Tribune Juive

Michèle Chabelski. Mots de passe. Ou le Code qui mène à la paix

Bon

   dimanche

     L’histoire est remplie de ces tourments infligés à l’homme qui lui permettent de goûter son bonheur après les coups du destin, un peu comme le trekking des Hébreux dans un désert aride et stérile qui les a conduits à la Terre Promise devenue depuis ce verdoyant pays si jalousé de ses voisins.

  Eh bien notre époque ne fait pas exception à la règle.

    On connaît des petites joies et de grandes épreuves.

L’une d’entre elle est la mémorisation du mot de passe, plutôt des mots de passe, puisqu’ils sont supposés aller en nombre comme les troupeaux de brebis sur les verts pâturages.

   Sauf que là, point de berger pour identifier, compter et regrouper ses ouailles.

    Quelques neurones spécifiques sont nécessaires au tri et au stockage de cet assemblage souvent hétéroclite de chiffres et de lettres censés cadenasser notre patrimoine et faire la nique aux vilains hackers venus fracturer la porte de notre ordinateur .

Il y a bien des fenêtres, pourquoi n’y aurait-il pas aussi des portes?

     Mais comment s’y prendre pour blinder toutes ces issues et se gausser sous cape de ces délinquants numériques?

   En multipliant les écheveaux de codes bien sûr.

  La difficulté majeure étant de les retenir.

    Petit florilège.

    La Carte bleue

     Le code vous est imposé, mais vous pouvez le modifier.

    Il ne possède que 4 petits chiffres.

Qui , par le plus malencontreux des hasards, ont déserté votre mémoire quand vous tentez de régler vos poireaux en respirant profondément pour éviter le lynchage par cette file grondante et menaçante d’humains trépignant chez Leclerc.

Mais ces quatre chiffes ont pris le large 

Et vu le nombre de combinaisons possibles, autant essayer de citer de mémoire les dix décimales qui suivent pi.

Ah! On fait le malin?

Pi 3,14116… ok

Et après ???

Le code de l’ordinateur.

    Un seul chiffre vous manque et tout est dépeuplé.

    Vous avez changé votre date de rencontre et les 3 premières lettres du prénom de l’ex parti sous d’autres cieux- que son nom soit maudit jusqu’à la 8 e génération, pour la date de naissance d’un de vos petits-enfants mais vous ne savez plus lequel.

Et vous en avez six. 

Des petits enfants pas des ex …

Quoique…

Ça dépend si on ne compte que les maris ou si on entre les non – épousés dans la statistique…

Bref…

   L’ordi attend.

Mais entrera en dissidence à la 3e manœuvre erronée…

D’où l’angoisse 

Facebook 

  Le code d’accès à Facebook,  plusieurs fois modifié a depuis longtemps déserté le champ mémoriel pour rejoindre le noir cachot où croupissent tous les chiffres impitoyablement jetés depuis des décennies…

À commencer par certains numéros de téléphone 

  Gutenberg 28 12

Archives 32 34

Botzaris 10 14

Odéon 39 45

Etc…

Ainsi que plusieurs codes d’accès aux sites de taxi, de vente,  de services, de rencontres, de location de places de théâtre, de nounous, de voyages en montgolfière et d’hôtels 5 étoiles dans des pays où il pleut pour l’anniversaire du sultan.

Tous ces codes mille fois modifiés se tiennent aujourd’hui chaud ensemble. 

Mais pour retrouver les derniers :

 Mnr&. Ds@ T ! » &à p;7 tu £#¥\#+=49)84 

Un code parmi d’autres…

 Bref, aujourd’hui il n’y a que pour respirer qu’on n’a pas besoin de code d’accès.

Et étant donné qu’il est obligatoire de mélanger les majuscules, les minuscules, les chiffres arabes , les signes de ponctuation et qu’il est interdit de les noter dans son agenda – de toute façon plus personne n’a d’agenda-je n’ose imaginer le maelström qui sévit dans nos méninges molestées et nous plonge dans un état d’incontrôlable épouvante dès qu’on s’apprête à entrer en relation avec le monde extérieur même quand s’affiche le benoît et urticant:

    Vous avez oublié votre mot de passe ?

   Non, crétin, je fais exprès de taper toutes les lettres de l’alphabet pour voir si je m’en souviens encore…

À une époque il y en avait 26, mais à l’heure de CHAT GPT, combien en reste-t-il?

    Que cette journée vous offre de jolis écrins cérébraux où classifier et entreposer ces précieux joyaux de notre ère numérique: les mots de passe.

Inutile de préciser que je rêve de voir tous mes mots de passe morts-nés, oubliés ou mille fois tapés remplacer dans mon cerveau convulsé d’angoisse les images d’otages moribonds condamnés et de gamins mobilisés et jetés en pâture par des gouvernants qui cherchent désespérément le code qui mène à la paix…

  Je vous embrasse,

© Michèle Chabelski

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