
Un mois d’été, un mois de guerre, un mois comme une cicatrice sur la peau du monde. Juillet ne sait plus s’il doit chanter les moissons ou enterrer les enfants. Tout dépend d’où l’on regarde. À Tel-Aviv, les cafés battent le rythme d’une joie obstinée. À Gaza, les ruines murmurent qu’elles n’ont pas encore dit leur dernier mot. Et entre les deux, le monde entier se mêle, s’enflamme, s’égare.
À Jérusalem, l’air est lourd de mémoire. Chaque pierre y récite un psaume. On y croise des mots plus anciens que la poussière : Judée, Samarie, Israël. Et cette phrase qui revient comme un battement de cœur sous les coups : « Ils ne sont pas venus. Ils sont revenus. » On parle d’eux comme de colons. Pourtant, même un intellectuel arabe ose le dire sur un plateau : ce ne sont pas des étrangers, ce sont des indigènes. La Judée, ce n’est pas une ligne sur une carte. C’est le mot d’où vient « Juif ».
Alors pourquoi cette rage contre un peuple debout ? Pourquoi cette fièvre qui se déchaîne contre dix millions de Juifs cernés par vingt-deux États arabes, quand tant d’autres tyrannies passent inaperçues ? Pourquoi pas le Soudan ? Pourquoi pas les enfants morts de silence au Darfour ? Pourquoi ce prisme unique qui transforme les bourreaux en martyrs, et les assiégés en bourreaux ?
La réponse ne tient pas en une analyse. Elle tient en un frisson. Un refus millénaire de voir le Juif souverain. La souveraineté d’un peuple que l’on préférait victime, modeste, à genoux, saupoudré de folklore. Mais qu’il se redresse, et voilà l’outrage. Qu’il gagne en économie, en technologie, en bonheur même — oui, en bonheur ! — et les lames sortent des fourreaux.
Car qui l’eût cru ? En 2025, Israël fait mieux que la France : moins de dette, moins de chômage, plus d’enfants, plus de vie. Et surtout : huitième au monde dans le classement du bonheur. Un peuple en guerre, mais pas en détresse. La guerre a creusé les visages, pas les âmes.
À Gaza, pendant ce temps, les camions d’aide s’empilent. 950. Trop pour passer. Trop pour distribuer. L’ONU accuse, Israël répond, et les enfants crient entre deux checkpoints. Mais dans le chaos, certains Palestiniens tendent la main aux soldats israéliens. Non pas par trahison, mais par instinct de vie. Ils savent ce que vaut le mensonge du Hamas. Ils reconnaissent, parfois en silence, la lumière qui traverse les ténèbres.
Et pendant que l’on crie au génocide, les Druzes du Golan demandent la citoyenneté israélienne. 1 050 demandes cette année. Ils ont vu la Syrie s’écrouler. Ils ont compris que l’histoire ne protège que ceux qui l’assument. Ils choisissent Israël, non par résignation, mais par lucidité.
Mais tous ne choisissent pas la vérité. Certains la repeignent. On ressort un vieux papier de 1935 pour prouver l’existence d’un État palestinien… et ce papier dit tout le contraire. Un mandat britannique, une terre sans drapeau, sans État, sans peuple structuré. Le mythe d’une Palestine éternelle tombe à chaque coup de tampon. Le seul peuple enraciné, reconnu, toujours présent ? Les Juifs.
Et pourtant, dans les rues d’Europe, on les frappe. À Rhodes, à Nice, à Athènes, on insulte, on menace, on tague des slogans sur les restaurants cacher. Des enfants sont menottés parce qu’ils chantaient. Et dans le même souffle, à Bruxelles, on assigne l’État pour « génocide ». Pendant ce temps, le Hamas recrute, l’Iran explose — littéralement — et l’Occident trouve toujours le moyen de regarder ailleurs.
Mais juillet, malgré tout, résiste. À Sdérot, on cuisine encore. À Haïfa, on aime. À Be’er Sheva, on enterre, on pleure, puis on rit. Le bonheur, ici, n’est pas une politesse. C’est une réponse.
Et parfois, il suffit d’un mot pour percer le brouillard. Un Émirati, encore, s’interroge : pourquoi Gaza, et pas le Soudan ? Pourquoi cette passion sélective, cette haine masquée de vertu ? Ceux qui manifestent pour Gaza, ont-ils jamais lu Mahmoud Darwich ? Lui-même l’avouait : « Si j’étais en guerre avec le Pakistan, personne ne parlerait de moi. C’est vous qu’on regarde. » Le Juif est toujours au centre, même quand on le nie.
Mais le centre, il l’a conquis. Non par conquête. Par retour. Et chaque tentative de l’en chasser finit par le renforcer. Le 7 octobre, on a voulu l’effacer. On a réveillé sa mémoire. On a ravivé son droit. La Knesset a voté : Judée, Samarie, Israël. Non comme un caprice, mais comme une évidence.
Et dans cette évidence, il y a les enfants. Ceux qui vivent encore. Ceux qui apprendront l’hébreu, l’arabe, le yiddish. Ceux qui dessineront des roquettes dans leurs cahiers, mais qui, peut-être, feront la paix entre deux récréations.
Juillet, sur la Terre, n’est plus un mois. C’est un verdict.
Il dit qui choisit la lumière. Qui préfère le masque. Qui regarde les morts. Qui regarde ailleurs.
Et il nous laisse, debout, à la croisée des récits.
À nous de choisir le nôtre.
© David Castel