Tribune Juive

David Castel. Les bras plus courts

Un enfant. Les bras maigres, les yeux noyés, une peau si fine qu’on y lirait presque l’heure. On le montre à l’écran. Sur toutes les chaînes. Une star de la misère. Son nom ? Abdul Qader al-Fiyoumi. Il devient, à son insu, l’icône du chantage moral. La conscience occidentale aime les enfants, surtout quand ils ne sont pas à elle.

Mais cet enfant-là n’est pas affamé par Israël. Ni même affamé tout court. En 2018, il était en Israël, soigné. Neurologie génétique, pathologie rare. Ses clichés reviennent aujourd’hui, recyclés par le Hamas comme les slogans sur les campus : plus c’est faux, plus c’est viral.

Les bras de la vérité sont souvent plus courts que ceux de la propagande. À peine a-t-on commencé à rétablir les faits que l’image est déjà une arme. Elle plane, elle frappe, elle pleure à la place des morts.

Hamas le sait. Il compte là-dessus. Il parie sur nos scrupules comme un joueur cynique parie sur la candeur de son adversaire. Et les voix morales, même juives, s’élèvent. Toujours les mêmes. « En tant que Juif… » Et voilà. L’introduction est faite. Le poignard aussi.

On veut croire qu’un enfant affamé n’a ni drapeau, ni cause, ni calcul. Mais Gaza n’est pas un roman d’Hugo. C’est une pièce de guerre où l’innocence est instrumentalisée, où les mères pleurent à la commande, caméra bien placée. Le New York Times publie, puis rectifie. Trop tard. La photo a voyagé. L’indignation aussi. Et les synagogues brûlent à Paris.

Pendant ce temps, en silence, 180 malades palestiniens sont transférés via Kerem Shalom, vers l’Europe ou la Jordanie, soignés par ceux qu’on accuse de les affamer. Chaque jour. Chaque nuit. Sans communiqué de presse. Sans photographe.

Mais l’image est têtue. Et ceux qui veulent croire qu’Israël affame en masse ne veulent pas qu’on les dérange. Pas même avec les faits. Surtout pas avec les faits.

Les standuppers rigolent. Ils distribuent les bons points de morale sur un plateau. Avec eux, les anti-sionistes se domestiquent. Ensemble, ils font semblant d’ignorer. C’est commode, l’ignorance quand elle est bien habillée. Pendant qu’on parle d’éthique juive, on oublie les otages. Pendant qu’on agite la faim, on nie l’agresseur. Le mot devient une couverture. La couverture devient un piège.

Les plus cruels ne sont pas toujours ceux qui tuent. Ce sont parfois ceux qui pleurent à contresens. Ceux qui s’indignent de la guerre en oubliant qui l’a commencée. Ceux qui réclament la paix sans demander la reddition des tueurs. Ceux qui citent les textes sacrés mais refusent de voir ce qu’ils disent : « Celui qui a pitié des cruels sera cruel envers les justes. »

Et voilà que les vertueux réclament un cessez-le-feu. Ils savent ce qu’il signifie. Le maintien de Hamas, l’humiliation d’Israël, la prochaine tuerie déjà en germe. Mais c’est plus simple. Moins inconfortable. Le sang des Juifs, après tout, a toujours été un lubrifiant pour les pactes de fin de guerre.

Les démocraties s’alignent, les diplomates s’embrassent. La France se tord dans son « en même temps ». L’Allemagne résiste un peu. L’Italie aussi. Dix-sept pays refusent d’étouffer Israël. Douze veulent lui couper les vivres. Deux camps. Deux visions du monde. L’un voit le Hamas comme un parasite. L’autre comme un partenaire mal compris.

Et l’enfant, dans tout cela ? L’enfant ne vote pas. Il ne parle pas. Il subit. Mais de qui ? Ceux qui l’ont caché sous des tunnels ? Ou ceux qui l’ont soigné ?

L’information est un champ de mines. Le mensonge, un missile. Et l’image… une exécution en douceur. On regarde. On croit comprendre. On détourne les yeux du vrai responsable.

Hamas ne veut pas de fin. Il veut le spectacle de la fin. Israël, lui, veut vivre. Simplement. Douloureusement parfois, mais librement. Et vivre, ici, cela passe par un mot que les autres ont oublié : gagner.

Gagner sans gloire. Gagner sans tapis rouge. Gagner malgré le mépris des bien-pensants. Car il n’y a pas de paix avec ceux qui rêvent de vos enfants sous terre.

Et si le monde préfère les bourreaux en victimes, Israël, lui, n’a plus le luxe de mourir pour être aimé.

© David Castel

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