Dans la nuit du 10 au 11 août, un drone de l’armée israélienne a ciblé et tué Anas Al-Sharif, journaliste de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera. L’armée israélienne s’est fait un devoir de fournir aux médias les informations et documents prouvant l’appartenance d’al-Sharif au Hamas : inscription sur une liste d’enrôlement du Hamas, participation à des séances d’entraînement terroriste, fiches de paie…
Anas al-Sharif constituait donc une cible militaire légitime.
Le droit international humanitaire (DIH) est clair : être encarté dans une organisation terroriste n’est pas compatible avec le statut de « journaliste » protégé par toutes les conventions internationales. Les mosquées, écoles et hôpitaux qui acceptent d’être aussi des dépôts d’armes, des quartiers généraux et des centres de tir deviennent éligibles au statut d’entité combattante.S’abonner
Les médias et le déni de réalité
Mais un immense déni de la réalité s’est mis en place.
Dès avant son exécution, le 24 juillet, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), a exhorté la communauté internationale à protéger Sharif, affirmant qu’Israël « diffamait » le « journaliste ».
Le 31 juillet, la rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression de l’ONU, Irene Khan, a déclaré que les accusations portées par Israël contre Sharif étaient infondées.
Après la mort d’Anas al-Sharif, les médias se sont déchaînés. Pour Mediapart,« Israël assassine six journalistes, dont le célèbre reporter Anas al-Sharif » ; « Il était la voix de Gaza », affirme Courrier International ; pour Le Monde, « Israël cible délibérément les journalistes » ; Le Point rapporte que le 7 octobre 2023, jour où le Hamas a massacré 1 200 hommes, femmes et enfants en Israël, Anas al Sharif a posté sur Telegram : « Neuf heures et les héros parcourent toujours le pays en tuant et en capturant… Dieu, Dieu, comme tu es grand. » Pas compatible avec le rôle d’un journaliste, mais pas de quoi « justifier une exécution sommaire », a estimé Le Point.
Ce déni n’a pas été propre aux médias français. Mélanie Phillips, journaliste et analyste politique réputée outre-Manche, a fait le même constat concernant la presse anglo-saxonne. « Sky News a salué al-Sharif comme une “voix journalistique cruciale” (…) ; AP (Associated Press) a affirmé qu’Israël n’avait pas “produit de preuves que al-Sharif avait dirigé une cellule du Hamas” ; Reuters a également déclaré qu’Israël n’avait divulgué aucune preuve ; Le New York Times a fait l’éloge d’al-Sharif en déclarant que “lui et d’autres journalistes d’Al-Jazeera sont devenus des symboles de la détermination à diffuser des informations sur la guerre et la situation dans cette enclave au monde arabe” ».
Comme l’a remarqué Honest Reporting, un organisme de lutte contre la désinformation, « les médias ont ignoré les preuves ». Mélanie Phillips a ajouté de son côté qu’« aucune preuve, aussi accablante soit-elle, n’a été autorisée à remettre en question le mensonge fondamental que les médias répètent à l’infini comme dans une chambre d’écho que les Israéliens sont des tueurs brutaux qui massacrent les innocents qui osent résister ».
La classe médiatique occidentale s’est donc alignée sur Al-Jazeera, une chaîne de télévision qui appartient aux dirigeants d’un État, le Qatar, qui n’a aucune tradition d’honnêteté dans l’information, ni aucune tradition de liberté d’expression. Les médias du monde entier se sont émus et indignés de la mort d’al-Sharif, un terroriste du Hamas, alors qu’ils n’ont montré qu’une compassion de façade envers Evyatar Davi (24 ans) et Rom Braslavski (21 ans), deux Israéliens capturés par le Hamas le 7 octobre 2023 au festival Nova et exhibés dans une vidéo, émaciés, vidés, déshumanisés dans un tunnel en train de creuser leur tombe.
Comme l’écrit Peggy Sastre dans Le Point : « Mettre en scène un otage mourant, c’est une déclaration d’ascendant. Une manière de dire : “Il se meurt, sous vos yeux et vous ne pourrez rien faire. Voyez ce que nous faisons et ce que vous ne ferez pas.”
Cette déclaration d’ascendant ciblait les Israéliens pour les briser. Mais le Hamas a sans doute voulu également vérifier que les médias occidentaux lui demeuraient fidèles.
Réinterpréter
Husayn Aboubakr Mansour, intellectuel égypto-américain, s’étonne – après d’autres -de cette alliance des médias occidentaux avec des organisations islamistes. Comment « des gauchistes occidentaux, laïques et progressistes autoproclamés, peuvent-ils défendre des mouvements djihadistes comme le Hezbollah et le Hamas » ?
Aboubakr Mansour n’a pas posé une question morale, mais une question politique.
Et la réponse qu’il y apporte est bien intéressante. Au sein de la gauche internationale, explique-t-il, « le rôle de l’intellectuel critique n’est pas de défendre les normes libérales universelles, mais de réinterpréter les événements – en particulier ceux issus des mouvements révolutionnaires de ce que l’on a appelé le Sud global – à travers le prisme de la théorie anticapitaliste et anti-impérialiste ».
Par « intellectuel critique », Aboubakr Mansour désigne cette « vaste constellation » de journalistes, militants, professeurs, mouvements politiques, partis et politiciens sympathisants… à laquelle s’ajoutent des infrastructures institutionnelles : ONG, organisations de défense des droits humains, agences de résolution des conflits, organismes de développement et médias internationaux comme Al-Jazeera.
