Palestine : pourquoi la solution passe par la Jordanie. Par Daniel Horowitz

La récente décision d’Emmanuel Macron de reconnaître un État palestinien, dans un geste à la fois solennel et creux, illustre la tragique illusion dans laquelle s’enferme une certaine diplomatie occidentale. Ce n’est là qu’un symbole de plus, aussi tonitruant qu’inefficace, ajouté à une série de déclarations similaires dans le monde — autant de postures déconnectées de toute réalité juridique, politique ou historique. En reconnaissant un « État » sans frontières définies, sans autorité légitime, sans continuité territoriale ni réelle souveraineté, le président français n’offre aux Palestiniens ni espoir ni perspective. Il perpétue, au contraire, leur enfermement dans une fiction destructrice. La seule solution viable, si l’on en cherche une véritable, passe aujourd’hui par la Jordanie. Tout le reste est théâtre.

L’idée d’un État palestinien souverain entre Israël et la Jordanie repose sur un déni de réalité. La Cisjordanie — ou plutôt la Judée-Samarie, selon sa dénomination historique — n’a jamais constitué un État. Annexée par la Jordanie en 1950, dans une démarche non reconnue par la communauté internationale, elle n’est revenue sous contrôle israélien qu’en 1967, à l’issue d’une guerre déclenchée par ceux qui contestaient le droit d’Israël à l’existence. Depuis lors, elle demeure un territoire disputé, qu’aucun État souverain ne peut revendiquer légitimement. La juriste Natasha Hausdorff l’a rappelé : en droit international, l’occupation suppose l’antériorité d’un État souverain — ce qui n’était pas le cas ici.

Or, la Jordanie reste l’absente des débats officiels, alors même qu’elle est au cœur du problème — et peut-être de sa solution. Elle constitue, de fait, l’État palestinien. La majorité de sa population est palestinienne, les liens familiaux avec la Cisjordanie sont nombreux, et jusqu’en 1988, elle revendiquait cette région comme sienne. Le roi Hussein y a renoncé, non pour faire la paix, mais pour se décharger du fardeau en alimentant un front anti-israélien. Ce renoncement a nourri un projet politique illusoire : celui de créer un second État arabe sur la terre d’Israël, non pas à côté d’Israël, mais à sa place.

Reconnaître aujourd’hui un tel État, comme le fait Emmanuel Macron, revient à cautionner ce mensonge. C’est ignorer que la Judée-Samarie fait partie du territoire sur lequel le mandat britannique de 1922, validé par la Société des Nations puis prolongé par l’article 80 de la Charte de l’ONU, reconnaissait aux Juifs le droit d’établir un foyer national. C’est fermer les yeux sur l’absence totale de légitimité démocratique des autorités palestiniennes — l’Autorité palestinienne n’organise plus d’élections depuis 2006.

Ceux qui plaident pour un État palestinien devraient d’abord regarder du côté de Gaza. Depuis le retrait israélien, ce territoire est devenu un foyer de violence, d’endoctrinement et de régression. Il n’y a aucune raison de croire que la même logique ne s’imposerait pas en Cisjordanie, livrée aux mêmes acteurs et à la même idéologie. L’idée que les Palestiniens seraient des pacifistes frustrés par des dirigeants extrémistes ne résiste pas à l’épreuve des faits. Comme dans toute société traversée par une pathologie collective, une part de la population participe, consent et se réjouit.

Il existe une voie raisonnable : reconnaître que la Jordanie est le cadre national des Palestiniens. Plutôt que de multiplier les proclamations stériles, la communauté internationale devrait encourager une solution fondée sur les réalités démographiques, culturelles et géographiques. Les zones à majorité juive en Judée-Samarie pourraient être intégrées à Israël et les zones arabes rattachées à la Jordanie — pays avec lequel Israël a un traité de paix, et qui pourrait offrir aux Palestiniens une citoyenneté et une dignité politique.

On pourrait objecter que la monarchie jordanienne craindrait cette perspective, perçue comme une menace pour la stabilité du régime. Revenir à la situation d’avant 1967 bouleverserait les équilibres internes d’un royaume majoritairement peuplé de Palestiniens. Ces réticences sont compréhensibles.

Mais elles ne sauraient occulter une vérité plus profonde, à savoir que toutes les issues au conflit exigent des concessions douloureuses, des mutations sociales et des renoncements politiques. Or, parmi toutes les options, celle de la Jordanie est la moins artificielle, la moins violente, et la plus rationnelle.

Les Palestiniens de Cisjordanie rejoindraient un État à majorité musulmane, avec lequel ils partagent la langue, la culture, l’histoire familiale et même, pour beaucoup, une citoyenneté passée — nombreux sont ceux qui possédaient encore un passeport jordanien avant 1988. Il ne s’agirait pas d’un exil, ni d’un déracinement, mais d’un retour à une réalité politique cohérente. Il s’agirait de sortir de cet entre-deux sans issue, qui ne sert ni Israël, ni les Palestiniens, ni la région.

Plutôt que de s’obstiner dans des solutions abstraites, il est temps de regarder du côté du possible. Le rattachement à la Jordanie ne résoudra pas tout,  mais dessinerait un horizon. Il permettrait de tourner le dos aux mythes et de s’atteler à la construction d’un avenir. Avec un peu de lucidité et beaucoup de courage politique, et peut-être l’appui des puissances occidentales et du monde arabe, cette voie — la seule qui conjugue réalisme historique et respect de la dignité humaine — mérite enfin d’être sérieusement explorée.

© Daniel Horowitz 

26 juillet 2025

https://danielhorowitz.com/blog/index.php/2025/07/26/palestine-pourquoi-la-solution-passe-par-la-jordanie

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