Tribune Juive

« Vers une parole qui élève et rassemble ». Grand Rabbin Claude Maman

Depuis plusieurs jours, certains attaquent violemment le Grand Rabbin de France pour avoir dénoncé des propos irresponsables tenus par le Rav Daniel David Cohen à l’encontre du Président de la République. Ces attaques ne sont pas seulement injustes : elles sont dangereuses, car elles fragilisent l’autorité morale qui protège notre communauté.

En tant que Grand Rabbin régional, et témoin depuis des décennies de la vie juive en France, je ne peux rester silencieux face à ces attaques injustes et irresponsables visant le Grand Rabbin de France.

Il faut rappeler avec force que le Rav Daniel David Cohen, bien qu’habitant en Israël, s’exprime en français, une langue qu’il utilise pour s’adresser non seulement à la communauté francophone d’Israël, mais également à celle de France, qu’il sollicite pour faire la aliya. Il est donc illusoire de penser que ses paroles ne nous concernent pas. Elles impactent directement l’image et la responsabilité de notre judaïsme en France, notamment en matière d’antisémitisme.

Menacer le Président de la République française ou lui adresser des malédictions implicites, sous couvert de références bibliques ou historiques, ne relève pas d’une vérité révélée, mais d’une interprétation personnelle de l’Histoire. Cette lecture est discutable et n’a rien d’une posture religieuse.

J’ai eu la chance de connaître le Grand Rabbin de France Jacob Kaplan qui, dans le huis clos du bureau du Général de Gaulle, avait su défendre avec fermeté et respect les positions de notre communauté. Il savait exprimer des désaccords, parfois profonds, mais il le faisait avec dignité, sans invectives publiques, et dans un cadre où la discussion pouvait produire des résultats. Ce modèle reste pour moi la référence de l’engagement rabbinique : parler vrai, mais parler juste et à-propos.

Le Grand Rabbin de France actuel agit dans cette même ligne. Ceux qui lui reprochent de ne pas « parler assez fort » oublient que la diplomatie et l’efficacité exigent parfois la discrétion. Le Grand Rabbin de France n’a pas besoin de frapper les pupitres devant les caméras pour défendre notre communauté : il intervient régulièrement, directement, auprès du gouvernement et de ses plus hautes autorités, pour les sensibiliser à nos préoccupations et à la lutte contre l’antisémitisme. Certaines de ces actions ne sont pas rendues publiques, par choix de sa part, précisément parce qu’elles aboutissent.

La Michna nous avertit : « חכמים, היזהרו בדבריכם » — « Sages, soyez prudents dans vos paroles » (Avot 1:11). Celui qui parle au nom du judaïsme engage bien plus que sa propre personne : il engage l’honneur et l’image de toute notre communauté. Lorsque des propos, fussent-ils motivés par un souhait sincère de défendre Israël, franchissent la ligne et deviennent susceptibles d’être perçus comme des appels à la malédiction ou à la violence, nous devons avoir le courage de dire « non ».

Oui, la voix du Grand Rabbin de France est la voix de l’honneur du judaïsme. Elle refuse l’invective, la menace et la malédiction. Elle ne se laisse pas entraîner dans des joutes stériles. Elle agit pour défendre notre communauté avec sagesse, force et responsabilité. L’attaquer, c’est affaiblir l’une des rares voix respectées et écoutées par les plus hautes autorités de ce pays.

Grand Rabbin Claude Maman
Grand Rabbin régional Sud-Ouest

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