
Dans la guerre moderne les drones se sont définitivement imposés. Une page s’est écrit. Une autre est en passe de l’être, ici et maintenant. Dans la « nouvelle guerre » (new age warfare) dans la lutte anti criminel et anti-terroriste, dans la détection prédictive.
PALANTIR, par l’analyse de données comme arme d’influencer ou de de décision, est devenu un acteur international, réputé être la plus grande entreprise de surveillance au monde. Présente partout, visible nulle part.
C’est qui ?
PALANTIR est à la croisée des chemins de la technologie, de la géopolitique et de l’éthique, aussi visible qu’insaisissable.
L’entreprise n’est pas une start up comme les autres. Elle est née dans le giron de la CIA, via son fonds d’investissement technologique
In-Q-Tel. Sa mission dès l’origine est très précise : « voir à travers les données » les big datas, mais encore ?
Contrairement aux Gafam qui monétisent les données collectées, Palantir vend des plateformes analytiques ultra puissantes (big datas) aux gouvernements (Plus de 139 répertoriés) et aux grandes entreprises.
Elle propose trois versions :
Foundry, destiné au monde industriel et civil, qui permet de connecter, nettoyer, visualiser et modéliser les données d’une organisation entière.
Apolo, moteur de déploiement logiciel de l’ensemble, qui permet à Palantir la mise à jour en temps réel de ses plateformes, y compris dans un environnement ultra sensible.
Enfin, GOTHAM, dédié aux agences de sécurité et forces armées. Cet outil permet de croiser des milliards de données (cyber, terrain, radars, renseignement humain) et d’identifier des menaces, planifier des missions, repérer des réseaux.
La spécificité de Palantir
Palantir se revendique comme un « cerveau stratégique » capable de transformer le chaos informationnel en décisions lucides. Dans GOTHAM, chaque événement, chaque individu, chaque point GPS devient un nœud sur une toile vivante. L’objectif est de fournir aux militaires, aux services de renseignements, à la police, une vision complète et synthétique d’une situation complexe, souvent en conditions extrêmes. En Irak, en Afghanistan, le système a été utilisé pour identifier des réseaux terroristes, prévoir leurs déplacements ou déclencher des raids ciblés. En matière de lutte policière anti criminelle, il sert à reconstituer des chaînes de contacts, analyser des enregistrements et repérer des schémas invisibles à l’œil humain.
En substance, les pros et les cons
L’ensemble de ces performances soulève plusieurs problèmes alors que nous sommes entrés dans l’ère de l’intelligence artificielle, supposée se substituer à l’intelligence humaine dans plusieurs champs d’activité. Ces capacités, dont l’identification prédictive, provoquent une suspicion généralisée et une mobilisation contre l’opacité.
Parmi tous les utilisateurs, citons
Bien entendu les États-Unis, son gouvernement, ses nombreuses institutions, ses organismes chargés de la sécurité, les forces armées, etc…
Dans l’Union Européenne, Europol dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, via ses membres.
Grande Bretagne : Le ministère de La Défense et le système national de santé
Norvège : contrôles douaniers depuis 2018
Danemark : projet de police prédictive (celle qui soulève le plus d’oppositions) projet POL INTEL, depuis 2017
Espagne : ministère de La Défense
Lituanie : ministères divers
Ukraine : Avant tout, les applications militaires : criblage, détection des crimes de guerre, prise de décision en zone de conflit
La Suisse : utilisation privée dans le secteur bancaire
Allemagne : dans l’immédiat 3 régions ont adopté PALENTIR, la Bavière, le Bade- Würtemberg, la Rhénane du nord Westphalie, La Hesse aurait aussi commencé son utilisation.
Des associations comme la Société pour les libertés civiles (GFF) dénoncent un risque élevé de surveillance de masse (dragnet surveillance) – toute personne pourrait être ciblée, même sans soupçon — “victime d’un délit ou juste au mauvais endroit au mauvais moment” . Le Chaos Computer Club (CCC) renchérit, dénonçant une dépendance dangereuse à un logiciel opaque.
