de défendre la liberté de l’Ukraine, ou qualifié le Hamas de « résistance armée légitime » ? Comment tolérer qu’une université, dont certains anciens étudiants furent impliqués dans des attentats terroristes ayant frappés notre pays, accepte qu’une promotion porte le nom d’une militante utilisant sans complexe le vocabulaire du djihadisme ?
Rima Hassan rêve d’un monde avec un pays en moins, non un pays en plus. Elle est poursuivie dans quatorze affaires, dont apologie du terrorisme. Le Parlement européen doit se prononcer sur la levée de son immunité.
Alors je m’interroge : que diraient aujourd’hui les résistants du Groupe G ? Que penserait Théodore Verhaegen ?
En acceptant cela, l’ULB, qui se dit libre, choisit de légitimer un discours de haine.
En acceptant cela, l’ULB renonce aux Lumières pour promouvoir l’obscurantisme.
En acceptant cela, l’ULB fragilise la confiance en sa capacité à rétablir la sérénité sur son campus.
En acceptant cela, l’ULB entache la neutralité de la justice de demain.
Nommer une promotion Rima Hassan, c’est saluer ses dires et ses actions. C’est soutenir des visions dogmatiques. C’est salir une institution, ses fondateurs et ses étudiants, passés, présents et futurs. C’est trahir nos valeurs de dialogue et de raison.
Je constate avec tristesse que l’ULB est une université née pour vaincre les ténèbres, et qu’elle choisit aujourd’hui de s’y complaire.
© Eitan Bergman
Promotion Aretha Franklin