Tribune Juive

Chère Delphine Horvilleur… « Tu n’es pas claire. Là où il faudrait, simplement, dire : Je suis Juive, je suis sioniste, et ce peuple-là n’est pas le problème. Il est la cible ». Par L’Étoile de David

Chère Delphine Horvilleur,

Tu écris bien. Trop bien, peut-être. Car dans ton élégance fluide, dans cette façon très parisienne de jongler avec les citations bibliques, les poissons érudits et les prophètes minoritaires, tu glisses doucement… à côté du réel.

Tu dis qu’on t’accuse de choisir la morale plutôt que le réel. Et tu nous invites à rire avec toi de ceux qui, sans doute plus bruyants que brillants, n’auraient rien lu de Buber, ni de Gershom Scholem, ni même du Lévitique. Peut-être. Mais vois-tu, chère Delphine, ce n’est pas leur inculture qui choque. C’est ta façon d’en faire un manteau moral taillé sur mesure pour rester invitée partout.

Tu te dis franco-israélienne. Un mot qui claque bien en tête de tribune. Mais enfin, sauf erreur de ma part, à part une parenthèse d’études en Israël, un court passage en médecine, et un passage chez Charles Enderlin — ce grand reporter que les Israéliens ne citent jamais avec tendresse — que, d’ailleurs, tu n’aimais pas et que tu critiquais à l’époque, mais puisqu’il t’amenait de la lumière, après tout, c’était très bien —, tu as surtout étudié au CELSA, à Paris. Ton lien avec Israël est réel, mais il ne te donne ni brevet d’authenticité, ni statut de grande connaisseuse du terrain. Un passeport ne suffit pas à faire un point de vue irréfutable. Il peut, en revanche, faire un bel argument d’autorité dans une interview de France Inter.

Car ce qui t’intéresse, Delphine — et c’est là ton vrai sujet — ce n’est pas Israël, ni même la morale. Ce qui t’intéresse, c’est la lumière. Le halo médiatique. L’invitation. L’éclairage tamisé du plateau. Et puisque défendre Israël t’avait, à une époque, un peu assombrie dans les listings télé, tu as choisi de repositionner ton spot. Pas frontalement, non. En finesse. À coups de tribunes alambiquées, d’insinuations tressées, d’une rhétorique où tu passes pour la conscience éclairée d’un peuple qui, décidément, s’entête à vouloir vivre.

Tu dis qu’Israël n’est pas exempt de critique. Bien sûr. Nous le savons, nous le disons. Mais dans un monde où les otages juifs sont oubliés, où les femmes violées sont niées, où les missiles tombent sur les crèches, le choix du moment, Delphine, a du poids. Et ton discours si éthique, si équilibré, arrive bien souvent en contrepoint… de ceux qui ne condamnent jamais leurs ennemis, mais toujours leurs frères.

Alors non, tu n’es pas une traîtresse. Tu es une conscience. Mais une conscience qui, à force de fuir la polarisation, finit par se rendre invisible là où il faudrait être claire. Là où il faudrait, simplement, dire : « Je suis Juive, je suis sioniste, et ce peuple-là n’est pas le problème. Il est la cible ».

C’est ça, le réel, Delphine. Pas un concept. Pas un débat sur Zoom. Juste des enfants qu’on empêche de porter une kippa. Des adolescents qu’on empêche de dire leur prénom. Des familles qu’on empêche de rentrer chez elles.

Alors oui, continue de lire Jérémie. Mais lis aussi l’instant. Lis ce que vivent nos familles, ici et là-bas. Car à force de nager à contre-courant, on finit parfois par oublier pourquoi on nageait au départ.

Alors Delphine, puisque tu es si fièrement franco-israélienne… eh bien, sois-le. Va, vis, respire là-bas. Peut-être qu’un peu de soleil d’Israël t’éclairera suffisamment pour que tu n’aies plus besoin de courir après les spots de France Inter pour exister. Et qui sait, sous cette lumière-là, tu te souviendras peut-être enfin de ce qu’est vraiment Israël : non pas un prétexte, mais une promesse.

Bien à toi — sans poisson, mais avec conviction.

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