« L’intellectuel critique occidental recadre les actions (du Hamas) comme une résistance légitime contre la structure mondiale de l’exploitation capitaliste et de la domination impériale » écrit Husayn Aboubakr Mansour.
Cette « réinterprétation » s’effectue dans un cadre conceptuel des années de guerre froide où Israël est perçu comme l’éperon d’un système capitaliste mondial qui exploite, pille et torture le Tiers Monde.
À partir de là, les médias ne perçoivent pas Anas al-Sharif comme un milicien membre d’une organisation islamiste totalitaire. Ils transfigurent le Hamas en mouvement de résistance et Anas al-Sharif devient « un témoin gênant » qu’une armée « génocidaire » a voulu faire taire.
Boucle de rétroaction
Cette « talking class1 » qui recadre les ignominies du Hamas en actes de résistance, fonctionne, ajoute Mansour, comme une « boucle de rétroaction ». Les terroristes islamistes captent qu’il existe en Occident des personnalités médiatiques qui défendent leur cause. Quand les forces américaines ont tué Oussama Ben Laden au Pakistan, elles ont trouvé dans sa chambre les ouvrages de l’intellectuel juif de gauche Noam Chomsky. Le Hamas sait que Judith Butler, universitaire et militante féministe bien connue, a estimé une fois que le Hamas et le Hezbollah faisaient « partie de la gauche mondiale ».
Le Hamas et l’ensemble des mouvements djihadistes savent qu’ils sont en osmose avec cet appareil idéologique qui influence nombre d’États occidentaux.
Le point le plus important, souligne Aboubakr Mansour, est que « cet appareil transnational n’a pas été conçu à Doha, ou à Kaboul. Il est une création occidentale. Son architecture théorique, sa culture opérationnelle et sa grammaire idéologique ont toutes été forgées dans les salles de séminaire, les maisons d’édition et les mouvements de protestation d’Europe et d’Amérique du Nord. »
Mélanie Phillips ne dit pas autre chose dans sa dernière chronique ! « Les médias agissent de concert avec les défenseurs des droits humains et les acteurs humanitaires, tous mobilisés pour propager des accusations de meurtre rituel contre Israël et ainsi favoriser la stratégie de tromperie instrumentalisée des islamistes. »
Ce à quoi nous assistons depuis le 7 octobre est l’instrumentalisation par le Hamas et le Qatar de cette constellation.
« Des acteurs étrangers – au premier rang desquels le Qatar – ont activement investi dans ce réseau, l’ont parrainé et l’ont étendu à presque toutes ses composantes. Leur rôle n’est pas celui d’architecte, mais de mécène fortuné. Ces cheikhs du Golfe misent lourdement sur ce qu’ils perçoivent comme le cheval de course le plus destructeur : un système de critique radicale d’origine occidentale, désormais transformé, grâce à leur soutien financier et politique, en un moteur mondialisé pour promouvoir leurs propres intérêts stratégiques », écrit Aboubakr Mansour.
Questions sans réponses
Anas al Sharif a été tué parce qu’Israël avait la preuve absolue que ce « journaliste » était d’abord un djihadiste.
- Mais comment agir vis-à-vis de ces journalistes qui ne sont pas affiliés au Hamas et qui diffament Israël en affirmant que ses soldats tirent sur les civils en quête de nourriture, organisent la famine à Gaza, génocident le peuple palestinien… ?
- Cette constellation du mensonge peut-elle être vaincue ?
- Cette constellation est-elle notre avenir ?
- Sommes-nous dans une phase de décomposition d’une société où les repères politiques et moraux perdent en visibilité, sans qu’aucun code nouveau les remplace ?
© Yves Mamou
Source: mamou.substack.com
Yves Mamou: Decryptages I Substack
https://mamou.substack.com/p/faut-il-flinguer-les-journalistes

Bonjour, faut il « flinguer » les successeurs de Joseph Goebbels? Sachant que « propagande » n’est pas de l’information, je serait tenté par le « oui »! Pour reprendre les dialogues de Michel Audiard « comment transformer un pisse copie en mange merde » comme par exemple les rédacteurs du journal communiste l’humanité ou médiapart. A la deuxième question je répond « oui » parce que toute réalité est « transitoire » et qu’une action salutaire est peut être nécessaire. Oui nous sommes dans une société en décomposition en raison notamment d’une ignorance crasse de l’histoire dans un Occident sans aucun idéal autre que le matérialisme spirituel quand il y a une spiritualité, décomposition lié également au repli des gens sur eux mêmes devant leur clavier d’ordinateur ou leur smartphone, ils ne sont plus nombreux à refaire le monde au bistrot comme avant ou l’opinion différente comme le point de vue était écouté et pris en compte et qu’il ne donnait pas lieu a insultes ou menaces. Les gens qui ne savent pas d’où ils viennent ne peuvent pas savoir qui ils sont, quand aux politiques ils ne regardent pas plus loin que leurs mandats en étant prêts à tout et n’importe quoi pourvu qu’ils soient réélus . Cordialement.
Les agences de presse, les journaux et médias audiovisuels savent parfaitement à qui ils ont affaire quand ils travaillent avec des « journalistes » ou « facilitateurs » palestiniens à Gaza. Ils le font en toute conscience, sans honte ni scrupule.