Loyalistes vs pragmatistes
Le ministre fédéral de l’Intérieur Alexander Dobrindt (CSU) conserve sa liberté de manœuvre. Il préconise une extension de Palantir au niveau fédéral (Police fédérale et BKA, le service de renseignements), en rupture avec la ligne de sa prédécesseurs qui avaient stoppé l’initiative en 2023
Recours constitutionnel en cours
L’association GFF a déposé une plainte constitutionnelle contre l’usage de Palantir en Bavière, mettant en cause la violation de droits fondamentaux comme l’autodétermination informationnelle et la confidentialité des communications. Cette démarche a reçu un soutien public massif : plus de 264 000 signatures en une semaine, à fin juillet 2025. Une plainte similaire contre la Rhénanie-du-Nord‑Westphalie attend encore une décision de la Cour fédérale de Karlsruhe.
France : La DGSI est en relation avec Palantir depuis 2016. Cependant elle a comme objectif de disposer d’une solution française de préférence ou européenne, permettant la comme ailleurs une totale souveraineté. L’outil de remplacement français pourrait être en place d’ici 2027. ChampsVision, start-up française, fondée en 2019, se positionne comme une alternative souveraine, après avoir remporté le contrat de la phase1, pouvant utilement devenir la solution souveraine, voire européenne à terme. En 2021 Palantir a noué un partenariat avec Station F, afin que les start-ups aient ainsi accès à la plateforme Foundry for builders, leur ouvrant des possibilités en matière d’IA, datas et innovation. Palantir est également en relation avec plus de 40 grandes entreprises françaises ( banques, pharmaceutique, aéronautique etc… Source Theirstack.com, Wikipedia, le Monde, BFMTV, développez.com, intelligence.online)
Israël : Officiellement les relations remontent à 2023, mais un resserrement des liens a eu lieu depuis la conclusion d’un accord en janvier 2024. (sources : Investigate.afsc, business & human right ressources centre, Wikipedia, the Nation) l’état hébreu est le partenaire idéal pour Palentir – car l’environnement particulier du pays en matière de défense, de contrôle de ses frontières, de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, le conflit qui l’oppose au Hamas depuis des mois – comportent tous les cas dans lesquels Palantir développe sa technologie. Les échanges entre cette société et Israël permettent des expérimentations in situ et en conditions réelles. L’ouverture d’un bureau en 2021 confirme, si besoin était, son intérêt de développer ses relations avec l’état hébreu dans l’ensemble des secteurs de la start up nation. Palantir cherche à intégrer l’écosystème tech israélien, notamment dans la cyber sécurité, les drones et l’intelligence artificielle.
Les réserves sur les libertés individuelles et les droits des personnes
La mise en œuvre du système en Allemagne suscite déjà de nombreuses réactions. Pour la police et les services de sécurité le système répond aux très nombreuses questions que ces derniers se posent en matière de sécurité et de détection préventive et prédictive. La science-fiction semble devenir réalité.
La reconnaissance faciale
Selon les associations, l’analyse illimitée des données viole le droit fondamental à l’autodétermination informationnelle et à la confidentialité des télécommunications. En Bavière, selon la législation en vigueur, même en l’absence de danger, la police peut utiliser l’exploration des données. Des plaintes ont été déposées auprès de la Cour constitutionnelle fédérale qui doit statuer. Pour autant, devant la recrudescence de la criminalité organisée et l’ampleur du narco trafic international qui dispose de moyens considérables, il est peu probable que les autorités renoncent à cet outil qui répond en partie à la problématique actuelle et en l’absence d’une solution de remplacement à l’échelle européenne.
La détection des discours de haine sur les réseaux sociaux
Lors de l’attaque contre le consulat israélien de Münich en septembre 2024, le vice responsable de la police Alexander Poltz a expliqué comment l’analyse automatisée des données permettait d’anticiper et d’identifier les mouvements de certains individus et de fournir aux services les conditions prédictives de leur action. C’est précisément ce que recherchent les services concernés dans la lutte contre le crime organisé.
Sécurité et contrôle des frontières
L’Allemagne comme la France et d’autres pays de l’UE ont parfaitement pris conscience que « la politique numérique est une politique de puissance » et que faire appel aux technologies d’autres pays (ici les États-Unis) crée une dépendance sur plusieurs années. C’est pourquoi l’Union Européenne doit se doter des moyens d’affirmer sa souveraineté dans ce domaine comme dans d’autres, si elle veut se rendre indépendante et s’assumer comme « grande puissance » dans le concert des nations. Malheureusement, le mode de fonctionnement actuel de l’UE et les dissensions entre les principaux acteurs et les 27 décideurs freinent considérablement les projets qui iraient dans ce sens.
Ainsi va le monde,
© Francis Moritz
Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion. Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps