Tribune Juive

Francis Moritz. L’après-Zelensky : quelles options ?

L’Histoire a commencé à s’écrire après l’épisode, soigneusement mis en scène, d’Anchorage.

Le centre-ville d’Anchorage, en Alaska
PHOTO : RADIO-CANADA / AZEB WOLDE-GIORGHIS

Les chancelleries s’agitent depuis la convocation de Zelensky, du Premier ministre britannique et d’une délégation européenne triée sur le volet. Le président Trump a évoqué une force de sécurité multilatérale dont les Européens assumeraient la charge totale (the burden). Cette effervescence contraste avec la versatilité du monde mediatico politique à l’égard de Washington, jusque là. Toute cette effervescence alors que rien de précis n’émerge actuellement, mais les chancelleries européennes s’affairent pour essayer de donner l’impression qu’elles sont à la manœuvre.

Les premières fuites laissent déjà entendre qu’une paix impliquerait pour l’Ukraine des pertes territoriales. L’Union européenne réclame une « paix juste », mais n’a guère voix au chapitre. L’histoire montre d’ailleurs que ceux qui gagnent une guerre ou négocient une paix ne restent pas toujours au pouvoir : Gorbatchev (Afghanistan, fin de la guerre froide), Bush père (guerre du Golfe), Truman, Churchill, De Gaulle, Golda Meir, Rabin ou plus récemment Biden après l’Afghanistan. En Ukraine même, Porochenko, qui géra la crise de Crimée et le conflit du Donbass, fut battu en 2019 par Zelensky.

S’il y avait un accord de paix ou de prochaines élections,

Zelensky avait promis la paix avant son élection. Pourra-t-il se représenter après 3 ans de guerre, avec un bilan qui comprendra pertes territoriales, des dizaines de milliers de morts, de mutilés, un pays exsangue, une dette massive pour plusieurs générations, des concessions sur les ressources naturelles, et pas d’adhésion à l’UE ni à l’OTAN ? Les électeurs devront choisir, tout comme les alliés occidentaux, influents dans ce processus.

Pour cela il faut d’abord suivre la saga de la 3ème brigade d’assaut ( ex Azov si souvent décriée, surtout par la Russie pour justifier la denazification) et celle de son chef charismatique, Andrix Biletsky dont l’itinéraire se confond avec celui de la Brigade. 

La saga de la 3ᵉ brigade d’assaut (ex-Azov)

Origines

Créée en 2022–2023 par fusion d’unités issues du bataillon Azov, la 3ᵉ brigade a pour ambition de devenir une force moderne et mobile. Le 24 février 2023, Zelensky lui remet officiellement ses couleurs.

Un parcours militaire intense

Engagée sur pl,U sieurs fronts majeurs, à Kherson, Bakhmut, dans le Donbass, à Kharkiv, Avdiivka et Lyman/Kupiansk, elle tient jusqu’à 60 km de front durant près d’un an — un record. Elle innove aussi : des soldats russes se sont rendus via des drones terrestres guidés par ses unités.

Ouverture et recrutement innovant

En mars 2025, la brigade crée deux bataillons internationaux, notamment avec des volontaires canadiens. Chaque mois, près de 900 recrues affluent grâce à une communication moderne et une sélection rigoureuse. Elle attire actuellement près de 900 volontaires chaque mois grâce à ses méthodes 

Évolution politico-stratégique de la brigade et de son chef

La brigade façonne l’opinion, attire la jeunesse et séduit même certaines firmes occidentales. Son fondateur, Andriy Biletsky, dirige désormais le 3ᵉ corps d’armée et s’affirme comme un leader militaire central.

La 3ᵉ brigade n’est plus seulement l’héritière de l’Azov : elle est devenue un modèle militaire réinventé, symbole de l’Ukraine nouvelle. Son fondateur Andrix Biletsky est reconnu comme un leader militaire influent et innovant, qui s’appuie sur des troupes aguerries. Elle incarne désormais un modèle militaire réinventé efficace, dotée d’un fort poids symbolique avec à sa tête un chef charismatique. La presse locale le décrit comme « organisateur rigoureux », « stratège innovateur ».

Le parcours d’Andriy Biletsky

De l’idéologue au chef de guerre

Avant 2014, Biletsky est une figure de l’extrême droite (Patriotes d’Ukraine, Assemblée sociale-nationale). En 2014, il fonde le bataillon Azov, réputé à Marioupol mais associé au label « ultra-nationaliste ».

La mue

Député entre 2014 et 2019, il échoue politiquement et retourne au combat. En 2022, il restructure Azov pour gommer son stigmate idéologique, créant la 3ᵉ brigade d’assaut.

Leadership organisationnel

Il impose discipline, sélection stricte et formation intensive. Sa brigade attire 20 000 volontaires, selon The Times. Charismatique, il allie traditions militaires, innovations (drones, guerre électronique) et communication digitale.

Ascension, le tournant

En mars 2025, la 3ᵉ brigade devient le noyau du 3ᵉ corps d’armée, commandé par Biletsky. Rare évolution : d’un chef de milice : il devient commandant intégré dans la structure officielle. Selon « Intelligence Online », il incarne une nouvelle élite militaire hybride, pesant sur la politique.

Controverse

Son passé idéologique le poursuit. Washington continue de bannir l’Azov originel de l’aide militaire, mais pas la 3ᵉ brigade. Ses soutiens le présentent comme un patriote réinventé.

Le changement de narratif autour d’Azov

 Le narratif devient : Azov défend l’Ukraine, pas une race.

Juifs et Azov

Un point souvent oublié dans les récits occidentaux : Des Juifs ukrainiens ont combattu dans Azov :

Argument repris par l’unité : “Nous ne sommes pas antisémites, la preuve : nos rangs sont ouverts.”

(Sources The Times, NYT)

Scénarios de succession à Zelensky

Andriy Biletsky

Le chef charismatique, mais handicapé par son image.

Valery Zaloujny

Le général respecté, mais sans relais.

Oleksandr Syrsky

Le général loyaliste, pas un tribun.

Kyrylo Budanov

Le stratège secret, séduisant pour les jeunes.

Comparatif

En cas de succession, Biletsky mobiliserait les vétérans et patriotes radicaux, mais Budanov et Zaloujny seraient mieux acceptés par les alliés occidentaux.

Conclusion

À la veille du 34eme anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine, son avenir reste largement incertain alors que la Russie ne semble pas prête à s’asseoir à la table des négociations, sauf à ses conditions, évoquées en filigranes durant la réunion en Alaska. Pour autant l’Union Européenne vient de verser quatre milliards d’Euros d’aide à Kiev.

Tous les peuples ont besoin de héros. La mémoire collective tend à effacer les mauvais souvenirs. L’après-Zelensky verra s’affronter figures militaires et politiques, chacune porteuse de promesses et de sacrifices. L’avenir de l’Ukraine dépendra autant des électeurs que des ukases de ses alliés, surtout vu d’Amérique.

Ainsi va le monde,

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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