
Il y a eu un avant-7 octobre, des moments de paix où l’Iran, le Hezbollah et le Hamas nous menaçaient, sans que nous prenions leurs gesticulations très au sérieux.
Un avant-7 octobre où nous n’avions jamais entendu parler des Houthis.
Un temps où l’antisémitisme était résiduel, du moins le pensions-nous.
C’était un mois d’août 2022.
…
J’avais regardé sur un plan, avant de quitter le boulevard Keren HaYesod.
Descendre vers l’ancienne gare, puis remonter sur une des collines de Jérusalem, dans le quartier d’Abou Tor, poursuivre jusqu’au bout de la rue Naomi.
Tout au loin, derrière la brume de chaleur, le mont Moab ( ou mont Nébo ), en Jordanie.
De là, Moïse contempla la Terre Promise, sans jamais pouvoir y pénétrer.
De là vient Ruth, la Moabite, qui à la mort de son mari, aida sa belle-mère Naomi, à retourner sur cette terre.
En contrebas, la vallée du Kidron ( ou Cédron ), où le fils maudit du roi David, Avshalom ( Absalon ) trouva la mort.
À Jérusalem, chaque coin de rue que l’on passe est comme une page de la Bible que l’on tourne.
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Le soir est tombé, et le vent commence à se lever. Un vent sec du désert.
J’ai pris la direction de Bethlehem pour arriver jusqu’ici. Je ne regrette pas mon pull.
J’ai été invité par mon amie Sarah pour un événement unique dans ce lieu unique.
Une fête célébrant le 15 du mois hébraïque Av.
La fête des amoureux, une St Valentin juive.
Le Talmud nous dit qu’il y a bien longtemps, « les filles de Jérusalem s’en allaient danser dans les vignobles le 15 Av et tout celui qui n’avait pas de femme allait là-bas pour y trouver une fiancée. »
Sarah est venue avec son fiancé.
Je suis venu avec Ruth qui n’est pas moabite mais parisienne.
Au programme, un concert réunissant 12 musiciens venus des 4 coins du globe.
Un public très divers aussi, juifs avec kippa, familles arabes des villages alentours, hippies attardés en pantalons à franges et sandales…
Woodstock à Jérusalem.
Beaucoup d’enfants qui se mettent à danser dès les premières notes de musique.
Musique africaine, musique arabo-andalouse, musique liturgique…Derboukas marocaines, tablas indiens, violoncelle pour musique de chambre…Tous ces instruments fusionnent pour nous envoûter.
Bière et vins blancs des coteaux de Jérusalem à volonté.
Schwarma et nourriture végane.
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Il est presque minuit.
Les enfants sont fatigués, et certains se sont endormis à même le sol sur des coussins brodés et des tapis persans.
Familles palestiniennes des villages arabes et familles juives des villages de Judée partagent des restes de nourriture avec un peu de méfiance.
Dehors, la vallée s’illumine, un couloir de lumières dans la nuit, jusqu’à la Mer Morte dont on devine le glacis.
La musique s’est faite plus paisible.
Juste une guitare et un oud qui jouent une berceuse. Les paroles sont en arabe et en hébreu.
Alors, moi aussi, j’ai posé ma tête sur un coussin brodé, près de celle de Ruth, et je me suis mis à rêver à un espoir sur cette terre.
…
Un peu plus d’un an plus tard, le 7 octobre.
© Daniel Sarfati

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