
Delphine, vous parlez des mots brisés [1] comme si le langage s’était fissuré tout seul. Mais ce n’est pas un accident : c’est le résultat de choix, du vôtre en particulier.
Vous brandissez « génocide » comme un talisman tragique, et vous prétendez ensuite que ce mot ne peut être que mal compris, mal utilisé, manipulé. Vous avez raison sur ce dernier point : il l’est. Mais c’est vous qui l’avez mis entre les mains de ceux qui rêvent de nous voir disparaître.
Vous convoquez Moïse, sa bouche lourde, sa difficulté à parler juste, comme si cette maladresse sacrée pouvait excuser un mot dont vous connaissez parfaitement la charge. Moïse parlait pour guider son peuple. Vous, vous parlez pour capter l’attention du monde. Vous nous parlez de brisure, mais ce n’est pas la vôtre qui nous frappe : c’est la brisure que vous infligez à notre défense, à notre légitimité, à notre sécurité.
Vous dites redouter l’avalanche. Mais votre mot — « génocide » — est la pierre que l’on pousse au sommet de la pente. Vous savez ce qu’il déclenche : la ruée des haineux, l’ivresse des comparaisons odieuses, l’aplatissement de l’Histoire. Gaza devient Auschwitz, Israël devient le Troisième Reich, et le Juif redevient le coupable universel. Vous le savez. Et vous le faites quand même.
Vous répétez qu’il ne faut pas permettre aux antisémites de manipuler ce mot. Mais en l’utilisant la première, vous leur avez donné la caution qu’ils attendaient : « Même une rabbin le dit ». Le cachet kasher de la diffamation.
Et au fond, Delphine, c’est peut-être là que se trouve votre vraie ligne rouge : non pas dans la préservation d’Israël, ni même dans la sécurité des Juifs de France, mais dans votre capacité à rester dans la lumière. Vous dites que les mots sont brisés, mais vous les disposez comme des éclats de miroir, pour que le projecteur vous trouve toujours.
Moïse, lui, refusait la lumière pour lui-même. Il parlait au nom d’un peuple. Vous, vous parlez au nom d’un peuple pour rester au centre de la scène. Et dans cette lumière, nous, nous restons dans l’ombre des accusations que vos mots alimentent.
La lumière, Delphine, peut être belle. Mais mal dirigée, elle brûle. Et c’est ce que fait votre mot : il éclaire votre visage … et il met le feu à notre maison.
[1] https://tenoua.org/2025/08/06/david-gross
© L’Étoile de David
« Je ne savais pas encore …
J’ai choisi une photo de moi, enfant.
Parce qu’à cet âge-là, on ne sait pas encore.
On vit porté par la douceur, les rêves, les bras aimants.
On ne se pose pas de questions.
On est juif comme on est vivant : libre, sans le savoir.
Aujourd’hui, j’ai 50 ans.
Je vis en France.
Et je sais.
Je sais ce que l’on nous dit, ce que l’on nous refuse, ce que l’on attend que l’on taise.
Mais je ne me tairai pas.
Je vais me battre, avec vous, pour que cette liberté — celle de l’enfance, celle de vivre sans se cacher —
revienne.
Et qu’elle n’ait plus d’âge »
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